Au début, la couture de vêtements de travail…
Le couturier russe Slava Zaïtsev au travail, Moscou, 1966.
Alexander Makarov/Sputnik
Après avoir obtenu son diplôme à l’Institut textile de Moscou en 1962, Slava Zaïtsev a obtenu une place dans une usine de la région de Moscou, où il cousait des vêtements de femmes pour Moscou et sa banlieue. La première collection du concepteur a provoqué le mécontentement des fonctionnaires: au lieu des tenues mornes pour les ouvrières des villages, il a créé des vestes et des bottes colorées et des jupes avec des motifs de Pavlovski Possad. Le conseil artistique prononça un « niet » retentissant : le designer novice a été accusé d’exercer une influence néfaste sur le peuple soviétique. Et Zaïtsev s’est ensuite contenté de colorer les vêtements ennuyeux et laids à la gouache… Cependant, le magazine français Paris Match a commenté la collection : un article est sorti avec le titre : « Il dicte la mode à Moscou ».
Connu à l’Ouest malgré le «rideau de fer»
Slava Zaïtsev et la designer de mode française Carmen de Tommaso accompagnés de mannequins portant ses robes haute couture (Défilé Printemps-Été 1988 à Paris).
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Quelques années après la sortie de l’article, Zaïtsev a été recherché à Moscou par les créateurs de mode Marc Bohan de Dior, Guy Laroche et Pierre Cardin qui voulaient se familiariser avec ce Russe audacieux. Ils ont été impressionnés par son travail et n’ont pas lésiné sur les compliments. Cardin l’a qualifié d’« égal parmi ses pairs », et la presse française l’a baptisé « Dior rouge ». Depuis lors, son nom était connu à l’Ouest, et ses collections ont été présentées aux Fashion Weeks de Paris et de Florence. En 1989, Zaïtsev a reçu le premier prix des « Cinq meilleurs designers du monde » : ses rivaux étaient Donna Karan, Claude Montana, Hanae Mori et les designers Byblos.
Jusqu’en 1988, il n’a pas quitté l’URSS
Malgré sa popularité à l’étranger, jusqu’à la Perestroïka Zaïtsev ne pouvait pas assister aux défilés de ses collections à l’Ouest. Pendant plusieurs décennies, le designer a pu se rendre uniquement Tchécoslovaquie en 1968, l’année durant laquelle les troupes soviétiques sont entrées à Prague. Tout a changé dans les années 1980: en 1987, il a présenté la collection « Millénaire du baptême de la Russie » à New York, et en 1988 à l’invitation de Madame Carven, il a montré la collection « Saisons russes à Paris ».
Trois mannequins ayant revêtu des vêtements et chapeaux imaginés par Slava Zaïtsev (Défilé Automne-Hiver 1988-1989 à Paris).
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Ses œuvres sont conservées dans les musées du monde entier
Tous les couturiers ne peuvent pas se vanter que leurs collections aient été présentées au Musée Guggenheim. Les costumes créés par Zaïtsev sont devenus des pièces de musée à part entière : les tenues réalisées par le créateur figurent dans les collections du Metropolitan Museum, et à l’Institut de New York des technologies de la mode.
Visiteur à l’exposition « Un demi-siècle de mode » par Slava Zaïtsev, au Musée d’Art Contemporain Erarta, à Saint-Pétersbourg.
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Il a créé des costumes pour le théâtre
Zaïtsev crée non seulement des collections de prêt-à-porter et de haute couture, mais développe aussi des costumes et des scénographies pour des spectacles. Une de ses œuvres les plus célèbres pour le théâtre est la conception de la mise en scène La Folle Journée, ou le Mariage de Figaro au Théâtre moscovite de la Satire. Le designer a également créé des costumes pour des mises en scène au Théâtre Maly, au Théâtre d’art Tchékhov et au théâtre Sovremennik.
Scène de la pièce « La Folle Journée, ou le Mariage de Figaro», au Théâtre académique de la Satire de Moscou.
Vitaliy Arutjunov/Sputnik
Le seul qui a obtenu une maison à son nom
En 1982, le couturier, qui travaillait alors à l’atelier de l’usine Mos-chveïa, s’est vu proposer de participer à la création d’une maison de mode sur l’avenue de la Paix à Moscou. Très rapidement, le studio Slava Zaïtsev (il préfère être appelé de cette façon) s’est transformé en une marque réelle, ce qui pour cette époque était unique. Auparavant, aucun designer de mode soviétique n’avait été autorisé à avoir sa propre marque de vêtements. Et à ce jour, la maison de la mode se trouve toujours à cette adresse.
Des mannequins portent des vêtements créés par Slava Zaïtsev durant la Mercedes-Benz Fashion Week, à Moscou.
Evgenya Novozhenina/Sputnik
Auteur d’uniformes pour la police et l’équipe nationale aux Jeux olympiques
En plus des vêtements dans le sens classique, le couturier a également créé un uniforme pour la police et des costumes pour les athlètes russes. Par exemple, aux Jeux olympiques d’été de 1980 à Moscou, les uniformes de cérémonie de la délégation soviétique ont été créés par Slava Zaïtsev. Quatre ans plus tard, en 1984, l’équipe de l’URSS s’est rendue aux Jeux olympiques d’hiver de Sarajevo dans ses nouvelles créations. En raison d’un budget limité, le couturier a décidé de remplacer la fourrure en utilisant de la peau de mouton : lors de la cérémonie d’ouverture, les athlètes soviétiques sont apparus dans des manteaux en peau de mouton gris élégants avec des chapeaux de fourrure. Les costumes des femmes ont été complétés avec des foulards de Pavlovski Possad lumineux – Zaïtsev apprécie particulièrement cet accessoire et l’utilise souvent dans ses collections aujourd’hui.
L’équipe soviétique défile durant la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques d’hiver de 1984, à Sarajevo.
Viktor Budan and Vyacheslav Un Da-sin/TASS
Il habille les femmes de politiciens
À l’époque soviétique, les « robes Zaïtsev » avaient la cote chez les hauts fonctionnaires. Parmi ses clientes figuraient l’épouse d’Edouard Chevardnadze, alors ministre des Affaires étrangères, la famille du secrétaire général du PC Leonid Brejnev, ou la première femme cosmonaute Valentina Terechkova. À notre époque, les vêtements portant l’étiquette de la maison de mode Zaïtsev sont toujours connus et appréciés : lors de la visite officielle de Vladimir Poutine au Royaume-Uni en 2003, Lioudmila Poutine a choisi les tenues du célèbre couturier, y compris un costume pour la réception chez la reine Elizabeth II.
Le président russe Vladimir Poutine et Lioudmila Poutine au cours d’une rencontre avec la reine du Royaume-Uni Élisabeth II et son époux le duc d’Édimbourg, le prince Philip, à Londres.
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