Les événements récents semblent jouer pour Facebook Live ou Periscope le même rôle que la guerre du Golfe pour CNN en 1991.
Les chaînes d’information ne s’estiment néanmoins pas du tout ringardisées.
France Télévisions lance-t-il une chaîne d’information en continu au moment où ce type de média entame sa ringardisation ? La question est sans doute trop provocatrice. Mais après le tremblement de terre provoqué par des vidéos postées sur Facebook Live et Periscope par des proches de Noirs américains visés par des tirs de policiers, ou bien les efforts de ces réseaux sociaux pour couvrir les conventions républicaine et démocrate (grâce à des partenariats entre réseaux sociaux et des chaînes comme ABC et CBS), les Etats-Unis s’interrogent sur un possible « moment première guerre du Golfe » pour ce type de services. Les historiens de la télévision citent 1991 comme l’année montrant qu’il y avait un marché pour la couverture en continu d’événements par CNN, dit un chroniqueur du « New York Times ». Ce qu’on voit aujourd’hui est une guerre du Golfe pour le « streaming en live ».
Les « journalistes citoyens », témoins d’événements et dégainant leur smartphone pour en avoir une trace, pouvaient avoir le réflexe de vendre leurs images aux télévisions, par exemple, par le biais d’intermédiaires comme Newzulu (« Les Echos » du 8 avril 2016). Mais tout d’un coup, avec Facebook Live et Periscope, ils disposent d’un canal pour les retransmettre en direct. Et ils l’utilisent.
Bien sûr, Facebook Live ou Periscope (qui peut maintenant être intégré sur n’importe quel site Web) sont au stade expérimental. Leur offre n’est pas organisée pour fournir un fil ou des fils par thèmes susceptibles de concurrencer celui d’un BFMTV. Mais demain, Twitter et Facebook pourront facilement utiliser des éditeurs et des algorithmes pour que ce soit le cas.
Pendant ce temps, nombreux sont ceux ayant suivi l’attentat de Nice ou le coup d’Etat raté en Turquie sur les réseaux sociaux parce que les chaînes d’information paraissaient bien plus lentes à apporter des nouvelles, des images et des commentaires. « C’est la fin du journaliste envoyé sur place et posté à côté de son camion de régie, typique des chaînes en continu », prédit un professionnel de la télévision. En plus d’être prises de vitesse, les chaînes sont soumises à davantage de contrôles, comme l’ont prouvé les réprimandes infligées à France Télévisions à propos d’images choquantes. Déjà concurrencée par le délinéarisé, la télévision perd donc même l’avantage du direct. C’est encore plus vrai dans l’information que dans le sport, où les belles images comptent encore.
« Un rôle rassembleur »
Cela dit, les chaînes d’information refusent de parler de ringardisation. « Le live streaming est aussi une opportunité », rétorque ainsi Alain Weill, le fondateur de BFMTV, qui ajoute que Fox News est devenu numéro un du câble toutes catégories confondues cette année. Pour lui, le live streaming permet de diffuser des images encore plus vite. Et les chaînes ont l’avantage de savoir choisir, analyser et contextualiser. « Elles ont un rôle rassembleur fondamental, poursuit Alain Weill. Et il est de plus en plus facile de nous regarder grâce aux nouvelles technologies : dans trois ans, 25 % de notre audience sera sur les mobiles. »
Antoine Bayet, directeur de l’information numérique sur France Info et impliqué dans le projet de chaîne « Franceinfo : », ajoute que les services de streaming sont de nouveaux canaux en plus d’être concurrents. « France Télévisions utilise déjà très bien Periscope », dit-il. Il craint plus la concurrence de l’information désintermédiée avec, par exemple, les hommes politiques s’adressant à leur public sans filtres ni vérifications.
Une dernière chose doit être prise en compte : les réseaux sociaux devront assumer qu’ils sont devenus des médias. Avec les obligations éthiques que cela comporte…
avec lesechos