Chaque jour, environ deux millions de personnes viennent travailler dans la capitale russe à bord des elektritchkas, les trains de banlieue russes typiques. L’heure de pointe aux arrêts des trains régionaux est comprise entre 8 et 9 heures du matin, quand les travailleurs se précipitent de toutes les directions de l’oblast de Moscou et des régions voisines vers la mégapole pour gagner de l’argent pour leurs familles restées à la maison. Les elektritchkas sont des trains de banlieue classiques, mais ils relient les régions aux grandes villes qui fournissent le pain quotidien. Contrairement aux trains longue distance, vous n’avez pas besoin de montrer votre passeport pour acheter un billet. Ils constituaient donc par le passé la seule façon de voyager à travers le pays en se cachant des fonctionnaires.
Monter, descendre
La manière officielle de prendre une elektritchka est de trouver la partie de la gare destinée aux « prigorodnye poezda » (trains de banlieue), où vous achetez votre billet directement aux terminaux de billetterie. Ensuite, vous suivez le chemin indiqué vers les plates-formes, où vous rencontrerez une longue rangée de tourniquets. Avec un billet valide, vous pouvez les franchir et accéder à l’elektritchka dont vous avez besoin.
Mais parfois, vous serez contrôlé à nouveau juste devant votre train ou même en passant la porte. Pourquoi ça, demanderez-vous ? Parce que beaucoup de gens préfèrent ne pas payer pour leurs déplacements quotidiens au travail.
Bien que le prix des billets varie entre 70 et 500 roubles (1 à 7 euros), selon la distance, sur les 2 millions de personnes qui se rendent à Moscou chaque jour, environ 300 000 ne paient pas.
Pour éviter les tourniquets, ils pénètrent dans la plate-forme par des trous dans les murs ou sautent par-dessus les clôtures autour de la gare ce qui cause souvent des accidents tragiques. Mais vous avez acheté votre billet et pouvez entrer paisiblement dans votre train. Rappelez-vous simplement que vous devez conserver votre billet jusqu’au terminus. Sans ticket, vous ne pouvez pas quitter la gare, car vous devrez passer à nouveau des tourniquets.
Trouver un siège et se battre pour lui
Dans les anciennes elektritchkas, où vous pouvez encore ouvrir les fenêtres, vous pouvez parfois voir comment les petits sacs sont jetés de l’extérieur à travers la fenêtre ouverte sur le siège. Pas d’inquiétude, c’est juste pour réserver un siège. Ne vous asseyez pas à cette place, peut-être qu’il y aura quelque part un autre siège libre. Dans une elektritchka typique, vous avez trois sièges d’affilée des deux côtés et la même chose en face de vous. Donc, six personnes seront assises dans chaque « coupé » – parfois plus, parfois moins.
Une autre habitude pas vraiment agréable que vous pouvez remarquer dans les premières secondes après le départ d’une elektritchka : un homme (souvent c’est une femme âgée de 55 à 60 ans) est seul dans un de ces « coupés » pour six, tous les autres sièges sont occupés, mais il prétend qu’il doit réserver l’espace pour ses cinq amis. D’après lui, ils ne pourront venir qu’à la prochaine station ou même plus tard.
Marchands et musiciens
« Chers passagers… » est non seulement le début des instructions du conducteur, mais aussi la salutation des différents vendeurs d’un incroyable assortiment de papiers, crayons, briquets, sacs, chaussettes, torchons et beaucoup d’autres choses, dont vous pourriez avoir besoin ou que vous pourriez acheter. Ces marchands se reconnaissent par leurs énormes sacs et leurs micros mobiles. Après être entrés dans le train, ils présenteront leurs marchandises et essaieront de vous persuader que vous ne pourrez pas vivre plus longtemps sans leurs magazines de mots croisés et leurs couteaux super spéciaux pouvant résoudre toutes sortes de problèmes.
Et quand il n’y a pas de marchand, vous rencontrerez sûrement un musicien d’elektritchka : des étudiants, retraités et chômeurs essaient de gagner de l’argent en chantant des chansons, en jouant de la guitare et en reprenant des classiques du rock.
En fait, le commerce et le chant dans les trains n’est pas vraiment autorisé, mais il est souvent simplement ignoré. Gardez à l’esprit : plus le transport est bon marché, plus la liberté y règne.
Manger, boire, fumer et…
La même « règle » vaut pour manger, boire et tous les autres besoins « physiques » que les gens éprouvent. Ainsi vous pouvez manger un kébab que vous avez acheté à la gare et boire du Cola. Officiellement, il est interdit de consommer de l’alcool, mais les conducteurs contrôlent rarement cela et le punissent encore plus rarement. Gardez un œil sur les gens qui boivent des bouteilles dans des sacs en plastique. En fait, l’endroit principal pour toutes les choses « légèrement illégales » est le soi-disant « tambor » – l’espace près des portes et entre les wagons.
Lapins en pleine course
Quelque part au milieu de nulle part, des gens se lèvent tout à coup et se déplacent vers le premier wagon. Quelques instants plus tard, quatre contrôleurs et deux vigiles entrent dans la rame pour contrôler les billets. Mais où sont allés les gens qui viennent de partir ? À la station suivante, regardez par la fenêtre. Vous observerez comment un important groupe de personnes différentes courant le long de la plate-forme vers l’autre bout du train.
Pourquoi ça ? Ces gens sont appelés « zaïtsy » (« lapins »), les gens sans billet. Environ 15 pour cent de tous les passagers des elektritchkas sont des « lapins ». La chose la plus drôle à leur sujet est que souvent ils ne ressemblent pas du tout à des gens pauvres, mais pour des raisons X ou Y ils ne veulent pas payer.
Ostorojno, étrangers! Restez vous-mêmes !
Alors que d’habitude les Russes ne prennent l’elektritchka que pour de courtes distances entre leur domicile et leur lieu de travail, le journaliste et voyageur Alexander Loutchkine, a rallié l’Extrême-Orient russe à Moscou en élektritchkas.
« En Russie, nous avons une relation spéciale avec les étrangers, c’est quelque chose d’historique, confie Loutchkine. Les Russes montrent aux étrangers une politesse et une vénération extrêmes, plus qu’à leurs compatriotes. En même temps, nous les considérons comme des étrangers, qui ne connaissent pas notre vie réelle. Pour un voyageur c’est une position avantageuse : elle vous permet d’être comme un enfant curieux, et tout le monde vous excusera. Loutchkine, avoue qu’il a lui-même essayé de jouer le rôle d’un étranger quand il voyageait à travers la Russie. Parce que les gens sont plus disposés à vous donner des conseils et à vous aider. »
rbth.com