Et du Sénégal en Afrique du Sud, en passant par le Rwanda, une problématique a concentré les efforts de nombres de fondateurs de ces start-up, celle de la mobilité. La croissance accélérée de l’urbanisation de ces dernières décennies a engendré des difficultés de déplacements. Au cœur de ces grandes métropoles africaines, circuler relève parfois du parcours du combattant. Pour y remédier, et pour remédier à certains endroits au manque de réponses des collectivités locales, les entrepreneurs s’organisent. Et facilitent le quotidien de plusieurs milliers d’Africains.
Au Sénégal : Sunubus
« À Dakar, c’est le hasard qui choisit si vous avez un bus ou non. » Et qui engendre notamment des retards au travail, ou à l’université. Pour pallier ce problème, Dahaba Sako, 22 ans, et ses trois autres associés ont créé Sunubus. Le concept est simple, mais indispensable si l’on veut se déplacer en transports dans la capitale sénégalaise : grâce à une application, l’utilisateur peut connaître les horaires des bus, ainsi que leur localisation en temps réel. « L’objectif est de donner à tous ces informations, pour arrêter de perdre du temps sur les différents arrêts », explique-t-il.
Autre répercussion positive soulignée par le jeune homme, la décongestion automobile. « À cause des problèmes liés aux bus, les gens préfèrent prendre leur voiture, ce qui crée des embouteillages monstres dans la ville. Et augmente en plus la pollution. » Si Sunubus est présent à Vivatech, c’est que ses fondateurs espèrent remporter le premier prix du concours organisé par la RATP, une subvention de 25 000 euros. Des fonds bienvenus, et qui leur permettraient de développer l’application, lancée en janvier. Pour attirer plus d’utilisateurs – elle comptabilise déjà près de 2 400 téléchargements –, Sunubus mise sur l’esprit de partage des Dakarois. Partager sa position et ses informations concernant les horaires des bus permet de gagner des points, et d’obtenir des bons d’achat. Le but : créer une grande communauté Sunubus.
En Tunisie : Smart Taxi
Moderniser le système des taxis jaunes en Tunisie, tel a été l’objectif de Mondher Mlaouah lorsqu’il a fondé Smart Taxi, à Tunis. Cet ancien employé en charge de la maintenance électronique dans les taxis se lance il y a une dizaine d’années, et fabrique lui-même un nouveau compteur, détachable, et y fixe un traceur GPS. La géolocalisation va tout changer pour les propriétaires des véhicules de taxi. Ils peuvent désormais suivre les courses à distance, et donc mieux gérer leur planning. Et autre nouveauté du compteur créé par l’entrepreneur tunisien, le suivi des recettes.
« Recevoir en temps réel toutes ces informations a donné davantage de contrôle aux propriétaires sur leur activité, et donc régler des problèmes dont ils n’avaient pas mesuré les conséquences », explique-t-il. Il y a un an et demi, Smart Taxi développe son volet « réservation ». Un jumelage avec E-Taxi permet la création d’une nouvelle plateforme, où les clients peuvent réserver leur taxi en ligne, et suivre sa position sur une carte. Un processus qui rappelle celui de l’entreprise Uber. Quand on lui demande si l’installation de la firme américaine en Afrique l’effraie, Mondher Mlaouah rétorque immédiatement : « Uber ne pourra jamais pénétrer le marché tunisien. Les gens sont trop attachés aux taxis jaunes. » En attendant, Smart Taxi s’est également installé en Côte d’Ivoire, et compte bien développer son activité dans d’autres pays du continent.
Au Maroc : Casky
Sur les 1,2 million de motos qui roulent au Maroc, 250 000 se concentrent à Marrakech. Le manque de visibilité est le facteur principal des nombreux accidents qui s’y produisent au quotidien. Mohamed Bouamane, entrepreneur de 36 ans, créé donc Casky, un boîtier fixé au casque du conducteur, qui transmet les informations à ceux des alentours. L’objet a deux clignotants, et une lumière qui s’allume quand la moto freine, à la manière d’un feu stop.
Autre particularité de Casky, le capteur programmé pour détecter les chocs, et qui transmet l’information directement aux proches du conducteur. Un processus qui tenait à cœur au créateur de l’entreprise. « À 20 ans, j’ai eu un accident et je me suis retrouvé projeté dans un fossé de deux mètres de profondeur. J’ai attendu 90 minutes avant que quelqu’un ne me remarque et appelle les secours. Une expérience traumatisante », raconte-t-il. Des capteurs qui évaluent la qualité de la route ont également été développés. À l’avenir, la start-up, qui compte un autre fondateur et trois développeurs, aimerait s’associer à l’État, afin de lui transmettre ces données.
Au Rwanda : Zipline
Si la mobilité est une problématique qui s’exprime directement dans les transports des métropoles, elle s’applique également au domaine de la santé. Car le transport de matériel médical ou de médicaments peut lui aussi s’avérer compliqué, en cas de routes défectueuses ou de manque de véhicules à disposition. Un constat fait par les fondateurs de Zipline, une start-up rwandaise basée à Muhanga. Leur objectif : améliorer les échanges entre les centres hospitaliers, en créant un système de transports de sang par drones.
« On a préféré dédier cette technologie au personnel médical, plutôt que de l’utiliser pour livrer des pizzas », assure Abdul Salam Nizeyimana, un des fondateurs. Les médecins peuvent faire leur demande directement sur WhatsApp, ou sur le site de Zipline. Ce système, qui apporte le sang bien plus rapidement que lorsqu’il est transporté en camionnette, permet aussi de parer au problème de stockage. « Le sang a une date de péremption. Si un établissement ne peut pas le conserver correctement, il fait appel à nous, pour qu’il rejoigne une structure adaptée, explique l’ingénieur de 27 ans. On évite ainsi de jeter une substance qui peut sauver des vies ailleurs. »