Les grandes enseignes multiplient les expérimentations entre rachats de start-up et créations d’incubateurs. De nombreuses start-up de la tech se spécialisent dans l’analyse de données pour les hypermarchés.
Carte de fidélité, paiement mobile, chariot connecté… Souriez, vous êtes fichés ! Depuis toujours, les hypermarchés collectent et traitent des données. Mais aujourd’hui, celles qu’ils recueillent sur les consommateurs sont de plus en plus précises et leur analyse devient une arme stratégique majeure pour donner la réplique aux Amazon et autres géants de l’e-commerce dont on leur annonce tous les jours qu’ils vont leur tailler des croupières. C’est évident : l’avenir des hypers passe par le Big Data (mégadonnées). « Amazon vient concurrencer Auchan et Carrefour avec de nouvelles armes, comme le traitement des données, que ces enseignes traditionnelles doivent s’approprier », clame Yves Marin, directeur chez Wavestone.
Campagnes publicitaires plus efficaces
La route est longue. Un seul chiffre : l’américain Walmart, numéro un mondial de la distribution, a généré l’an dernier un chiffre d’affaires de 13,7 milliards de dollars sur Internet, contre… 107 milliards pour Amazon, dont l’un des points forts réside aussi dans son système de recommandation. Ce n’est pas pour rien que Walmart a annoncé mardi mettre 3 milliards de dollars sur la table pour racheter Jet.com, un concurrent de la firme de Jeff Bezos. La grande distribution a commencé à se mettre au pas. Les expérimentations se multiplient : rachats de start-up, créations d’incubateurs ou investissements en matériels et logiciels… Walmart s’est ainsi offert la société Kosmix pour monter sa propre infrastructure d’étude en temps réel des données. Auchan Retail Data, l’entité du français Auchan qui gère les données, a quadruplé ses effectifs en un an (40 personnes). « La nouveauté avec le Big Data, c’est que l’on peut personnaliser la relation client à une très grande échelle. Avant, on s’adressait à un segment de clientèle. On est aujourd’hui dans une relation de one-to-one grâce aux capacités de calcul », affirme Olivier Girard, son directeur. Ainsi les bons de réduction susceptibles de vous faire craquer arrivent par miracle sur votre page de navigation et dans votre boîte aux lettres ou e-mails. Les campagnes publicitaires deviennent plus efficaces. « On constate jusqu’à 40 % d’augmentation des ventes avec notre régie Imédiacenter », note-t-il. Certains, comme E.Leclerc font appel à des « data scientists », très en vogue chez les géants du Web. L’enseigne fait aussi appel aux start-up, sans forcément les racheter. « Il suffit qu’un acteur de type Amazon sorte une innovation pour que des technologies qui ont à peine quelques mois deviennent obsolètes. Dans ce cadre, investir ses propres billes à long terme est une prise de risques beaucoup trop importante ! » justifiait l’an dernier Michel-Edouard Leclerc, patron du groupe, dans « L’Usine digitale ». Des jeunes pousses ont ainsi fleuri dans des domaines très pointus. « Il n’y avait aucun moyen de mettre en relation les données d’une personne à la fois cliente en magasin et en ligne. Notre société est capable de les associer pour améliorer les interactions avec les clients », explique Vihan Sharma, directeur général de Liveramp, une entreprise américaine qui a Carrefour pour client et qui s’est lancée dans l’Hexagone il y a un an. Elle traite 20 milliards de profils par mois environ en France, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.
A terme se profile la possibilité de monétiser les données aux clients : c’est déjà une source essentielle de revenus chez Cdiscount. C’est un enjeu pour les grandes surfaces. Pour l’heure, elles cherchent surtout à affiner le data. « Auchan commence à utiliser des données issues de l’open data, c’est-à-dire celles ouvertes et accessibles à tous sur Internet comme la météo et le trafic routier », pointe Olivier Girard. Quant aux données des réseaux sociaux : « Nous les utilisons peu par peur de se disperser. Ce n’est pas notre priorité aujourd’hui. » Le temps, c’est de l’argent. « La clef est de nous adapter au gros volume de données qui va nous arriver. Il faut être sûr que ce ne soit pas une source de perte de temps et d’inintelligence, expliquait récemment Georges Plassat, PDG de Carrefour, au Salon Viva Technology. « Nous évoluons vers une manière plus prédictive de servir le consommateur mais honnêtement si nos clients ont besoin, dans le futur, d’un indicateur sur leur réfrigérateur indiquant qu’ils ont besoin de lait, il faut que l’on s’inquiète. »
Avec lesechos