Zazous, hippies, motards, punks, rockers et métalleux formaient des contre-cultures qui attiraient souvent l’ire des autorités soviétiques. RBTH vous propose un aperçu de la jeunesse rebelle de l’Union soviétique.
Crédit : Anastasiya Karagodina
La contre-culture en Union soviétique, pays coupé de l’Occident par le tristement célèbre rideau de fer, reposait sur une rébellion ouverte de la jeunesse contre la stagnation idéologique et culturelle.
Les codes vestimentaires de la contre-culture en URSS
Zazous, hippies, rockers, punks et métalleux coexistèrent jusqu’à la fin des années 1980, même si chaque groupe connut des degrés variés de popularité à différentes périodes.
Chaque groupe avait son propre point de rencontre préféré. Attraktsiya, un lieu situé dans la célèbre rue Arbat à Moscou, était un aimant pour les break dancers, alors que le restaurant Jeltok, situé place Tchistye Proudy était populaire auprès des hippies. Les groupes de contre-culture s’affrontaient souvent entre eux, mais s’unissaient également souvent contre la police, qui les arrêtait par la suite.
Les médias soviétiques les baptisaient « non-conformistes », car ils s’affranchissaient délibérément de toutes les qualités recommandables propres aux citoyens soviétiques consciencieux. On les traitait même de parasites paresseux et de fascistes.
Les zazous (années 1940–1980)
Crédit : Valeriy Shustov / RIA Novosti
Le terme zazous, souvent traduit comme hipsters, dandys ou beatniks, est le premier groupe de contre-culture apparu sous l’URSS. Né à la fin des années 1940, il connut son apogée dans les années 1960, pendant le dégel sous Khrouchtchev, quand la censure fut allégée (par rapport à l’époque stalinienne).
Affichant des opinions apolitiques et une admiration pour la mode étrangère, ils essayaient de porter des marques étrangères et écoutaient de la musique occidentale. Ils avaient une forte préférence pour le swing et le boogie-woogie. Les femmes portaient des robes et des chaussures à talons, alors que les hommes optaient pour des pantalons à carreaux centrés et des bottines brillantes à bouts pointus.
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Leur style évolua avec le temps, mais les Zazous resteront toujours fidèles aux couleurs vives et aux vestes bariolées. Alexander Petlura, le plus grand collectionneur d’objets soviétiques de Moscou, dit : « Il était si important de préserver l’aspect brillant des chaussures qu’ils avaient l’habitude de nettoyer les bouts avec leurs pantalons, abimant ainsi le tissu ».
Les hippies (années 1960–70)
Crédit : Lev Nosov / RIA Novosti
Une fois que la jeunesse soviétique eut goûté au mode de vie occidental avec le dégel de Khrouchtchev, de nombreuses autres sous-cultures répandues firent leur entrée dans le pays, comme les hippies.
De l’extérieur, les hippies soviétiques ressemblaient largement à leurs acolytes américains. Pourtant, les hippies américains se rebellaient principalement contre le consumérisme, alors que leurs homologues soviétiques défiaient l’État conformiste.
Les hippies soviétiques utilisaient beaucoup d’argot et d’emprunts anglais et étaient largement influencés par le folklore. Ils racontaient souvent l’histoire de leur vie sous forme de blagues. Ils rechignaient à travailler, préféraient mendier et imiter le style vestimentaire de leurs amis hippies américains.
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Les motards (années 1980)
Crédit : Oleg Porokhovniko / TASS
La contre-culture des motards, comme celle des hippies, fut également importée d’Occident. En URSS, où les gens ne pouvaient généralement pas se permettre d’acheter une voiture, les motos servaient souvent de substitution. Pourtant, seule une minuscule minorité de motards soviétiques possédait effectivement une moto.
Ils aimaient le hard rock, diffusé alors illégalement en URSS. Les motards tentaient d’imiter leurs homologues occidentaux, mais le manque de blousons en cuir en Union soviétique les obligeait à improviser. Certains motards tentaient de confectionner leurs propres blousons, mais la plupart portaient du faux cuir. D’autres encore utilisaient du tissu noir uni à la place.
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Les motards aimaient également les rembourrages, comme leurs acolytes étrangers. Ils appréciaient les drapeaux de la marine, les têtes de mort, les croix et autres symboles, mais étaient vent debout contre l’alcool et les drogues.
Les break dancers (années 1980)
Crédit : Getty Images
Malgré sa difficulté à pénétrer à travers le rideau de fer, le mouvement break dance rencontra une grande popularité auprès des jeunes soviétiques. La plupart apprenaient les mouvements tout seuls ou en les copiant sur des films occidentaux.
Dans un entretien pour le livre intitulé Hooligans des années 80 écrit par Misha Buster, Mila Maximova se souvient que de nombreux break dancers préféraient faire des vagues avec les bras et des mouvement de robot, rares étant ceux qui maîtrisaient les master spins et autres power moves. « Nous les connaissions par leurs noms, ils n’y en avait que cinq à Moscou », ajoute Mila.
Le Rock et la Perestroïka
Au moment où la mode du mouvement break dance se propagea pour devenir une contre-culture, la jeunesse soviétique avait développé son propre style vestimentaire. « Les baskets blanches et les gants étaient importants », raconte Maximova. Il était presque impossible de trouver des baskets blanches, car la plupart des modèles disponibles étaient marron ou noir. Aussi les break dancers blanchissaient-ils souvent leurs chaussures.
Ils appréciaient également les pantalons qui « ne ressemblaient en rien à des jeans » et des tas d’accessoires supplémentaires comme des chaînes, des bandeaux, des bracelets et des sweatshirts aux logos étrangers. Un projet spécial dédié à la contre-culture soviétique, conçu par Look at Me et Adidas Originals, affirme que les danseurs parvinrent par la suite à se procurer des « planches de skates et des bombes de peinture ».
Les métalleux (années 1980)
Crédit : S. Ivanov / RIA Novosri
Alors que la musique interdite gagnait en popularité, les genres alternatifs comme le heavy metal suscitèrent l’engouement des jeunes citoyens soviétiques. Les groupes de heavy metal comme Black Sabbath, Iron Maiden, Metallica, Judas Priest et Megadeth étaient populaires auprès de la jeunesse rebelle.
Dans un article pour le magazine russe Hooligans, Nikolaï Korchounov écrit que les métalleux soviétiques prenaient leur contre-culture très au sérieux et combattaient les poseurs. Les jeunes habillés en métalleux se faisaient arrêter dans la rue et questionner sur leur connaissance du heavy metal. On leur demandait alors de nommer au moins 15 groupes de heavy metal. Souvent, les nouveaux fans échouaient à ce test, ajoute Korchounov.
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Comme il était presque impossible de se procurer un blouson en cuir, les métalleux devaient souvent improviser. « On ne voulait pas porter de vêtements américains, raconte Sergueï Okouliar dans Hooligans des années 80. Il nous fallait quelque chose à nous, quelque chose qui soit intimidant au possible ». Parfois, les metalleux découpaient des bandeaux dans des sacs à main et les vendaient aux punks et aux autres métalleux.
Les punks (années 1980)
Crédit : Iliya Pitalev / RIA Novosti
Le style des punks était moins uniforme et dépendait principalement du lieu de l’URSS où ils vivaient : les punks sibériens étaient une déclinaison des hippies, alors que les punks de Tallinn ressemblaient en tout point à leurs homologues européens. Les punks de Saint-Pétersbourg menaient une « vie de bohème », ceux de Moscou aggloméraient les styles de tout le pays.
Leur nihilisme intérieur contrastait avec leur apparence extérieure, qui comprenait des crêtes iroquoises colorées, des piercings, des blousons, des T-shirts à l’effigie de leurs groupes préférés et des ceintures à clous faites à la main.
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Dans Hooligans des années 80, Misha Clash explique que leur style vestimentaire passa ensuite à « longs manteaux en cuir, avec une épaisse couche de maquillage sombre et des sacs à dos ».
Leurs performances prenaient souvent un tour violent et terminaient en vitres brisées dans les grands magasins, ce qui pouvait leur valoir des arrestations et un séjour en prison. Il y eut également des cas de punks bruyants arrivant au bureau d’état-civil dans un état d’ébriété avancé. Hurler des obscénités pendant la cérémonie de mariage faisait aussi partie de la culture punk.
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