La Tribune Afrique : Abax a récemment été racheté par le groupe Ocorian, quelles sont les motivations derrière cette opération ?
Richard Arlove : Nous avions la motivation chez Abax de trouver un partenaire stratégique, en ligne avec notre vision de devenir leader pour l’Afrique en 2020. Nous nous sommes rendu compte qu’avoir un partenaire stratégique nous permettra d’effectuer un «leapfrog» pour concrétiser cette vision. C’est pour cela que nous avons mandaté un conseiller international, en l’occurrence PwC Londres, pour identifier des partenaires qui seraient intéressés par l’île Maurice comme place financière et qui «matcheraient» avec l’ADN d’Abax. Comme pour un mariage ! C’est comme cela que le choix s’est porté sur Ocorian.
Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées ?
En fait, nos deux groupes partagent la même vision. Ocorian est une entreprise basée à Jersey et présente en Europe, en Amérique du Nord et à Singapour et qui avait annoncé une expansion de ses activités à l’international. Pour y arriver, le management d’Ocorian était également à la recherche d’un partenaire avec une présence en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie. Cette vision complémentaire a facilité le rapprochement. Nos deux entreprises partagent également les mêmes valeurs, notamment concernant le capital humain. Nos produits sont également complémentaires.
Quel poids ont les conditions fiscales à Maurice, que d’aucuns qualifient de paradis fiscal, dans ce mariage ?
Il faut d’abord s’entendre sur la définition du terme «paradis fiscal» ! C’est souvent une perception relayée sans que l’on comprenne ses tenants et aboutissants. Le terme paradis fiscal était associé aux concepts de faible taxation et d’opacité. Au fil des années, l’élément de la faible taxation a été éliminé de toutes les définitions et ne figure plus parmi les critères utilisés par l’OCDE dans la mise en place de ses listes (noires, grises et blanches). L’on a réalisé que la fiscalité est une question de souveraineté nationale de chaque pays.
L’opacité reste l’élément qui est pris en compte et aujourd’hui, Maurice dispose d’entre 130 et 150 accords d’échange d’informations avec d’autres pays. L’île est également en conformité avec les normes fiscales de l’UE ainsi qu’avec les éléments de partages d’informations requis par les USA. Toutes les informations concernant les opérations conduites à Maurice par un non Mauricien sont transmises aux administrations concernées. Donc en termes de transparence, Maurice n’a rien à se reprocher. Reste cette perception qui est due à la légèreté de la fiscalité, selon laquelle l’île serait un paradis fiscal. Non ! Maurice, c’est 15% d’impôts sur le revenu, 15% de taxes sur les bénéfices et 15% de TVA. Les statistiques prouvent que nos revenus sont importants, et il n’y a aucune raison d’en rougir au niveau fiscal ! Notre système est ainsi fait ! D’ailleurs, Maurice a prévu dans son budget 2018 des changements fiscaux afin de respecter les critères de l’OCDE. C’est dire que Maurice prend totalement en compte les directives de cette organisation de référence.
La modification de l’accord de non double imposition entre Maurice et l’Inde, vous pousse-t-elle à réorienter vos activités vers l’Afrique ?
Cet accord a été modifié de manière à demander davantage de substance économique pour les compagnies qui vont investir en Inde. Par rapport à l’Afrique, nous essayons de montrer notre valeur ajoutée en tant que place financière. C’est là où se rejoignent les stratégies de Maurice et d’Abax-Ocorian. Comme en Europe, où Londres, Paris, Francfort, Luxembourg et Dublin ont aidé au développement de la zone, Maurice a beaucoup aidé au développement de l’Inde, en canalisant l’arrivée des IDE dans la péninsule, en tant que plateforme mêlant gouvernance, commodités de capitaux et présence de banques. C’est ce que Maurice, en tant que place financière, peut faire avec et pour l’Afrique. Si vous êtes un investisseur indien, chinois, brésilien, américain ou encore européen, l’Afrique peut vous faire peur, au vu de certains risques inhérents à chaque pays.
Justement, quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées lors de votre récente implantation à Abidjan ? Pourquoi ce choix ?
L’on ne peut s’installer dans un pays sans quelques difficultés, sans aller jusqu’à les décrire comme insurmontables. L’installation n’a pas été simple, mais elle s’est faite sans accroc majeur. Aujourd’hui, c’est un bureau stable. Nous avons opté pour la Côte d’Ivoire parce que le pays nous offre plus de proximité avec nos clients ouest-africains et de mieux connecter les sphères anglophone et francophone. Bien que située à l’extrême Est du continent, en pleine zone anglophone, l’île Maurice est un pays francophone.
Comment arrivez-vous à concilier entre les différentes cultures d’affaires du Continent ?
C’est simple, nous sommes Mauriciens ! C’est notre ADN : les premiers habitants de Maurice étaient hollandais, puis les Français ont pris leur place pour 100 ans, ramenant au passage les esclaves africains. Ensuite, les Anglais ont ravi le pouvoir politique sur l’île aux Français. Les années 1980 ont été marquées par l’arrivée des Indiens et des Chinois…
Avec latribuneafrique