A l’occasion de la 16e conférence mondiale des villes et des ports, qui se tiendra au Québec (Canada) du 11 au 14 juin 2018 (*), la Tribune publie une série d’articles sur ce thème. Aujourd’hui, l’objectif de chaque Port-Ville est d’augmenter les échanges et de favoriser les opportunités commerciales et sociétales mais le Port-Ville durable est celui qui est en mesure d’offrir des services à n’importe lequel de ses membres. Par Barbara Fluegge, fondatrice de Digitizing Ecosystems, Suisse.
« Une croisière dans la ville » ! Ce titre marketing est bien connu dans le monde des croisières. Les routes que nous choisissons comme passagers dépendent d’un certain nombre de critères. Lors d’une croisière qui nous mène d’une culture et d’une géographie à une autre, nous cherchons du plaisir et une expérience utilisateur maximum. Déterminées par nos préférences, nos émotions aussi se nourrissent des destinations que nous sommes en passe d’atteindre. Nous les connaissons sous le terme Ports-Villes. Qu’allons-nous y trouver ? Qu’y a-t-il de si attirant dans les Ports-Villes pour captiver à ce point l’intérêt des consommateurs ? Et comment attirer les investisseurs qui contribuent à rendre chaque visite de Port-Ville une expérience unique ? Pour explorer le «back office » des Ports-Villes efficients, nous ne surferons pas sur la vague du «tout smart», mais nous prendrons une route quelque peu différente.
Les perspectives des villes
Comme toutes les autres villes, les Ports-Villes ne connaissent la croissance que s’ils sont en mesure de gérer une plus forte densité de personnes, de biens et d’installations, et de favoriser un bien-être économique et social durable. Aujourd’hui, il faut observer les mégavilles. Les 120 plus grandes villes du monde génèrent plus d’un tiers du PIB mondial. De ce fait, les activités de ces villes disposent d’un volant significatif de croissance dans la fourniture, la distribution des biens et des services adjacents. Et leur rôle ira croissant dans le futur.
L’examen d’autres communautés humaines nous conduit à nous arrêter sur celles qui ont connu une croissance mal maîtrisée. Certaines ont été confrontées à des défis liés aux limites géographiques, à la décentralisation de la fourniture de biens, et n’ont plus été assez compétitives pour faire face aux tendances des affaires. Ces communautés courent le risque de perdre leur population en apparaissant et en agissant de manière obsolète. A l’inverse, les communautés trop sujettes aux effets de mode risquent de négliger ceux qui demandent une offre de services élargie comprenant les transports, le logement, la proximité des soins de santé, les services aux personnes âgées qui vivent seules. Où se situent les Ports-Villes ? Hambourg ou Québec ont-ils opté pour les effets de mode ?
Comprendre le passé, le présent et le futur des Ports-Villes
Les Ports-Villes ont toujours été les villes où il fallait être. Ce qui les rend uniques est ancré dans la triangulation d’éléments physiques et virtuels : le commerce de marchandises, les liens entre les peuples, et les échanges d’idées. Dès le 15e siècle, leur position géographique avait plus d’importance que leur taille. Le terme Port-Ville ne fait pas seulement référence aux ports maritimes. Il faut inclure également les ports fluviaux et leur urbanisation. Dans toutes ces formes, les échanges effectués par les Ports-Villes facilitaient l’interconnexion du pays et de la région. Il revenait aux négociants et à la communauté maritime de transformer un avantage concurrentiel local en un avantage régional et national. Certains réussirent à l’échelle du pays, d’autres se transformèrent en centre de commerce et de stockage, transmettant des services à une autre plate-forme ou stockant les biens avant expédition. Le rôle de l’hinterland connecté aux ports a ainsi évolué avec le temps après que le commerce des biens et les échanges d’informations aient attiré les vendeurs et les clients d’une plus vaste région. Les acteurs et les organisations distincts au sein des Ports-Villes méritent que l’on s’y arrête. Nos recherches révèlent ainsi que des centaines d’organisations dans la zone urbaine avoisinante et à l’intérieur des terres participent, partagent et sont engagées dans les opérations des Ports-Villes.
Aujourd’hui, les Ports-Villes transforment les terrains situés à proximité des ports en foncier résidentiel, ou en zones d’activités à haute valeur ajoutée, dont le potentiel économique est élevé. Alors que tous les amoureux des bateaux, les croisiéristes ou les visiteurs du front de mer savent ce qui constitue l’attractivité des Ports-Villes, les gestionnaires de ces Ports-Villes doivent en assurer la durabilité économique et touristique. Si l’on observe les groupes de touristes qui traversent les Ports-Villes, il est clair que l’impact est minimum pour les commerces de détail. Les Ports-Villes doivent profiter de l’occasion unique de provoquer l’intérêt et d’intégrer les attentes de tout passager ou acteur économique, et ce le plus rapidement possible, idéalement avant même que le navire ne quitte le port précédent. Les Ports-Villes ont ainsi la possibilité unique de transformer la plate-forme locale et son hinterland en centre d’échanges de produits et de services, faisant du même coup apparaître de nouveaux consommateurs. Aux citoyens, visiteurs et entreprises locales, s’ajoutent d’autres plus distantes ainsi que les réseaux de sous-traitants…, tous méritent qu’on leur porte attention en tenant compte des atouts structurels et géographique propres à chaque Port-Ville.
Ces produits et services composent l’identité propre de chaque Port-Ville, qu’il s’agisse des marchandises, des ressources et circuits pour l’alimentation, des spectacles et des loisirs, de la recherche scientifique, par exemple. Le positionnement des Ports-Villes est par nature stratégique : dans le passé, les Ports-Villes ont évolué à partir de produits nouveaux qui traversaient les océans ; aujourd’hui, ils doivent devenir des centres d’innovation qui voyagent également. Aucune innovation ne peut aujourd’hui pénétrer une région ou un pays sans un Port-Ville efficient !
Se transformer dans un écosystème multi formes
Observez le Port-Ville vers lequel vous voyagez comme travailleur ou visiteur. Situés sur le littoral, proches d’une région ou d’un aéroport, les Ports-Villes efficients sont en mesure de retenir leurs habitants et leurs partenaires commerciaux et de stimuler une croissance sûre dans la mesure du possible. Selon le concept de la «réflexion écosystémique», les Ports-Villes sont liés par des intérêts sociaux, économiques et politiques. Les Ports-Villes qui réussissent sont ceux qui sont à même de capitaliser sur leur position. Ils sont au service des citoyens et des visiteurs, ils assurent le fonctionnement de centres de fret, des zones industrielles, du bâtiment, des réseaux commerciaux, ils établissent des réseaux d’échanges scientifiques ou se positionnent comme point central pour les loisirs et les spectacles. Il faut à cet effet le soutien et l’action de toutes les parties prenantes : gouvernementaux et privés, scientifiques et entrepreneurs, société civile et influenceurs. Grâce à l’héritage du passé et avec les perspectives d’un futur prospère, les Ports-Villes disposent d’une chance réaliste d’assurer une croissance durable. Il est essentiel qu’ils connaissent leurs partenaires et la force de leur réseau. Les parties prenantes doivent examiner leurs possibles contributions, leurs compétences et talents et ensuite travailler ensemble à une croissance commune. Par nature, les écosystèmes ont comme souhait ultime de faciliter la collaboration dans des cadres économiques, légaux, techniques et politiques. Le but sous-jacent d’un écosystème peut varier de la survie aux pressions économiques, et du maintien d’une position actuelle jusqu’à la croissance et la transformation dans une nouvelle identité. Quelle est l’identité de votre Port-Ville ?
L’industrie des services pour nourrir la croissance des Ports-Villes
L’objectif de chaque Port-Ville est d’augmenter les échanges et de favoriser les opportunités commerciales et sociétales. Les études de marché révèlent un fort intérêt jamais égalé pour les services mobiles et leur rôle économique dans les organisations et les écosystèmes. Les Ports-Villes durables sont ceux qui sont en mesure d’offrir des services à n’importe lequel de leurs membres : les citoyens, les visiteurs, les entreprises locales et celles plus éloignées, les acteurs financiers ainsi que ceux qui s’appuient sur les ressources structurelles et naturelles. On peut alors passer progressivement d’une économie de vente de produits à une économie de prestations de services dont la facilité de mise en œuvre ne fait qu’accroître l’offre. Mais comment faire alors que de nombreux écosystèmes sont ralentis à cause de services hétérogènes, non connectés entre partenaires commerciaux, institutions gouvernementales et clients, et que les infrastructures, l’espace et les investissements sont de plus en plus limités ?
La solution est née aujourd’hui de la convergence du «numérique» et du «mobile» qui, dans un écosystème de services, permet aux parties prenantes de se délester des activités sans valeur ajoutée et de simplifier les processus structurels et financiers. Un service numérique correctement déployé est alors capable d’atteindre chacun plus rapidement. Il initiera le voyage du visiteur à des milliers de kilomètres de distance, au-delà des frontières, et ouvrira la voie à une nouvelle expérience de croisière dans les Ports-Villes !
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