D’après l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la chenille légionnaire d’automne, qui dévaste les cultures en Afrique et ailleurs, peut être combattue grâce à certaines techniques naturelles.
L’institution a récemment produit un documentaire sur l’utilisation de ces méthodes écologiques contre ce ravageur qui attaque plusieurs plantes, avec une préférence particulière pour le maïs.
Interrogée par SciDev.Net, Joyce Mulila-Mitti, experte en production végétale et protection des plantes à la FAO, explique : “Ces moyens naturels incluent l’utilisation de plantes comme le neem, le moringa, la tephrosia, le datura, le tabac et l’usage du poivre ou de la cendre et du sable qui sont appliqués dans le verticille où les larves résident”.
D’après cette spécialiste, d’autres techniques consistent en l’utilisation de graisses et de soupe de poisson pour attirer les ennemis naturels de la chenille. “Permettre à ces parasitoïdes de s’accumuler dans le champ pour réduire les populations de chenilles est une autre méthode de contrôle”, estime-t-elle.
Joyce Mulila-Mitti ajoute par ailleurs que les fermiers peuvent également lutter contre ce ravageur en écrasant ses œufs ou en ramassant les chenilles elles-mêmes.
“Toutes ces méthodes sont très efficaces tant qu’elles sont appliquées dans les premiers stades de l’infestation, quand les larves sont encore petites”, précise cependant l’experte.
Pourtant, de l’avis de certains autres spécialistes, l’efficacité de ces moyens naturels n’est pas aussi absolue que le soutient la FAO.
Madi Galdima, ingénieur agronome et chercheur à l’Institut de recherche agricole pour le développement (IRAD) au Cameroun, nuance : “A ce jour, aucune méthode unique ne s’est révélée efficace contre ce ravageur qui continue de progresser. Par contre, une lutte intégrée pourrait apporter une meilleure solution”.
Pour sa part, Boddupalli Maruthi Prasanna, directeur du programme de recherche sur le maïs à l’International Maize and Wheat Improvement Center [1] (CIMMYT [2]), estime que “ces moyens naturels pourraient être efficaces, bien qu’ils puissent ne pas l’être dans la même mesure que certains pesticides chimiques. Cependant, ils peuvent faire partie de la stratégie de gestion intégrée des ravageurs contre cette chenille”.
Lutte intégrée
Madi Galdima, qui partage l’idée de cette lutte intégrée, précise toutefois qu’elle passe par une réponse adaptée aux diverses étapes de la croissance du ravageur : “Au stade de l’œuf, il faut une prédation par des insectes parasites ; au stade larvaire, une prédation par les punaises, les acariens, les fourmis, les guêpes rouges, les oiseaux, etc. Et au stade adulte, une prédation par les chauves-souris”.
A cela, le chercheur de l’IRAD ajoute l’utilisation de phéromones sexuels pour entraîner des perturbations d’accouplement chez la chenille.
La lutte intégrée comme solution face à l’avancée de ce ravageur a d’ailleurs fait l’objet d’un document spécial produit par le CIMMYT, en collaboration avec d’autres partenaires.
Arrivée en 2016 d’Amérique, la chenille légionnaire d’automne a rapidement infesté l’Afrique, où elle a déjà été identifiée dans 30 pays en février 2018, d’après un communiqué de presse du CIMMYT.
A en croire Boddupalli Maruthi Prasanna, cette rapide invasion du continent s’explique par le fait que “les papillons nocturnes de cette chenille sont capables de voler près de 100 km par nuit et 500 km avant la ponte.”
Menace
Selon le CIMMYT, la chenille peut se nourrir de 80 espèces de cultures différentes, mais préfère le maïs, un aliment de base consommé par plus de 300 millions de familles de petits agriculteurs africains, ce qui constitue une menace importante pour leur sécurité alimentaire, leur revenu et leurs moyens de subsistance.
“Les infestations durant le stade de développement du maïs entraîneraient des pertes de 15 à 73% lorsque 55 à 100% des plants sont attaqués par la chenille”, indique Madi Galdima.
Seulement, explique la FAO, il n’y aucun moyen d’empêcher les invasions de la chenille. Cependant, relève Joyce Mulila-Mitti, “ce qui peut être fait est de prévoir une détection précoce de la présence de l’organisme nuisible pour avoir le temps de se préparer à sa gestion”.
“Cela nécessite la mise en place de pièges à phéromones avec des leurres spécifiques qui attirent les papillons mâles”, ajoute l’intéressée, qui reconnaît néanmoins que cela nécessite une formation des agriculteurs à l’identification de la chenille à travers le “Y” inversé sur sa tête et les quatre carrés sur son avant-dernier segment.
A défaut, la FAO prescrit de bonnes pratiques agricoles, à l’instar de la plantation précoce qui permet aux plantes d’échapper à l’infestation initiale leur laissant le temps de croître, l’apport optimal de nutriments aux plantes ou encore l’adoption d’approches agroécologiques et l’utilisation de variétés résistantes.
Source : SciDev.Net