SERIE D’ETE. PAROLES DE PROF 11/12. L’écran et les moyens de communication sont très efficaces pour transmettre, échanger de l’information, piloter, définir des objectifs, rassurer, exprimer un mécontentement, etc., mais ne peuvent suppléer à la dimension physique intervenant dans toute relation de face-à-face.
Le management est une histoire de personnes. La relation à l’autre, l’intelligence émotionnelle, la capacité à être authentique, à donner du temps aux hommes et aux femmes que l’on dirige, sont des éléments déterminants. Autrement plus importants que la connaissance des théories du management. Comme une théorie n’a jamais guéri aucune angoisse ou aucune névrose (F. Giroud), on peut en effet tout connaître des théories du management et être un très mauvais manager. A contrario, on peut ne rien connaître des théories du management et être un très bon manager.
Les occasions de management à distance se multiplient
Mais si hier, il était relativement facile de mettre en place les conditions d’un management efficace – après tout, il ne dépendait que de la décision du manager de multiplier les occasions de rencontre avec ses équipes, pour partager la mission, les valeurs, la vision, la stratégie de l’entreprise, pour donner du sens, des signes de reconnaissance, pour écouter aussi, ce qui est plus qu’entendre, les idées, les questions, parfois les inquiétudes, et pour faire finalement ce que j’ai appelé le « slow management », il en va (très) différemment aujourd’hui.
En effet, si les situations où les hommes et les femmes n’étaient pas physiquement en contact avec leur manager, celui-ci pouvant se situer à plusieurs milliers de kilomètres, ont été rares, elles se multiplient aujourd’hui. elles se généralisent même. Et pour ce qui est des grands groupes, voire pour certaines ETI, elles se généralisent même.
Quid de la communication informelle ?
L’écran, les moyens de communication, sont très efficaces pour transmettre, échanger de l’information, piloter, définir des objectifs, rassurer, exprimer un mécontentement, etc., mais ne peuvent suppléer à la dimension physique intervenant dans toute relation de face-à-face. Surtout, ils interdisent les moyens de communication informels – la rencontre autour de la machine à café, se croiser dans un couloir, au parking, etc. Une communication informelle indispensable, non tant pour ce qui s’y joue, mais parce qu’elle participe à reconstruire de l’humain dans un monde où la globalisation et la révolution numérique bien sûr, mais aussi les process et les procédures, tendent à aseptiser les relations de travail.
Plus il y a de technologies dans la relation entre une personne et une autre, ici entre une personne et son manager, moins il y a d’échanges en face-à-face, qu’ils soient formels ou informels, et plus il sera nécessaire de reconstruire de l’humain. Au risque sinon, pour le salarié, de se sentir isolé, une ouverture aux risques psychosociaux ; pour l’équipe, de se déliter ; et pour le manager, d’être disqualifié.
Savoir relier
Si la relation physique, par définition, ne peut être reconstruite, en revanche, et comme l’exige le slow management, la capacité pour un manager, même à distance, de donner aux personnes ce qu’il a de plus précieux, à savoir du temps, existe. Simplement, et comme la communication informelle ne répond pas à un ordre du jour précis et anticipé, il faut que le manager ménage des espaces temps avec ses collaborateurs sans ordre du jour particulier, entre les instants bien repérés d’échanges formels.
Passer du temps avec chaque personne de son équipe, en présentiel ou à distance, savoir les relier les uns aux autres par leurs compétences et leur loyauté est le facteur décisif pour construire une équipe. « Les hommes et les femmes, a expliqué Michael Abrashoff, commandant dans la marine américaine, ont besoin de croire en leur manager comme le modèle vivant d’un but très précis qu’il leur communique chaque jour, à leur manière. » Plus encore qu’en présentiel, le manager, lorsqu’il dirige à distance, doit reconstruire de l’humain, multiplier les occasions de rencontre, de partage, et s’astreindre avec une rigueur sans faille à « faire du slow management ».
Loïck Roche est directeur général de GEM, président du Chapitre des écoles de management (CGE)
Avec lesechos