Avis aux laboratoires pharmaceutique : il serait temps de réfléchir à la viabilité économique de remèdes obtenant trop rapidement la guérison des maladies. C’est en tout cas ce qu’a voulu faire Goldman Sachs en adressant en avril un rapport à ses clients à propos de ce casse-tête éthique : les solutions thérapeutiques reposant sur l’intervention sur les gènes posent un réel problème financier. Les « soins one shot », consistant à réparer des gènes défectueux, pourraient représenter une difficulté pour certains « développeurs de médicaments à la recherche d’un cash-flow continu ».
Le docteur Knock y avait certes réfléchi avant le monde de la haute finance : il avait même poussé le raffinement plus loin en créant des malades de toutes pièces, clientèle captive pour ses consultations à répétition et ses onéreuses potions. Mais le principe, tout fabricant de statines, d’antidépresseurs et autres petites pilules à avaler à vie le connaît et l’applique… Comme l’abonnement de téléphonie mobile, la cure de longue durée est une rente de situation.
Goldman Sachs se penche sans états d’âme sur les thérapies qui guérissent
Le rapport de Goldman Sachs, sous le titre The Genome Revolution, pose la question sous la de son analyste Salveen Richter : « Guérir les patients constitue-t-il un modèle économique durable ? »
« La possibilité de proposer des traitements one shot est l’un des aspects les plus attirants de la thérapie génique, de la thérapie cellulaire par ingénierie génétique et de l’édition des gènes. Cependant, de tels traitements offrent une perspective très différente au regard du revenu récurrent, par rapport aux thérapies chroniques », écrivait-elle dans sa note aux clients, le 10 avril dernier : « Alors que cette proposition est porteuse d’une valeur immense pour les patients et pour la société, elle pourrait représenter un défi pour les développeurs de médecine génomique à la recherche d’un cash-flow durable. »
Ainsi, Gilead Sciences a développé un traitement de l’hépatite C dont le taux de réussite dépasse les 90 %. Une réussite qui a « peu à peu épuisé le vivier disponible de patients à soigner ». Mlle Richter poursuit : « Dans le cas de maladies infectieuses comme l’hépatite C, la guérison de patients existants fait également diminuer le nombre de porteurs capables de transmettre le virus à de nouveaux patients, et ainsi, le vivier d’incidence décline lui aussi… Lorsqu’un vivier d’incidence reste stable (par exemple, pour le cancer) le potentiel de la guérison pose moins de risques pour la durabilité d’une franchise », a-t-elle expliqué.
La viabilité économique des traitements assurant une guérison rapide en question
Ainsi, en 2015, selon CNBC, les ventes américaines de traitements pour l’hépatite C a connu un pic à 12,5 milliards de dollars mais n’ont cessé de baisser depuis lors. En 2018, selon Goldman Sachs, les ventes tomberont sous la barre des 4 milliards.
Que devraient donc faire les grandes sociétés de biotechnologie ? Goldman Sachs propose trois pistes possibles.
« 1. Solution 1 : viser de gros marchés. L’hémophilie est un marché de neuf à 10 milliards de dollars à l’échelle mondiale (hémophilie A, B), qui connaît une croissance de 6 à 7 % annuels.
« 2. Solution 2 : Viser des troubles à forte incidence : l’atrophie musculaire spinale affecte les cellules (neurones) dans la moelle épinière, avec des répercussions sur la capacité à marcher, manger ou respirer.
« 3. Solution 3 : L’innovation constante et l’élargissement du portefeuille : il y a des centaines de maladies héréditaires de la rétine (des formes génétiques de cécité)… Le rythme de l’innovation jouera également un rôle à mesure que les programmes futurs seront capables de compenser la trajectoire descendante des revenus d’actifs antérieurs. »
La question de Goldman Sachs n’est pas totalement cynique
Tout cela n’est pas totalement cynique, puisque la recherche de traitements pour des maladies plus rares, à raison d’au moins 1 milliard de dollars pour la recherche et les essais cliniques pour chaque nouveau traitement, ne saurait rester viable en raison de la chute prévisible des revenus qui lui seront liés, et à ce titre, il faut bien poser la question.
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