Le contexte particulier du système judiciaire de notre pays appelle à la création de nouveaux réflexes pour régler les conflits, surtout les plus urgents que sont les différends commerciaux. Ainsi, malgré la création du tribunal de commerce, il est mis sur pieds des mécanismes alternatifs de règlement de litiges par la médiation et l’arbitrage, jugés plus rapides, économiques et sûres. Parmi les institutions engagées dans la médiation et l’arbitrage, la profession de notariat semble disposer de loin des meilleurs atouts. En effet, la profession regorge de professionnels qualifiés, de moyens techniques, du temps et enfin de la force exécutoire sous la forme de l’imperium ou de la potestas conférés par l’Etat. Le présent propos vise à expliquer les avantages attachés à l’acte authentique notarié avec la faculté de favoriser l’exécution forcée des actes et contrats signés.
I°- UN CONSTAT
- L’inadéquation à la démographie de la ville d’Abidjan
Le tribunal d’Abidjan Plateau crée aux lendemains des indépendances de la Côte d’Ivoire pour être au service d’une population de 600.000 habitants a conservé sa capacité d’accueil alors que la population urbaine et périurbaine abidjanaise est passé à plus de 4.000.000 d’habitants, soit plus de 600 %.
Une situation dont les conséquences s’avèrent désastreuses pour la crédibilité de la justice ivoirienne qui n’arrive pas à rassurer nombre d’usagers de la justice. Pour preuves, les magistrats peinent à rendre les décisions dans les délais, les greffiers ont du mal à tenir des registres fiables, les huissiers de justice exécutent des actes parfois sujets à multiples cautions. Les audiences font l’objet de multiples renvois ….Bref !
Tout ceci, dans une ambiance de forte corruption que peine à endiguer les inlassables efforts de reformes des exécutifs successifs. Ce n’est pas pour rien que dans sa parution du 30 Avril 2013, le quotidien Soir Info diffusait des propos de Maître Pornan COULIBALY, Greffier en Chef du Tribunal de Première Instance d’Abidjan engagé selon lui dans une « opération baptisée ‘’tiroirs propres’’, en ces termes « Ce n’est pas normal que des justiciables n’aient pas leurs décisions depuis 2000 alors que leurs dossiers ont été traités et signés par le juge. Il faut mettre fin à cette pratique qui tire la justice vers le bas en Côte d’Ivoire ».
- La pénurie des moyens techniques
En dépit des efforts consentis par le ministère de tutelle pour relooker le bâti et créer un cadre tout aussi agréable que serein, il suffit de se rendre au tribunal d’Abidjan Plateau pour se rendre compte à quel point le personnel judiciaire et extrajudiciaire travaille dans le dénuement le plus visible. Le tribunal n’est que moyennement informatisé. Les dossiers formats papiers se trouvent conservés à même le sol plusieurs années dans des conditions désagréables et inconfortables. Certains cadres, de bonne volonté, avouent prêter leurs ordinateurs personnels pour saisir les actes publics. Faire de simples photocopies au tribunal semble relever de la gageure. Dans le sous-sol, les ventilateurs vétustes se la disputent aux climatiseurs poussiéreux. Si les bureaux de certains magistrat et personnel donnent l’allure d’une citadelle, il est évident qu’ils sont de plus en obtus et inadaptés aux volumes des affaires et des dossiers traités. Nombre de personnels, greffiers, huissiers, avocats, agents d’affaires judiciaires, notaires, commissaires priseurs, experts judiciaires s’ajoutant aux autres justiciables cherchent à se faire recevoir par tel ou tel juge. Au final, les couloirs sont devenus bien exigus pour accueillir tout le beau monde. L’ambiance surchauffée induite de ce décor ne peut pas créer la stimulation intellectuelle et ce n’est pas toujours la faute du personnel qui, bien formé à l’ouvrage, se trouve confronté à la disparition de certains documents importants ou à la détérioration des meubles ou matériels informatiques.
II°- QUELLE SOLUTION ?
L’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage a consacré l’arbitrage comme mode de règlement de litiges dans l’espace OHADA. Deux institutions d’arbitrage ont vu le jour à Abidjan ; la Cour d’Arbitrage de Côte d’Ivoire (CACI) régie par l’Acte uniforme sur le droit de l’arbitrage du 11 mars 1999 et qui constitue la législation commune des ETATS membres en matière d’arbitrage et la CCJA qui a été dotée par l’acte susvisé de textes pour organiser un arbitrage institutionnel en son sein. Le produit d’appel de ces deux institutions se nomme « MARC » entendre, Modes Alternatifs de Règlements des Conflits.
L’objet de notre propos est d’indiquer une autre voie de règlement efficace des différends, celle là bien connue, mais ignorée. Il s’agit de la médiation et l’arbitrage du notaire. On comprendra dans la suite de ce propos que la médiation notariale est la seule solution alternative au tribunal qui peut être assortie de titre exécutoire conféré par le notaire lui-même étant dépositaire d’une parcelle de l’autorité publique.
A°- Les modes alternatifs de règlements des conflits (MARC)
1°- Définition des MARC
Les MARC constituent un mode de résolution des conflits considéré comme alternatif au regard du système de décision auquel il est fait référence de manière conventionnelle, c’est-à-dire du système judiciaire.
Tout processus tendant à permettre à des parties en conflits de rechercher et d’accepter amiablement une solution pour cesser le conflit sera considéré comme alternatif. De même, dans une relation contentieuse avec une administration, la pratique de la négociation ou de l’intervention d’un tiers évitant le recours à une procédure sera considérée comme alternative.
2°- Typologie des MARC
a– Arbitrage
L’arbitrage en matière contentieuse consiste à faire appel à un tiers en dehors du système judiciaire. Ce tiers qui peut être un collège de personnes missionnées par les parties – est chargé par les protagonistes d’instruire l’affaire, d’écouter les parties et de prendre une décision.
b- Conciliation
La conciliation consiste dans le recours à un tiers, ayant le plus généralement le statut de conciliateur de justice, dans le cadre d’une procédure judiciaire (conciliation dite déléguée) ou en dehors d’une procédure judiciaire (conciliation dite extra-judiciaire, autonome ou conventionnelle), le rôle du conciliateur étant d’écouter les parties et de leur faire une proposition de règlement du différend.
c-Médiation
La médiation est généralement considérée comme une méthode en dehors des influences juridiques, morales et culturelles qui a pour objectif de permettre aux parties, accompagnées dans leur réflexion par le médiateur, de trouver la solution la plus satisfaisante possible pour elles – non pour le tiers médiateur.
d-Négociation
La négociation consiste dans la recherche d’un accord. Il existe plusieurs types de négociation. Le principe premier d’une négociation s’inscrit dans les rapports de force. Il s’agit de faire passer habilement ses idées en fondant l’intérêt de l’autre sur l’ambition ou l’espoir. D’autres principes de négociation sont développés actuellement, mais avec peu de succès. On parle de négociation « sans-perdant » ou « gagnant-gagnant » et de « négociation contributive ».
e- Droit Collaboratif
Le droit collaboratif, ou méthode collaborative, est une pratique du droit utilisant la négociation sur la base d’intérêts où les avocats sont engagés pour aider les parties à conclure une entente mutuellement acceptable. Les avocats et les parties signent un contrat stipulant leur consentement à ne pas aller devant les Tribunaux. Les parties et les avocats travaillent en équipe.
Les avocats pratiquant le droit collaboratif ont préalablement reçu une formation spécifique sur la base de la négociation contributive ou raisonnée, leur permettant d’aider les parties à renouer le dialogue pour leur permettre de trouver la meilleure solution possible à leur conflit. Les parties et leurs avocats se réunissent lors d’entretiens pour évoquer le conflit, ses origines, et le déconstruire afin de trouver un terrain d’entente satisfaisant pleinement les parties. L’accord final peut être homologué par le juge compétent ou soumis à l’imperium du notaire par le recours à l’acte authentique.
f- Med-arb
Le med-arb est une approche mixée de la médiation et de l’arbitrage. En cas d’échec de la médiation – et plus vraisemblablement le médiateur ayant atteint ses limites de compétence – le médiateur se transformerait en arbitre. Le med-arb est vendu comme une prestation optimisée et permettant d’augmenter les chances que les parties aboutissent à un accord.
g- Recours collectif
Le recours collectif permet aux consommateurs d’engager une action collective qui peut se limiter à exercer un rapport de force visant à faire changer une politique ou un comportement de la part d’un fabricant ou d’un distributeur, voire à faire retirer un produit ou à le faire modifier. Ce recours peut aussi s’exercer en justice.
III°) La mise en œuvre des MARC
A°- En fonction des acteurs
Les MARC peuvent être faire exercés par toute personne volontaire mais ils sont surtout ouverts aux professionnels du droit et du chiffre que sont les juristes et les comptables. En, effet, les avocats, les notaires mais également les huissiers de justice d’une part ; les experts-comptables, les commissaires aux comptes, Conseils en Gestion d’autre part, sont sollicités pour apporter leur savoir-faire dans le cadre des MARC. Pour ce faire, ils sont soumis à une formation spécialisée dans la médiation suivant les formules homologuées et proposées par les pays qui ont adopté ce mode de règlement des conflits commerciaux.
Par ailleurs, il existe des organisations ou institutions qui ont professionnalisé les Marc, savoir, la Cour Arbitrage de Côte d’Ivoire (CACI) ou la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA).
B°- En fonction de l’accord issu de la médiation ou de l’arbitrage
°1°- L’accord peut être trouvé par les parties elles mêmes
Lorsque les parties ont élaboré les procédés leur permettant de parvenir au règlement de leur litige elles peuvent espérer en sortir avec une solution amiable, encore faut-il que le résultat obtenu soit mis en œuvre avec les effets juridiques escomptés par le créancier. Car il ne servirait à rien de trouver un accord, immédiatement foulé au pied par une des parties sans aucun moyen de contrainte en face.
2°- La valeur de la décision sans l’imperium
Quelque soit le professionnel désigné pour conduire la médiation le résultat de celle-ci est contenu généralement dans un acte dénommé protocole d’accord ou convention de transaction ferme et définitive. Ledit acte engage généralement les deux parties qui ont souscrit l’accord et s’impose dans leur rapport réciproque à charge de l’exécuter avec suffisamment de bonne foi. Lorsque l’une des parties ne trouve pas nécessaire de jouer la transparence, l’autre est dépourvue de toit moyen de contrainte et ne pourra que s’en remettre au tribunal aux fins d’obtention d’une formule exécutoire. La conséquence attachée à la saisine du tribunal est que la partie qui subit la mauvaise foi de l’autre va engager des dépenses colossales pour initier ou reprendre le cours du procès avec ce que cela comporte en termes de respect des voies de recours ordinaires ou extraordinaires alors que c’est ce qu’on aurait voulu éviter.
3°- La valeur de la décision assortie de l’imperium ou potestas
Ci après, la formule exécutoire qui forme l’Imperium
Il existe différents libellés de la formule exécutoire. Prenons la formulation suivante, savoir : « En conséquence, le Président de la République de Côte d’Ivoire mande et ordonne à tous Huissiers de Justice, sur ce requis de pourvoir à l’exécution du présent acte au Procureur Général et aux Procureurs de la République près les Tribunaux de première instance d’y tenir la main, à tous Commandants et Officiers de la Force Publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En foi de quoi, la présente Copie exécutoire ou GROSSE dûment signée et scellée a été délivrée à Abidjan par ………………, Juge ou notaire. »
a°- L’imperium des Juges
L’État investit le juge de deux types de pouvoirs, d’une part, la “juridictio” qui est le pouvoir de rendre des jugements pour résoudre des conflits, compétence qu’il partage avec l’arbitre et, d’autre part, l’imperium” qui est le pouvoir de donner des ordres, de disposer de la force publique, d’ordonner des saisies et des astreintes, pouvoir de nature régalienne dont ne dispose pas l’arbitre qui tient ses pouvoirs non de l’État mais de la seule volonté des parties.
La conséquence de cette différence explique que les sentences arbitrales ne puissent être exécutées sans qu’elles soient munies de l’exequatur et que pour ces actes ressortissant à l’imperium l’arbitre doive renvoyer les parties à saisir le juge.
Ensuite, les parties qui veulent que leurs décisions soient assorties de la faculté d’exécution, doivent déférer leur accord au juge. Or le juge ne siège pas seul dans certains cas de figure. Il est d’usage pour une bonne administration de la justice qu’un collège de juges se réunisse pour rendre une décision même si, exceptionnellement, pour certaines décisions, pas toutes, en fonction de la valeur en jeu, le juge pourrait statuer seul et rendre une décision. Il reste que la décision du juge statuant et rendant une décision portant l’imperium, peut faire l’objet de voies de recours ordinaires ou extraordinaires.
En somme, si à l’origine, les parties voulaient par leur seul accord de volonté, mettre fin à leur conflit, la mauvaise foi et l’impertinence de l’un d’entre eux aura crée les conditions du désordre imposant le retour au contentieux devant le tribunal que l’on avait voulu éviter.
b°- L’imperium des notaires
Comme les ivoiriens commencent à le savoir, le notaire dispose du monopole de l’authenticité des actes. C’est une délégation d’un morceau non négligeable de la puissance publique étatique qui permet au notaire de conférer aux actes privés entre les particuliers, entre eux et les familles ou les entreprises, le caractère des actes publics. Le notaire est donc un magistrat comme le juge, mais plutôt, est-il dédié à la matière de l’amiable. Le rôle du notaire est donc primordial dans les relations humaines quelles qu’elles soient. L’officier public est par cela même, l’œil, l’oreille et la bouche de l’Etat dans les rapports privés outre qu’il est également pour l’Etat, un partenaire privilégié, mieux, un descendant.
Le notaire en sa qualité de magistrat va utiliser la juridictio qui lui permet d’écouter les parties de manière désintéressé et impartial. Le fait pour un notaire d’être désigné par une des parties n’en fait pas son conseil exclusif. Au contraire, il est tenu d’avoir avec l’ensemble des parties un rapport juste, équitable. De telle sorte que le notaire est le médiateur naturel des parties impliquées dans un contrat.
Dans sa juridiction, au quotidien, le notaire fait œuvre prétorienne en recevant les parties aux contrats pour lesquels il est saisi. Il leur accorde toute l’attention d’un médiateur avisé dans son domaine vaste et presque sans frontière concernant l’immobilier, le crédit hypothécaire ou crédit à la consommation, les successions, le droit de la famille, le droit patrimonial, l’adoption, la filiation, les contrats spéciaux, les mariages, le divorce, les baux commerciaux, les baux à construction, les baux emphytéotiques, les contrats de société, les formalités de création des sociétés commerciales et de personnes, les fusions, les acquisitions, le foncier urbain ou rural etc….
Dans tous ces domaines, l’Etat impose au public de passer devant le notaire pour effectuer certaines formalités mais d’autres formalités peuvent être librement confiées au notaire en vertu de son expertise élevée en divers domaines. Et c’est à ce moment que la mission de médiateur dévolue à l’officier public par la nature même de son ministère prend tout son sens. En effet, le notaire ne pourra rien écrire, rien entreprendre qui ne lui soit pas inspiré par la volonté des parties.
De plus, les parties peuvent dans les clauses de leurs actes désigner librement le notaire comme étant le médiateur ou l’arbitre en cas de litige. Ainsi par exemple, les parties peuvent prévoir dans les actes que tout litige survenant dans leur rapport contractuel, avant d’être déféré devant un tribunal, soit préalablement soumis à la médiation ou à l’arbitrage du notaire. Encore une fois, rien ne servira d’aller à la recherche d’un autre alternatif au règlement du conflit (MARC) puisque le notaire est lui-même ce médiateur naturel désintéressé qui, dans l’exercice de ses tâches régaliennes prévient les conflits et évite qu’ils surviennent. Malgré toutes les précautions de l’officier public, si les conflits venaient à se déclencher, l’acte contiendrait en son sein, déjà, les instruments pour permettre au notaire de les régler.
La formule exécutoire ci-dessus reproduite ainsi apposée en fin d’acte est remis par le notaire au requérant lui permettant d’obtenir l’appui de la force publique aux fins d’exécution forcée de la créance. En pratique, la mise en œuvre d’une telle formalité est possible pour presque tous les actes et notamment les actes ci-après.
b1°- Le Contrat de location
Dans un contrat de location, il y’a un bailleur et un locataire qui s’engagent, le premier à donner son bien en location, le second à le prendre en location moyennant le versement à due concurrence d’un loyer à des échéances convenues. Lors de la rédaction du contrat de bail, il est nécessaire de passer devant notaire pour requérir le bénéfice de la formule exécutoire, donc de la faculté d’exécution forcée attachée à l’autorité de l’acte public ainsi délivrée. En sorte que le notaire inclura dans l’acte, la clause dite clause résolutoire. Généralement, la clause résolutoire définit les étapes aux termes desquels, la rupture du bail peut intervenir. Il convient toutefois de relever que la mise en œuvre de la clause exécutoire ne génère aucun moyen de contrainte sur le locataire. Ce dernier peut continuer à rester dans les lieux et engager des procédures parfois à tort ou à raison. Il peut notamment retarder la libération des lieux de sa personne ou de ses biens. Dans le même temps, prétextant le malentendu avec le bailleur, le locataire refusera de payer le loyer outre qu’il ne fera plus d’effort pour entretenir les lieux qui peuvent se dégrader au détriment du bailleur. Ce dernier n’ayant d’autre recours que le tribunal, mettra plusieurs mois ou années avant d’obtenir gain de cause ou d’échouer contre son propre locataire. Il faut souligner que le locataire succombant peut interjeter appel de la décision, voire se pouvoir en cassation. Les délais impartis à chaque étape de la procédure judiciaire sont si longs que le logement a le temps de se dégrader avant la fin du procès et tant pis si le propriétaire avait l’intention d’habiter lui-même son logement ou de le vendre.
Les désagréments ainsi rappelés peuvent être corrigés avec l’intervention du notaire. Ce dernier a le droit d’apposer à l’acte authentique de bail, la formule exécutoire de manière à ce que le contrat de bail devienne immédiatement une décision judiciaire de haut niveau, ayant la même force d’un arrêt de la cour de cassation ou d’un jugement rendu en premier et dernier ressort suivant les matières.
Le propriétaire qui fait face à un locataire de mauvaise foi récalcitrant, n’aura plus qu’à faire appel à un huissier de justice, un commissaire de police ou un commandant de brigade, ou tout autre officier de police judiciaire pour bouter le locataire dehors par la voie légale et pacifique. Résultats ; avec l’apport de l’acte authentique notarié ; le propriétaire gagne beaucoup de temps, de l’argent et de la crédibilité aussi.
b2°–Le contrat de prêt
Dans ce type de contrat, nous avons face à face, un prêteur et un emprunteur ce peut être une personne physique ou morale et une banque. L’obligation de faire pèse sur l’emprunteur devenu débiteur, de telle sorte que s’il ne parvient pas à honorer ses dettes, le prêteur ou la banque devenu créancier pourra procéder à l’exécution forcée. Mais comment obtenir le recouvrement forcé d’une créance si l’imperium ou la potestas du tribunal ou du juge n’a pas été délivré. Il convient de juste rappeler que la force exécutoire du tribunal peut être obtenue après une bataille judiciaire épique et parfois sans lendemain. Celle du notaire peut en revanche s’obtenir assez rapidement.
En effet, le notaire puise dans son intime conviction alimentée par son serment, son expérience professionnelle, sa formation universitaire de longue durée, son éthique professionnelle, sa déontologie professionnelle, les outils nécessaires pour justifier une intime conviction. La conviction du notaire doit être exempte de toute influence et respecter l’ordre public et les bonnes mœurs outre que l’officier public doit faire en sorte de respecter le droit positif encore qu’il lui est demandé d’anticiper les prévisions législatives sinon sur les matières concernant le contrat en objet, au moins sur tout le droit puisque les contrats recèlent de toutes les normes aussi bien de droit privé, droit public, droit comparé que de droit international.
Dès lors que l’officier public juge nécessaire, sous sa responsabilité professionnelle d’apposer la formule exécutoire, l’acte devient d’application forcée et tous les Procureurs de la République, les Officiers de Police judiciaire, de même que tous les huissiers de justice ne peuvent refuser de l’exécuter tout comme ils se feraient une faute professionnelle grave s’ils refusaient de prêter main forte à la mise en exécution d’une décision de justice rendue en dernier ressort.
b3°-La reconnaissance de dette
C’est l’hypothèse récurrente où par un acte de volonté unilatérale, une personne reconnait spontanément, clairement et définitivement avoir reçu d’une autre des fonds ou un bien et alors même qu’il n’y avait eu aucun écrit ou que l’écrit était très sommaire, voire sous seings privé donc contestable.
Il appartient au notaire saisi d’une telle demande de régulariser la situation en dressant acte de ce qui s’est passé constatant l’accord des uns et des autres. Dès cet instant, s’il le juge nécessaire suivant son intime conviction, compte tenu des limites fixées par l’ordre public ou les bonnes mœurs outre les prévisions de la loi et du droit positif présent et prévisible, le notaire peut assortir l’acte portant reconnaissance de dette de la formule exécutoire de manière à ce que la force publique contribue à sa mise en œuvre le moment venu.
b4°-Le contrat de vente
Le contrat de vente rapproche un vendeur et un acquéreur dans le cadre du transfert d’une propriété moyennant le versement d’un prix. Si l’une des parties ne respectait pas ses engagements, elle serait susceptible de poursuites en exécution forcée par l’autre partie. Pour donner un caractère contraignant audites poursuites, les parties peuvent, en plus d’exiger que la vente se fasse par acte authentique, demander que le notaire instrumentaire assortisse son instrumentum de l’imperium ou de la potestas. Autrement dit, de la force exécutoire.
Le reste se déroule comme il est dit ci-dessus et la force publique se doit de se déployer au service du bénéficiaire de la formule exécutoire pour lui garantir l’effectivité de ses droits.
b5°-Le contrat de livraison de marchandises
Ledit contrat met en relief un livreur et un donneur d’ordre. Des conditions diverses peuvent être stipulées pour garantir la qualité du service ou celle du produit voire, le respect des échéances et délais divers. Dans l’hypothèse où le notaire serait intervenu et aurait apposé la formule exécutoire, la défaillance d’une des parties lui attirerait les foudres de la force publique en application de l’acte authentique notarié.
b6°-Le contrat de société
En la matière plusieurs personnes dénommées « associées » se réunissent autour d’un projet en vue de partager des économies ou des bénéfices en même temps qu’elles s’engagent à souffrir les pertes éventuelles. Divers pactes d’associés et autres, convention de comptes courants peuvent être envisagés entre les associés pour atteindre un objectif commun. Le non respect du contrat de société ou une clause de celui-ci par l’un quelconque d’entre les associés mieux, le défaut commis par l’un d’entre eux quant à ses obligations sociales issues des pactes l’exposerait à une exécution forcée sans besoin d’un procès, à condition bien sûre d’obtenir, l’arbitrage, la conciliation et corrélativement l’imperium ou la potestas du notaire, Officier public.
b7°-Tout acte portant protocole d’accord sur un objet
Il convient également de préciser que tout acte portant accord de volonté entre les parties, tout procès verbal de réunion en milieu urbain comme rural, entre personnes physiques ou entre personnes morales peut être assorti de la force contraignante s’il est revêtu de la formule exécutoire attachée à l’autorité du notaire. Ainsi, les réunions du village, du canton, du département, de la région emportant des décisions importantes à exécuter sur le foncier, l’agriculture, les actes politiques de désignation ou de révocation des chefs etc…peuvent bénéficier du concours de la force publique à condition que le notaire intervienne et juge bon, suivant son intime conviction de conférer l’impérium sous sa responsabilité. De même, les accords de la collectivité des héritiers, des associés, des partenaires mettant un terme à un conflit par exemple peuvent revêtir la force exécutoire et entrer immédiatement en application sous le sceau et le prisme du notaire instrumentaire.
IV°- LE COUT COMPARE DES PROCEDURES CONTENTIEUX ET AMIABLES
A°- Le coût du contentieux
Si le coût des actes judiciaires semble déterminé à l’avance, ce n’est pas évident de connaitre le coût des modes alternatifs de règlements des conflits. En revanche, des évidences confirment le fait qu’un procès classique doit faire l’objet de l’enrôlement de la procédure, de la production de plusieurs copies, de la signification des actes. Si cet aspect relevant du domaine public semble ne coûter qu’une dizaine de mille francs, il n’est pas possible d’imaginer qu’un procès puisse aller à son terme sans l’apport d’un avocat, d’un huissier de justice, d’un expert judiciaire le cas échéant. Dans ces derniers cas, la note peut grimper très vite pour atteindre, dans le cadre d’une affaire dont la valeur serait estimée à 5.000.000 FCFA, la bagatelle de 1.700.000 FCFA, soit 34 % de l’intérêt en jeu. Si des voies de recours ont été initiées par les parties, ce montant et ce taux serait au moins doublés voire triplés. Autrement dit, si vous engagez une procédure judiciaire contre une personne qui a occupé illégalement votre terrain que vous aviez acquis en 1995 à 800.000 FCFA. La valeur que vous poursuivez au tribunal est dudit montant. Or si votre adversaire ne joue pas l’apaisement mais élève des barrières à votre action (opposition, tierce opposition, appel, pourvoi en cassation etc…), vous allez devoir payer en 2014, soit 19 ans après, par exemple le montant que nous avons énoncé ci-dessus, soit, pour aller aux termes de votre revendication légitime, le triple de 1.700.000 FCFA, ou 5.100.000 FCFA , soit 630 % de perte pour vous sans aucune garantie de réussite car vous pouvez perdre le procès. Dans ce dernier cas, vous aurez englouti dans l’affaire 5.900.000 FCFA (5.100.000 FCFA + 800.000 FCFA) sans compter le préjudice moral, la perte de temps et d’énergie etc..
B°- Le coût de l’amiable
Quant au coût prévisible de l’amiable, il faut dire qu’il reste libre. En effet, c’est les parties qui fixent la rémunération du médiateur ou de l’arbitre. Ladite rémunération peut se présenter sous la forme de taux fixé prorata-temporis. En effet, les parties demanderaient à l’intervenant choisi, sous réserve de négociation, de donner son taux de rémunération à l’heure, à la semaine, au mois, au volume de travail, à la vacation. L’intérêt de l’exercice est que ce tarif serait fixé une fois pour toutes et connu en avance de telle manière à ce qu’il y ait une prévisibilité absolue des coûts. Mais il est également possible que le juge amiable réclame une rémunération fixe en fonction du résultat obtenu. Pour une affaire valant 5.000.000 FCFA par exemple, le médiateur ne devrait avoir aucun mal à obtenir des parties un accord rapide en insistant sur les risques encourus du fait du coût élevé du procès. Dans ce cas, il serait probable que le médiateur y consacre en moyenne, trois séances de deux heures chacune. Au final, si l’heure est fixée à 1.00.000 FCFA au moins, il en faudrait au maximum, 6.00.000 FCFA pour en venir à bout de l’affaire. L’autre intérêt est que ce sont les deux parties qui se partageraient la facture, soit 3.00.000 CFA chacune. Une résurgence du conflit est toutefois possible ici, et pour l’éviter, les parties doivent aller à la conquête de l’imperium du juge ou du notaire pour la force exécutoire. Cela emporte un coût supplémentaire pouvant être plus élevé que la voie du contentieux car les parties auraient alors payé les deux formes de règlement du conflit dans le même scénario.
C°-Le coût de l’acte public assorti de l’impérium
Parmi les professionnels dédiés à la médiation, il est possible d’affirmer que le notaire ou l’huissier de justice, tous deux, officiers ministériels voient leurs tarifs fixés par l’Etat, y compris pour les vacations. En l’occurrence, les heures mises à faire la médiation représentent des vacations tarifées pour les notaires par exemple à seulement 50.000 FCFA de l’heure. Rapporté à l’exemple ci-dessus, le notaire ayant mis six heures de vacation, percevrait légalement 3.00.000 FCFA tel que répartis entre les deux parties à raison de 150.000 FCFA. Bien sûre, à la différence des autres, l’acte authentique notarié étant public, sera enregistré comme tel, publié, et conservé en minute ou tiré en brevet, selon le cas pour servir de sources aux extraits et copies à la disposition des parties sans délai. La production du notaire à ce stade est aussi tarifée strictement et pareil acte, même s’il comporte des éléments afférents à un immeuble ou à des droits immobiliers, sera enregistré au droit fixe de 18.000 FCFA comme étant un acte innommé. Enfin, chaque notaire appréciera, en fonction des garanties offertes, les conditions financières de l’apposition de la formule exécutoire.
Au final, y compris en tenant compte de l’imperium du notaire, ce professionnel, lorsqu’il conduit la médiation semble être le plus efficace et moins coûteux.
CONCLUSION
En guise de conclusion, il convient d’exhorter la population ivoirienne à préférer la médiation et l’arbitrage de leur notaire en cas de mésintelligence ou discorde dans la mise en œuvre des conventions passées devant lui ou en dehors de son ministère régalien avant de lui être déférée. Corrélativement l’Etat qui a généré le notaire doit savoir que ce magistrat amiable est bel et bien une autorité publique de haut niveau dont la présence dans la société rassure le milieu des affaires et la famille. En sorte, les mécanismes pratiques de sa sécurité doivent être garantis par l’Etat. Le notaire commande la force publique par délégation de l’autorité qui lui est conférée. Il doit par conséquent être perçu comme tel. Ainsi, il peut à tout instant, si nécessaire, demander pour sa sécurité dans l’exercice de ses fonctions régaliennes que la force publique lui soit acquise. Dans ses déplacements importants nécessitant la sécurité, l’Etat devrait y pourvoir. Ceci représente une logique historique puisque le symbole même de la république illumine les frontons des offices notariaux, de même que la signature du notaire transpire les armoiries de la République éternelle. On peut même s’interroger parfois de savoir pourquoi les bâtiments publics où s’exercent le pouvoir d’Etat sont sécurisés par des gardes et pas les Offices notariaux où transigent chaque jour, des centaines de millions de francs cfa outre la mémoire collective qui y est conservée, ne le serait pas sachant que pour des dossiers aussi complexes que les successions et les ventes immobilières, la vie même du notaire est quotidiennement menacée par ceux qui ne seraient pas d’accord avec les actes et décisions souveraines qu’il aurait instrumentés.
Maître ZEHOURI Paul-Arnaud Bertin
NOTAIRE à ABIDJAN
Conseil Notarial à PARIS Spécialisé en Gestion de Patrimoine
Enseignant des Facultés de Droit
Diplômé Supérieur de Notariat (DSN) et (CSEN) PARIS X
Doctorat en Recherche Université de PARIS II