L’exemple du Brexit, décidé par des électeurs âgés alors que les jeunes y étaient hostiles, montre à quel point il est urgent pour les générations futures de prendre en main leur destin. C’est la seule façon d’en finir avec des décisions qui obèrent leur avenir.
Une fois de plus, les jeunes sont les moins bien lotis sur le plan politique. Le résultat du référendum du Brexit au Royaume-Uni n’est qu’un nouveau rappel d’un fossé béant entre les générations qui recoupe appartenances politiques, niveaux de revenus et origines.
Près de 75 % des électeurs britanniques de 18 à 24 ans ont voté en faveur du « remain » (pour rester dans l’Union européenne), pour en fin de compte voir le vote du « leave » (quitter), leur être imposé par les électeurs plus âgés. Et ce n’est qu’une façon parmi d’autres dont l’avenir économique de la génération du millénaire et celle de leurs enfants est décidé par d’autres citoyens. Dans la période qui a précédé la crise financière mondiale de 2008, nous nous sommes accordé de plus en plus souvent le droit d’utiliser le crédit pour vivre au-dessus de nos moyens et celui de prendre trop de risques financiers en matière de spéculation. Nous nous sommes arrêtés d’investir dans les véritables moteurs de la croissance : nous avons laissé nos infrastructures se désintégrer, notre système éducatif prendre du retard et nous avons laissé s’éroder notre formation professionnelle et nos programmes de modernisation.
Nous avons laissé le budget être pris en otage par des intérêts particuliers, ce qui a entraîné une fragmentation du système fiscal. Et nous avons assisté à une aggravation dramatique des inégalités, non seulement des revenus et des richesses, mais également des chances. La crise de 2008 aurait dû sonner notre réveil économique. Cela n’a pas été le cas. Plutôt que de nous servir de la crise pour catalyser le changement, nous avons repris de plus belle le fil de nos mêmes activités.
Nous avons échangé un système bancaire surendetté par des injections expérimentales de liquidités par les autorités monétaires hyperactives. Ce faisant, nous avons surchargé les banques centrales ainsi que leur stabilité financière future, au risque de mettre en péril leur crédibilité et leur autonomie politique.
Au sortir de la crise, nous avons transféré des passifs privés, depuis les bilans des banques vers les contribuables, notamment les passifs à venir, mais nous avons échoué à résoudre entièrement le problème du secteur financier renfloué. Nous avons laissé les inégalités empirer et nous sommes restés là à ne rien faire alors qu’un trop grand nombre de jeunes en Europe subissaient le chômage et franchissaient ce cap effrayant qui mène du chômage à l’inaptitude à l’emploi.
En bref, nous n’avons pas fait assez pour relancer les moteurs de la croissance durable, ce qui a également affaibli la production potentielle et a menacé la performance économique future. De mauvaises mesures économiques ont naturellement rejailli sur l’opinion, avec des segments croissants de la population ayant perdu confiance en l’establishment politique, les élites d’affaires et les avis d’experts. La fragmentation politique qui s’ensuit, notamment le gain de popularité des mouvements populistes a encore compliqué la conception de réponses économico-politiques plus appropriées.
Pour couronner le tout, nous autorisons à présent une réaction réglementaire contre les innovations technologiques qui bouleversent les industries établies et inefficaces et qui fournissent aux citoyens un meilleur contrôle sur leur vie et leur bien-être. Des restrictions croissantes sur des entreprises comme Airbnb et Uber ont frappé les jeunes très durement, en tant que producteurs et consommateurs.
Si nous ne changeons pas de cap rapidement, les générations suivantes seront confrontées à des tendances économiques, financières et politiques qui vont se renforcer mutuellement et qui vont peser sur eux avec trop peu de croissance, trop de dettes, des prix des actifs artificiellement gonflés, des niveaux alarmants d’inégalités et une polarisation politique partisane.
Etant donné le rôle de l’innovation technologique, dont une grande partie est dirigée par les jeunes, même une petite réorientation des politiques peut avoir un impact significatif et rapide sur l’économie. Bien que hautement souhaitables, de tels changements ne se concrétiseront que si une plus forte pression constructive est mise sur les politiciens.
Malheureusement, les jeunes ont été trop complaisants sur le plan de la participation politique, notamment sur les questions qui touchent directement à leur bien-être et à celui de leurs enfants. Oui, près des trois quarts des jeunes électeurs ont soutenu la campagne du « remain » au Royaume-Uni. Mais seulement un tiers d’entre eux ont participé au scrutin. En revanche, le taux de participation des plus de 65 ans était de plus de 80 %.
La génération du millénaire a fait des progrès impressionnants dans sa manière de communiquer, de voyager, de trouver et de diffuser l’information, de mettre en commun les ressources, d’interagir avec les entreprises, etc. Elle doit à présent chercher à progresser également sur le plan de l’élection de ses représentants politiques et les mettre face à leurs responsabilités. Si elle manque à ce devoir, ma génération (la plupart du temps par inadvertance) va continuer à emprunter avec excès sur leur avenir.
avec lesechos