En cas de conflit, il est possible de gérer sa colère pour avoir des échanges productifs.
Il est difficile de ne pas s’énerver lorsque la discussion est tendue. Après tout, un désaccord peut être ressenti comme une menace. Vous craignez d’avoir à abandonner quelque chose : votre point de vue, votre façon de faire, le sentiment d’avoir raison, peut-être même du pouvoir. Votre corps se prépare alors à la bagarre en activant le système nerveux sympathique. C’est une réaction naturelle. Le problème est que notre corps et notre cerveau ne font pas bien la distinction entre les différentes menaces comme, par exemple, ne pas se faire entendre sur un projet et, disons, être poursuivi par un ours. Votre fréquence cardiaque et respiratoire s’emballe, vos muscles se raidissent, le sang quitte vos organes et vous allez probablement vous sentir mal.
Le mode « lutte ou fuite »
Autant de phénomènes qui ne vous mettent pas dans les meilleures dispositions pour résoudre un conflit. Si votre corps se met en mode « lutte ou fuite » ou active ce que le psychologue Dan Goleman appelle « le détournement de l’amygdale », vous risquez de ne plus avoir accès à votre cortex frontal, la zone du cerveau chargée de la pensée rationnelle. Or prendre des décisions rationnelles est précisément ce dont vous avez besoin pendant un échange difficile. Non seulement vous perdez de votre lucidité, mais votre interlocuteur va probablement repérer chez vous les signes du stress — visage qui devient écarlate, débit qui s’accélère — et, à cause de ces neurones miroirs qui nous font « attraper » les émotions d’autrui, votre collègue va sûrement se retrouver dans le même état. Et sans même vous en rendre compte, la discussion a dégénéré et le conflit s’est aggravé.
Heureusement, il est possible d’interrompre ces réactions physiques, de gérer vos émotions et d’avoir des échanges productifs. Plusieurs actions vous permettront de garder ou de recouvrer votre calme si vous vous êtes énervé.
Cinq techniques pour rester calme
Respirez. Des techniques de méditation de pleine conscience simples sont vos meilleures alliées dans les situations tendues – la respiration étant la plus facile et la plus accessible (lire aussi la chronique : « Pourquoi la pleine conscience peut-elle avoir un effet bénéfique sur votre cerveau ? »). Aux premiers signes de tension, concentrez-vous sur elle. Concentrez-vous sur l’air qui entre et qui sort de vos poumons. Sentez-le passer dans vos narines ou descendre dans votre larynx. Cela détournera votre attention des symptômes physiques de la panique et vous permettra de rester centré. Des spécialistes de la méditation suggèrent de compter vos respirations ; vos inhalations et vos expirations jusqu’à six ou les seules expirations jusqu’à dix, par exemple, puis de recommencer.
Concentrez-vous sur votre corps. Rester assis quand la discussion s’envenime risque d’intensifier les émotions au lieu de les dissiper. Selon les spécialistes, se lever et faire quelques pas facilite l’activation du cortex frontal. Si vous et votre interlocuteur êtes assis autour d’une table, vous hésiterez peut-être à vous lever soudainement. On vous comprend. Dites plutôt : « J’aurais besoin de me dégourgir un peu les jambes. Ça vous ennuie si je fais quelques pas ? » Si cela ne va pas mieux, faites de petits exercices : croisez les doigts, par exemple, ou ancrez fermement vos pieds dans le sol et intéressez-vous à la sensation de vos semelles sur le plancher. Les spécialistes de la méditation appellent cela « l’ancrage ». Cela fonctionne dans toutes sortes de situations stressantes. Ainsi, j’ai longtemps eu peur de prendre l’avion, mais j’ai découvert que de compter mes doigts en les touchant un par un avec le pouce m’aidait à ne plus cogiter.
Récitez un mantra. C’est un conseil que m’a donné Amy Jen Su, associée chez Paravis Partners et coauteure de « Own the Room ». Elle recommande le choix d’une phrase à réciter pour se souvenir de garder son calme. « Sois neutre » fonctionne bien chez certains de ses clients. Essayez aussi : « Ça n’a rien à voir avec moi », « Ça va passer » ou « C’est juste une histoire de business ».
Reconnaissez et nommez vos émotions. Une autre tactique utile nous vient de Susan David, coauteure de « Développez votre agilité émotionnelle ». Lorsque l’émotion vous gagne, « l’attention que vous portez à vos pensées et sentiments remplit votre esprit et ne laisse pas la place à l’analyse », explique-t-elle. Afin de prendre de la distance, nommez-les. « Appelez une pensée une pensée et une émotion une émotion », ajoute-t-elle. « Il a tout faux là-dessus, ça me rend dingue » devient « Je pense que mon collègue se trompe et je ressens de la colère. » Procéder ainsi vous permet de voir pensées et sentiments tels qu’ils sont : « Des sources d’information en transit susceptibles de se révéler utiles ou non. » La création de cet espace entre vous et ces émotions facilite leur dissipation, au lieu de les enfouir ou de les laisser exploser.
Faites une pause. Mon expérience m’a appris que cette approche est trop négligée. Plus vous vous donnerez le temps d’analyser vos émotions, moins elles risquent de s’intensifier. Si les choses s’enveniment, vous aurez peut-être besoin de vous faire excuser, le temps d’aller chercher un café ou un verre d’eau, de vous rendre aux toilettes ou de faire un tour dans les couloirs. Veillez à accompagner ce besoin de faire une pause d’une explication neutre : vous n’avez aucune envie de donner à votre interlocuteur l’impression que les choses dégénèrent au point que vous vouliez désespérément vous enfuir. Dites quelque chose comme : « Pardon de vous interrompre, mais avant d’aller plus loin, je prendrais bien un café. Voulez-vous que je vous rapporte quelque chose tant que j’y suis ? »
Gardez à l’esprit que vous n’êtes sans doute pas le seul à être affecté. Votre interlocuteur est lui aussi susceptible de manifester de la colère ou de la frustration. Vous pourriez être tenté de lui donner les conseils ci-dessus, mais personne n’a envie de s’entendre dire de respirer plus profondément ou d’aller faire un tour. Il vous faudra donc peut-être le laisser se défouler. C’est souvent plus facile à dire qu’à faire. Difficile, en effet, de ne pas hurler à son tour quand on est attaqué, mais cela n’arrangera pas vos affaires. Jeanne Brett, professeur en négociation et résolution de conflits à la Kellogg School of Management, suggère d’imaginer les paroles du collègue voler par-dessus votre épaule au lieu de les prendre en pleine poitrine. Mais n’ayez pas l’air distant : il est important de montrer que vous êtes à l’écoute. Si vous n’ajoutez pas vos émotions négatives aux siennes, votre interlocuteur finira probablement par se calmer.
Admettons-le. Les conflits entre collègues peuvent être pénibles. Mais vous ne réglerez pas les problèmes sous-jacents ou ne maintiendrez pas de bonnes relations si vous foncez dans le tas en sortant de vos gonds. Heureusement, ces cinq techniques devraient vous aider à passer de la colère et de l’énervement au calme olympien.
Avec hbrfrance