Trader, passer par des produits dérivés ou encore investir dans des start-up sont autant de possibilité de miser sur la crypto-monnaie.
Pour certains, le bitcoin n’a pas l’étoffe d’un placement. Ce n’est pas l’avis de tout le monde. Au contraire, les utilisateurs de la plateforme de trading Coinbase sont même de plus en plus nombreux à se servir de la célèbre monnaie virtuelle uniquement comme investissement, ou comme réserve de valeur à long terme, plutôt que comme outil de transfert. En 2015, c’était le cas pour 64% d’entre eux contre 46% en 2012, révèle la plateforme dans une récente étude.
“La forte volatilité du bitcoin est un risque mais aussi une opportunité”
Une bonne idée selon Jean-Christophe Laruelle, cofondateur de Crypto Facilities, société qui fournit des solutions de gestion de risques et de trading en actifs digitaux. Pour cet ancien de BNP Paribas et Société Générale, la crypto monnaie va “perdurer et prendre de la valeur. C’est une conviction à long terme. La demande augmente régulièrement. En plus, des bitcoins sont détruits – si vous perdez votre clé privée, vous ne pouvez plus les utiliser. Le nombre de bitcoins sur le marché, limité à 21 millions, ne peut donc que diminuer.”
Même son de cloche chez Gonzague Grandval, cofondateur de la plateforme de trading Paymium, mais pas pour les mêmes raisons. “Certains spéculateurs voient les évolutions technologiques à venir que sont le segregated witness (segwit), un principe qui va permettre d’augmenter la capacité des blocks de transactions sur la blockchain à court terme, et le lightning network, une surcouche au réseau bitcoin qui permettra d’opérer des millions de transactions par seconde, comme des signes favorables à l’évolution à la hausse du bitcoin. Ces nouveaux protocoles les conduisent à penser qu’on est bien sur une valeur qui est en train de naître et de se construire et probablement amenée à s’apprécier”, avance-t-il.
Les investisseurs qui n’aiment pas attendre peuvent quant à eux tenter de profiter de la volatilité du bitcoin. A leurs risques et périls, rappelle Jonathan Horlacher, analyste chez Crédit Suisse. “La valeur du bitcoin peut augmenter ou baisser de 300 à 400 dollars. Considérer le bitcoin comme un investissement, c’est prendre un risque multiplié par 10. Si on veut vraiment spéculer, mieux vaut le faire sur quelque chose de plus connu et de plus liquide”, assène-t-il. Cette forte volatilité “est un risque, admet Jean-Christophe Laruelle, mais c’est aussi une opportunité.” Gonzague Grandval abonde : “Pour gagner de l’argent avec bitcoin, il n’y a pas 50 solutions. Il faut acheter des bitcoins et les revendre plus cher. Bien entendu, la difficulté réside dans l’anticipation des hausses et des baisses du cours”.
S’il n’y a pas de recette miracle, le cofondateur de Paymium conseille déjà de s’intéresser aux évènements qui peuvent avoir une incidence sur les prix. C’est le cas du halving, la réduction de moitié de la récompense de minage qui a eu lieu en juillet 2016. “La création monétaire de bitcoins ayant été divisée par deux, il est probable que le prix du bitcoin augmente. Cependant on ne sait pas si cette hausse a déjà été anticipée – le cours est passé de 200 à 600 euros ces derniers mois – ou bien si cela va avoir un effet dans les semaines ou mois qui viennent”, explique le dirigeant.
Mais tout le monde n’a pas sa place sur les plateformes de trading, selon Louis de Froissard, gérant associé au cabinet Montaigne Patrimoine : “Lorsqu’on a un profil dynamique, ce n’est pas absurde de tester une plateforme reconnue en France comme Paymium. Le bitcoin a un côté valeur refuge. Or, comme nous ne sommes pas à l’abri de grosses secousses dans le monde financier, ce n’est peut-être pas une mauvaise idée d’en détenir un peu.” Le conseiller n’en reste pas moins mesuré : “Pour l’or, on dit qu’il ne faut pas dépasser 5% de son patrimoine. Pour le bitcoin, je dirais qu’il ne faut pas aller au-delà de 1%”.
“”Lorsqu’on a un profil dynamique, ce n’est pas absurde de tester une plateforme reconnue en France”
Louis de Froissard ne voit pas, en revanche, l’intérêt de souscrire à une offre telle que celle lancée par la société de Jean-Christophe Laruelle : un future sur le bitcoin, c’est-à-dire un contrat qui oblige à prendre une position à l’achat ou à la vente à terme. “Les dérivés, c’est bien pour couvrir un portefeuille mais pas pour spéculer car c’est le dérivé qui fait le cours du sous-jacent, et non l’inverse. Regardez ce qui s’est produit avec l’or : il y a eu une énorme masse d’argent sur le sous-jacent et quand tous les dérivés sont sortis, le prix de l’or est devenu excessivement bas. Dans toutes les matières premières, les volumes des dérivés influencent énormément les cours”, assure Louis de Froissard.
Outre celle de se couvrir, les futures, également très utilisés sur les marchés devises et les marchés actions, offrent la possibilité de profiter d’un mécanisme de levier. “Si vous avez 1 bitcoin, avec notre plateforme, vous pouvez vous positionner à l’achat sur l’équivalent de 6 bitcoins ou de 50, selon le type de produits que vous utilisez”, fait valoir le cofondateur de Crypto Facilities, qui a déjà séduit des investisseurs institutionnels ainsi que des clients retail qui “boursicotent et ont déjà un certain niveau de trading”.
“Pour l’or, on dit qu’il ne faut pas dépasser 5% de son patrimoine. Pour le bitcoin, je dirais qu’il ne faut pas aller au-delà de 1%”.
Cédric Jeanson, PDG de BitSpread voit d’un bon œil l’arrivée des produits dérivés sur ce sous-jacent : “Plus il y aura d’instruments autour du bitcoin, plus ce sera intéressant pour nous”. C’est que la fintech qu’il dirige, basée à Londres, développe des stratégies autour de la monnaie virtuelle. “Le ratio de Sharpe (mesure derentabilité en fonction du risque, NDLR) de quelques-unes d’entre elles est de 8. Dans les hedge funds, lorsqu’il est de 1 ou 2, ils sont déjà contents”, lance l’ex de JP Morgan et BNP Paribas. L’une de ces stratégies, celle dite de liquidité, consiste à acheter et vendre du bitcoin sur une multitude de bourses. “Avec nos algorithmes, on arrive à trouver une rentabilité assez importante”, se félicite Cédric Jeanson.
Mais pour espérer en profiter, il faudra encore attendre. Le dirigeant travaille toujours avec le FCA, le régulateur anglais, pour permettre à ses clients, via la blockchain, d’investir dans ces stratégies. “Ce sera probablement possible en septembre 2016”, annonce l’entrepreneur qui affirme que beaucoup de personnes ont déjà manifesté leur intérêt. “Des family offices et de personnes fortunées, décrit Cédric Jeanson. Il s’agit d’investissements exclusifs que l’on réserve à des personnes qui vont comprendre de quoi on parle. C’est une offre qui se rapproche du wealth management.”
Autre possibilité pour s’enrichir avec le bitcoin, mais qui suppose d’être un investisseur averti, se livrer à l’arbitrage : “Beaucoup de gens étudient les différences de prix entre les deux plateformes de trading Kraken et Coinbase. Ils achètent sur l’une et vendent sur l’autre. Il y a aussi un potentiel d’arbitrage entre le bitcoin/euro et le bitcoin/dollar”, explique Jean-Christophe Laruelle de Crypto Facilities.
“Mettre quelques billes dans des fonds qui accompagnent ce type d’entreprises peut être une bonne idée”
Dernière option qui, là encore, implique une prise de risque élevée, investir dans une start-up dont l’économie est liée au bitcoin. “C’est un moyen de mettre un ticket sur la partie très risquée du portefeuille. Globalement je crois à ce secteur-là”, confie le conseiller en gestion de patrimoine Louis de Froissard, qui a pourtant été échaudé par l’attaque dont a été victime The DAO, sorte de fonds d’investissementlancé sur la blockchain Ethereum, et qui a entraîné une perte de 50 millions de dollars sur les 150 levés auprès des utilisateurs d’Ethereum. “C’est un secteur qui va donner quelque chose. Mettre quelques billes dans des fonds qui accompagnent ce type d’entreprises peut être une bonne idée.”
Seulement voilà, les offres ne sont pas légion. Le fonds de capital-développement Newfund a bien investi dans Paymium mais Thomas Bertier, de Newfund, prévient d’entrée de jeu : “Le ticket d’entrée est assez élevé. Il n’est pas accessible aux clients retail et nous n’avons pas la volonté de nous ouvrir à un grand nombre de souscripteurs”. Bref, l’heure du dispositif ISF-Bitcoin associé à une société de capital-risque n’est pas encore venue.
En revanche, celle des trackers lancés sur un indice bitcoin approche. “On vient de mettre en place un partenariat avec le Chicago Mercantile Exchange, raconte Jean-Christophe Laruelle de Crypto Facilities, avec lequel on développe un indice qui sera l’équivalent du Cac 40 pour le bitcoin en prenant en compte les flux qui viennent de différents spot markets. Il sera lancé officiellement avec le marché de Chicago, qui est le plus gros marché de produits dérivés, au dernier trimestre 2016. Par la suite il y aura des trackers lancés par les banques sur cet indice.” Affaire à suivre.
Avec Journal du Net