Championne du monde en titre, l’Argentine de Diego Maradona s’attend à une entrée en matière feutrée face au Cameroun. Mais la Coupe du monde 1990, disputée en Italie du 8 juin au 8 juillet, va débuter par un véritable coup de tonnerre.
Au printemps 1990, le Cameroun ne croit plus vraiment en ses Lions. La CAN, joué l’hiver précédent en Algérie, s’est achevée au soir du premier tour. Et puis, le tirage au sort effectué le 9 décembre 1989 au palais des Sports de Rome s’est révélé sans pitié pour les coéquipiers d’Emmanuel Kundé : outre la Roumanie, les Africains ont hérité de l’Argentine, championne du monde en titre, et de l’URSS, finaliste de l’Euro 1998. « Personne ne croyait en nos chances », se remémore André Kana Biyik, le milieu de terrain des Lions Indomptables qui était sur la pelouse du stade San Siro de Milan, ce 8 juin 1990.
Depuis 1988, le Cameroun est dirigé par Valeri Nepomniachi, un Soviétique totalement inconnu. Kana-Biyik, vingt-huit ans plus tard, se demande toujours par quel circuit cet homme froid et austère a été nommé sélectionneur. « On racontait qu’il était du KGB. Il n’était pas très expressif, il était du genre plutôt dur. »
Comme le long stage effectué à Split, en Yougoslavie. Au bord de l’Adriatique, les Lions enchaînent les séances physiques et les matches amicaux, dans des conditions spartiates que Joseph-Antoine Bell, toujours cash, ne se prive pas de dénoncer lors d’une interview accordée à un média français. « Il devait être numéro 1, mais quand des collaborateurs du chef de l’État Paul Biya ont eu connaissance de cette interview, il a perdu sa place. Ils voulaient même l’exclure de la sélection, mais tous les joueurs s’y sont opposés », raconte Kana-Biyik.
Les jonglages d’El Pibe de Oro
Quelques semaines avant le match d’ouverture, Carlos Bilardo, le coach argentin, semble confiant. Trop, sans doute. « Quand nous sommes arrivés dans l’espace commun réservé à l’échauffement, les Sud-Américains étaient un peu hautains. Nous, on s’est mis à entonner nos chants guerriers, et j’ai vu sur leurs visages de la crainte. » Juste avant le coup d’envoi, Maradona amuse la galerie avec quelques jonglages. Mais les champions du monde en titre déchantent vite : les Camerounais, très affûtés physiquement, leur rendent la vie impossible. « Ils n’arrivaient pas à déployer leur jeu. Notre objectif était de les contenir jusqu’à la mi-temps. On a eu quelques occasions, eux aussi, mais c’était assez fermé », poursuit Kana-Biyik.
Le coup de bluff de Kundé
À l’heure de jeu, Kana-Biyik est expulsé par Michel Vautrot, l’arbitre français. Mais six minutes plus tard, alors que les Argentins imaginent une fin de match plus facile, un incroyable concours de circonstance fait pencher la balance du côté camerounais. Alors qu’il s’apprête à tirer un coup-franc, le gaucher Louis-Paul Mfédé est remplacé. « On a vu Emmanuel Kundé, un défenseur droitier, se charger de tirer ce coup-franc, sur le côté gauche. Ce n’était bien sûr pas prévu », rigole Kana-Biyik.
Le ballon, dévié par Cyrile Makanaky, prend de la hauteur. François Omam-Biyik, le frère cadet d’André, saute plus haut que Sensini, et Pumpido, le gardien argentin, commet une faute de main qui précipite la chute de son équipe (1-0, 67e). « Ils ont ensuite tenté de revenir, mais on a tenu. Même à neuf contre onze, après l’expulsion de Benjamin Massing, à quelques minutes de la fin. »
Les Lions, qui viennent d’accomplir sous les yeux du président Paul Biya, présent dans les tribunes de San Siro, s’accordent une petite fête à leur hôtel. Pour eux, l’aventure s’achèvera en quart de finale, face à l’Angleterre (2-3 a.p.). « Après ce succès contre l’Argentine, les gens disaient qu’on pouvait rentrer, que la Coupe du monde était réussie », conclut Kana Biyik. Les Argentins termineront le tournoi comme ils l’avaient commencé, par une défaite en finale face à l’Allemagne (0-1)…
Avec jeuneafrique