L’administration américaine a émis des règles strictes sur le business de la cigarette électronique. Les producteurs ont trois ans pour montrer patte blanche. Le secteur est sous pression.
En mai, les acteurs du marché américain de la vape – 4,1 milliards de dollars pour 2016, selon Wells Fargo – ont reçu un coup de massue: la publication par la FDA (Food and Drug Administration) d’une nouvelle régulation. Entre autres règles, l’organisme impose à l’ensemble des fabricants de soumettre une liste des composants potentiellement dangereux dans les aérosols de leurs produits. Chaque appareil, chaque solution devra faire l’objet d’une demande d’autorisation de mise sur le marché dans un délai de trois ans, à moins d’avoir été disponible sur le marché avant 2007. Ce qui n’est le cas d’aucune e-cigarette.
Les entreprises «devront non seulement démontrer que leur produit est plus sûr que les cigarettes, mais aussi qu’il permet d’arrêter de fumer (…)», analyse Michael Siegel, professeur de santé publique à l’Université de Boston. Selon lui, le coût d’une demande par produit s’élèvera au minimum à 330 000 dollars (321 000 francs). «Une catastrophe pour les quelque 16 000 boutiques de la vape aux Etats-Unis.» Le tabacologue milite pour un contrôle de l’e-cigarette qui tienne compte de la diminution de la tabagie permise par ce dispositif.
Au détriment des PME
Pour de nombreux observateurs, cette régulation aura comme conséquence d’écrémer une part du business. «Un marché dynamique, fait de milliers de PME fabriquant et proposant jusqu’à 100 000 produits, risque d’être remplacé par quelque 10 à 20 producteurs, issus probablement de l’industrie du tabac, n’offrant qu’une gamme limitée de produits», estime CASAA, une ONG qui milite pour une alternative à l’herbe à Nicot.
«Cette réglementation risque de freiner l’innovation, mais elle pourrait s’avérer positive pour les géants du tabac (…), particulièrement pour Altria (anciennement Philip Morris Companies Inc.) grâce à l’opportunité que représente son système iQos qui chauffe le tabac», estime Bonnie Herzog, senior analyste chez Wells Fargo.
Beaucoup d’entreprises indépendantes ne seront pas en mesure de répondre aux exigences techniques de la FDA. «Les plus petites PME américaines, qui produisent surtout des e-liquides, n’ont pas les équipes nécessaires pour ce travail. Elles ne sauront pas remplir les masses de formulaires exigés», estime Claude Bamberger, vice-président de l’Association indépendante (française) des utilisateurs de cigarette électronique: «Certes, il semble que la FDA a prévu un budget d’aide et des procédures allégées pour les petites entreprises ainsi que la possibilité de référencer des composés en commun. Mais au final, la partie sera plus facile pour les grands cigarettiers, qui possèdent peu de marques et peu de produits de la vape.»
Protéger les jeunes
La FDA se défend en pointant la nécessité de protéger les jeunes. «L’interdiction de vendre des produits dits à risques modifiés, sauf autorisation spécifique, marque un pas important pour réguler des produits utilisés à un rythme alarmant par les jeunes, comme les e-cigarettes, les cigares ou la chicha», décrit le directeur du Centre des produits du tabac de la FDA, Mitch Zeller. Une diminution de l’accès aux e-cigarettes pour le groupe cible de ses utilisateurs – les fumeurs – sera-t-elle compensée par les bénéfices sanitaires espérés auprès des jeunes? Tel est l’objet du débat.
Depuis début août, aucun nouveau produit de la vape ne peut plus être commercialisé aux Etats-Unis sans l’autorisation de l’administration. Cependant, plusieurs producteurs d’e-cigarettes ont réagi, attaquant le Deeming Act de la FDA (qui intègre l’e-cigarette au tabac ). «Les produits de la vape sont des produits technologiques et non pas des produits du tabac», a par exemple défendu la firme américaine Lost Art Liquids.