« Il est dans les affaires, il est dans l’industrie, il est fonctionnaire » : voilà généralement comment on situe socialement un homme. « Elle travaille, elle ne travaille pas », voilà comment on présente socialement une femme.
Force est de constater qu’encore aujourd’hui, ce que l’on désigne par « ne pas travailler » pour une femme,c’est cependant « faire la cuisine et le ménage, acheter, prévoir, improviser, économiser, gérer » ce qui n’est pas peu dire en terme de compétences ! (cf. S. Mesnil-Grente, « La femme et son métier », Femmes dans la vie, Centurion, Grasset 1970).
En Afrique comme ailleurs, les femmes ont toujours travaillé, même si leur activité est souvent soit invisible, soit encore perçue comme un travail d’appoint, qui ne serait pas -à proprement parlé- un droit, mais plutôt une sorte de concession faite à la gent féminine.
Cependant, de nombreuses femmes modernes relèvent le défi de l’émancipation au travers de l’indépendance professionnelle, avec beaucoup de dynamisme et parfois même de courage.
C’est ainsi qu’elles jouent incontestablement un rôle non négligeable dans l’économie au travers de lacréation de PME, d’associations de femmes d’affaires, de commerçantes, s’appuyant parfois sur la création de tontines, pour faire du lobbying sous toutes ses formes afin de faire avancer les mentalités.
Me ZOROME, peut-on dire qu’il existe un droit du travail au féminin ?
Incontestablementces dernières années, les législateurs du continent africain ont fait preuve d’une volonté, plus ou moins affirméesuivant les pays, de promouvoir l’égalité des sexes, au moins sur le plan textuel.
Il existe ainsi un arsenal législatif qui pourrait effectivement être qualifié de droit du travail « au féminin » mais ce droit, mis à l’épreuve du monde réel notamment dans le contexte culturel africain, est encore insuffisant pour rééquilibrer les rapports entre les hommes et les femmes.
Bien que ces dernières soient source de vitalité économique, les discriminations fondées sur le sexe, dont elles demeurent victimes, compromettent encore trop souvent leurs chances.
Les rapports « Les Femmes, l’Entreprise et le Droit » (édités par le Groupe Banque mondiale et publiés par Bloomsbury Publishing)étudientdans quelle mesure les systèmes juridiques et les institutions des pays créent ou tolèrent, entre les hommes et les femmes des discriminations susceptibles d’affecter leur capacité à avoir une activité professionnelle autonome.
En matière de droit du travail, il ne s’agit évidemment pas d’opposer les deux genres mais plutôt aujourd’hui de mettre concrètement en œuvre le principe d’égalité de traitement, si besoin en opérant un nivellement par le haut pour les deux sexes.
On dit que le droit suit les évolutions de la société ou parfois qu’il les devance, justement pour forcer les esprits chagrins à évoluer résolument vers la modernité.
Pratiquement toutes les législations, tant celles des pays dits « développés » que celles de ceux dits « en développement », proclament le respect des droits de la femme au sens large et mettent en avant le principe général d’égalité de traitement.
Il en va d’ailleurs de même avec les traités internationauxcomme la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes (adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies, le 18 décembre 1979) aujourd’hui ratifiée par pratiquement tous les Etats africains.
Il existe encore leProtocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples sur les droits des femmes en Afrique, texte de référence majeur adopté à Maputo le 11 juillet 2003, par l’Union africaine.
Toutefois, pour en arriver déjà à ce stade, les droits reconnus aux travailleuses ont eu des développements chaotiques, avec des périodes favorables, durant lesquelles le statut et les droits des femmes ont nettement progressé, et des périodes de régression.
La construction du droit du travail protégeant l’activité professionnelle des femmes, est une construction lente.
Chacun sait néanmoins que les beaux principes déclaratifs des Chartes et traités internationaux, ne résistent pas longtemps à l’examen de la réalité, la situation étant en fait encore très inégalitaire tant dans la vie familiale que professionnelle, surtout dans nos pays africains.
A cet égard, le problème du juriste est que ces textes n’ont en réalité qu’une valeur déclarative, un droit non-assorti d’une sanction en cas de violation, n’étant pas un droit véritablement effectif.
De votre point de vue de praticien du droit, diriez-vous que les législations contemporaines avancent quand même plus rapidement ces dernières années ?
Tout est relatif même si l’influence du droit international va résolument dans le sens des femmes. C’est en tous cas ce dont attestent les observateurs internationaux.
Ainsi par exemple, le dernier rapport de la banque mondiale/IFC révélait que les barrières juridiques et réglementaires qui entravent la participation des femmes à la vie économique ont globalement diminué durant les cinquante dernières années, même si on trouve encore de nombreuses lois défavorables aux femmes notamment au Moyen-Orient,en Afrique du Nord et subsaharienne.
A travers l’histoire, si l’on s’intéresse aux exemples concrets, on constate partout dans le monde que le travail des femmes bénéficie de l’attention plus ou moins bienveillante des législateurs, suivant si l’époque a besoin ou non, de la force de travail des femmes (exemple : en France, durant la dernière guerre mondiale).
Actuellement en Europe où sévit le chômage, l’offensive contre le travail féminin est plus subtile mais elle se vérifie au travers de toutes les nouvelles mesures incitatives favorisant, pour les mères de famille,le bénéfice de revenus d’appoint (allocations diverses et congés spéciaux à rallonge) les encourageant ainsi plus volontiers à demeurer à domicile.
Dans les pays dits « en développement », l’analphabétisme des femmes demeure un problème structurel qui sape cruellement, dès l’enfance, leurs chances d’accéder aux postes à responsabilité: c’est un fait bien concretcontre lequel le droit ne peut, à lui seul, pas grand chose.
De même pour les pays à forte croissance démographique dans lesquels, le nombre d’emplois se raréfiant, la plupart des femmes en sont réduites à demeurer au foyer.
Les femmes mariées ont-elles un statut différent des célibataires en tant que travailleuses ?
Oui bien sur et je dirais même que cette problématique juridiquedemeure encore très présente en Afrique, les travailleuses mariées étant souvent tardivement servies en matière d’égalité.
Ainsi, lorsque la femme mariée désire accéder à un emploi, lesquestions qui viennent à se poser portent par exemple sur le fait de savoir si elle doit nécessairement obtenir l’autorisation de son mari.
Pour parler du cas du droit français que je connais bien,contrairement aux idées reçues, il faut quand même rappeler que c’est seulement en 1965 que les femmes françaises mariées ont enfin été considérées comme des travailleuses à part entière pouvant avoir un emploi sans l’autorisation de leur mari !
Dans nos pays africains, les choses avancent aussi avec l’influence du droit international et l’action de l’OHADA qui poussent les derniers Etats récalcitrants à reconnaître la pleine capacité juridique des femmes pour conclure tout contrat, y compris un contrat de travail ou même un acte de création d’une société commerciale.
Quels pays ont les législations les moins favorables au travail des femmes mariées ?
Il faut dire les choses sans stigmatiser tel ou tel.
Prenons ainsi un exemple aujourd’hui caduque, au travers du cas de la législation congolaise qui marginalisait la femme mariée, classée dans ce que l’on désigne en droit comme la catégorie juridique des « incapables majeurs » pour l’exercice d’une activité commerciale.
Depuis l’entrée en vigueur de l’acte uniforme du droit OHADA portant droit commercial général (article 7alinéa 2), applicable en RDC depuis le 12 septembre 2012, la femme mariée a pleinement recouvré sa capacité de pouvoir exercer le commerce.Toutefois, précisons quand même que si elle exerce cette activité sans avoir pris soin de séparer son patrimoine commercial de celui de son mari, elle est réputée non commerçante.
Espérons que cette solution n’exigeant désormais plus que la démonstration de l’exercice d’un commerce séparé, sera franchement généralisée et que la liberté d’établissement sera bientôt admise partout sans restriction.
Le rapport de la Banque mondiale que j’évoquais tout à l’heure, relate que durant les deux dernières années, la Côte d’Ivoire et le Mali ont été les plus grands réformateurs sur ce point.
Toutefois, dans encore une quinzaine de pays du monde et notamment une huitaine de pays africains comme le Gabon, la Mauritanie, le Niger et le Tchad, le mari peut légalement s’y opposer en invoquant la protection de « l’intérêt du ménage et des enfants » (sauf à ce que l’épouse démontre le contraire et sollicite alors la mainlevée par le juge en cas d’opposition injustifiée).
Il faut heureusement reconnaître que ces exemples sont minoritaires et que, de nos jours, la plupart des législations admettent que la femme mariée peut exercer une activité professionnelle séparée de celle de son mari.
Et qu’en est-il de la rémunération de la femme mariée qui travaille ?
La polygamie est institutionnalisée dans de nombreux pays d’Afrique et, dans certains, comme par exemple le Cameroun, elle est considérée comme la forme de mariage de droit commun.
Dans ce contexte, la problématique de savoir quels sont les droits dont dispose l’épouse sur sa rémunération et celle de son devenir dans la masse des biens conjugaux, sont souvent posées aux magistrats en cas de conflits conjugaux.
Si chaque pays conserve ses particularismes juridiques locaux, on peut constater que les législateurs africains ont néanmoins majoritairement prévu qu’au moment du mariage, les futurs époux peuvent choisir entre trois types de régimes matrimoniaux : la séparation de biens, le régime dotal et le régime communautaire de participation aux meubles et acquêts.
A titre d’exemple de difficultés auxquelles ont pallié les législateurs, on citera le cas du Sénégal, avec l’article 369 du Code de la famille qui précise qu’en cas de mariage polygamique, les époux n’ont le choix qu’entre la séparation de biens ou le régime dotal, l’alinéa 4 du même texte stipulant expressément que le mari ne doit pas utiliser les revenus d’une des épouses au profit des autres.
On retrouve le même de type de dispositif en droit malien (art. 35 de la loi du 3 février 1962), togolais (art. 349, al. 3) et gabonais (article 305 du Code civil), ce dernier stipulant que, par principe, le régime légal est celui de la séparation de biens, seuls les mariages monogames ayant la possibilité d’opter éventuellement pour la communauté.
En tant qu’avocat, il m’apparaît que le régime le plus protecteur pour une femme mariée qui pratique un commerce en toute indépendance, est celui de la séparation de biens. Toutes ne raisonnent cependant pas de la sorte, préférant le régime de la communauté de biens lequel présente pourtant des risques, à bien y regarder.
Par ailleurs, parlant de rémunération, il faut encore rappeler que dans certainsEtats africains, une femme ne peut, sans l’autorisation de son époux, ouvrir un compte bancaire (exemple au Niger).
Quelles sont les principales garanties de protection légale offertes aux femmes travailleuses ?
D’une manière générale, on peut citer, sur le plan de la sécurité au travail de la femme, qu’elle bénéficie d’une protection de son intégrité physique : réglementation spécifique en matière dedurée du travail, interdiction des travaux excédant sa force physique, ou des travaux dangereux (exemple au Cameroun, l’arrêté no 16 du 27 mai 1969 relatif au travail des femmes).
Le domaine du recrutement est aussi une étape au cours de laquelle les travailleuses sont, de fait, désavantagées.
En effet, leurs chances d’être embauchées sont toujours moindres en raison de leur plus grande indisponibilité en lien avec leurs contraintes familiales, qui les voue plus systématiquement à des postes subalternes dans lesquels l’employeur estime que la vie de l’entreprise sera moins impactée en cas d’absence.
C’est ainsi quele législateur est intervenu en matière derecrutement, au titre des questions que l’employeur peut (ou ne peut pas) poser lors de l’entretien d’embauche, les seules autorisées étant les questions ayant comme finalité d’apprécier la capacité de la salariée à occuper le poste.
Il lui est par exemple totalement interdit de questionner la candidate sur son éventuel état de grossesse ou de faire rechercher des informations à ce sujet avant de l’embaucher.
Mais alors qu’en est-il d’une femme qui ne déclare pas sa grossesse alors qu’elle est visible par tous ? Que doit faire l’employeur ?
Il est vrai que l’employeur peut alors s’en inquiéter car il lui incombe de respecter et de faire respecter des règles de sécurité s’il remarque que l’emploi menace la santé de sa salariée.
Pourtant, le licenciement motivé par le fait que la salariée n’avait pas informé son employeur de son état de grossesse serait parfaitement abusif et même qualifié de licenciement « nul » juridiquement, c’est à dire que la salariée pourrait en demander l’annulation et même solliciter sa réintégration assortie de dommages et intérêts.
Je conseillerais à l’employeur qui prend connaissance de cette situation de convoquer la femme pour un entretien informel en l’invitant à se déclarer et dans la négative, lui proposer par écrit un environnement de travail adéquat et adapté afin de prévenir le risque.
Une salariée n’a donc aucune obligation de révéler son état de grossesse lors de l’entretien d’embauche ?
Pas du tout, elle est libre d’annoncer qu’elle est enceinte quand elle le souhaite mais il est évidemment souhaitable, au contraire, que les femmes averties de leur droits sortent du silence et signalent cet état de grossesse afin justement de bénéficier du régime de protection prévu pour les femmes enceintes.
Si étonnant que cela puisse paraître, les femmes sont encore très mal informées de leurs droits en cas de maternité.
Cette méconnaissance, que l’on observe y compris au niveau de celles occupant des postes à responsabilité, s’explique probablement par le conflit de loyauté dans lequel elles se trouvent, bloquées entre leur volonté d’assurer à leur employeur qu’elles valent bien leurs homologues masculins d’une part, et leur désir naturel de maternité d’autre part.
Les femmes ne s’informent pas vraiment de leurs droits ou hésitent à les faire valoir.
Aujourd’hui encore les femmes enceintes sont victimes de nombreuses discriminations en entreprise ce qui les conduit souvent à préférer cacher le plus longtemps possible leur état de grossesse à leurs employeur et collègues.
Plus les responsabilités de la travailleuse sont importantes et son poste élevé, plus le sujet est sensible. En pratique, cela conduit à une sorte d’« auto discrimination », c’est-à-dire que, pour éviter les problèmes, l’attitude des femmes est de ne pas faire valoir leurs droits.
Pourtant, la salariée enceinte est légalement bien protégée au travers des textes locaux et internationaux.
Me ZOROME, pouvez-vous alors nous rappeler quelle est cette protection légale de la femme enceinte ?
Les législations varient naturellement d’un pays à l’autre mais dans les grandes lignes, on peut citer des dispositifs de protections récurrents dans les différents textes nationaux ; ainsipar exemple l’article 142 du Code du travail burkinabè qui prévoit que : « La femme travailleuse ne peut être affectée à des travaux susceptibles de porter atteinte à sa capacité de reproduction ou, dans le cas d’une femme en état de grossesse, à sa santé ou à celle de l’enfant ».
Il faut aussi rappeler la protection spéciale dont bénéficie la femme enceinte en matière de salaire, même lorsque son état nécessite qu’elle soit temporairement affectée (avec recueil préalable de son accord écrit !) à un poste inférieur à celui occupé précédemment.
Par ailleurs, au regard du principe d’égalité de traitement entre les femmes et les hommes, l’employeur maladroit qui motiverait expressément un licenciement, une rupture de période d’essai, ou même un simple refus d’embauche en raison d’un état de grossesse serait dans l’illégalité.
En réalité, en matière de discrimination à l’embauche, la difficulté est naturellement de parvenir à prouver que l’éviction de la femme repose sur ce motif précis. Le cas échéant, lorsque la salariée dispose de témoignages ou de preuves écrites, une action judiciaire est alors possible.
Pourriez-vous aussi nous parler de la protection des femmes contre le harcèlement sexuel ?
C’est un vaste sujet que l’on voit trop souvent porté en lumière alors que toutes les femmes murmurent ou se cloîtrent dans le silence lorsqu’il survient un problème de cet ordre dans l’entreprise : difficile pour une travailleuse de distinguer la limite entre la drague lourde d’une autorité administrative, d’un collègue ou d’un directeur, et le registre juridique de l’infraction pénale de harcèlement.
La définition du concept même de harcèlement sexuel est des plus délicate pour les législateurs.
Par exemple, en Côte D’ivoire, c’est l’article 356 du Code pénal qui prévoit qu’est punissable de 3 ans d’emprisonnement et d’une amende pouvant aller jusqu’à 1 millions de Francs CFA, quiconque : « Subordonne l’accomplissement d’un service ou d’un acte relevant de ses fonctions à l’obtention de faveurs de nature sexuelle ; use de menaces, de sanctions, ou de sanctions effectives, pour amener une personne placée sous son autorité́ à lui consentir des faveurs de nature sexuelle, ou pour se venger de celle qui lui aura refusé de telles faveurs ; exige, d’une personne, des faveurs de même nature avant de lui faire obtenir, soit pour elle-même, soit pour autrui, un emploi, une promotion, une récompense, décoration, distinction ou tout autre avantage ».
Toutefois, précisons encore qu’afin d’éviter les dénonciations calomnieuses et abusives, il est également prévu par le même article qu’ : « est puni des mêmes peines quiconque dénonce autrui de harcèlement sexuel, lorsqu’il résulte de la fausseté́ de la dénonciation que celle-ci tendait exclusivement à porter atteinte à l’honorabilité́, à jeter un discrédit sur le mis en cause ou à lui causer un quelconque préjudice ».
Une étude de recherche du Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM), rapportait récemment que le harcèlement sexuel de la part des autorités frontalières à la recherche de pots-de-vin constitue un sérieux problème pour les femmes exerçant dans le commerce informel en Afrique.
Sur le plan textuel, l’avant projet d’acte uniforme apporte une innovation marquantes avec l’introduction des droits fondamentaux résultant des conventions fondamentales de l’OIT (organisation internationale du travail), y compris l’introduction de la notion de harcèlement sexuel, y compris au travail.
La répression de cette infraction ne doit naturellement pas se limiter à ne viser que le harcèlement sexuel en milieu professionnel, mais toutes les situations de la vie sociale.
Et au niveau de la participation des femmes à l’édifice législatif, diriez-vous qu’elles sont aujourd’hui bien représentées dans les parlements nationaux ?
Les chiffres récemment donnés par l’union interparlementaire datant du 1er semestre 2014 tendent à montrer degraves disparités en terme de représentativité des femmes dans les parlements nationaux (par exemple, il y aurait de l’ordre de 40,8 % des femmes dans le total des élus en Afrique du Sud contre 9,5% en Côte d’Ivoire et au Mali,ou encore seulement 6,7% au Nigeria).
Pourtant, si l’on veut que le droit avance, à ce niveau aussi les femmes doivent pouvoir accéder. La question se pose alors de forcer (ou non) leur représentation, ce qui ne pourrait s’imaginer légalement que dans le cadre du concept anglo-saxon de discrimination positive.
Certains Etats africains, comme le Cameroun, ont des dispositions légales qui pourraient, interprétées à la lumière du principe d’égalité hommes/femmes, aller dans ce sens, par exemple l’article 5, alinéa 4, de la loi no 91/020 du 16 décembre 1991 qui prévoit que :« la constitution de chaque liste électorale doit tenir compte des différentes composantes sociologiques de la circonscription. » On pourrait ainsi considérer que, les femmes devraient être davantage présentes sur les listes soumises aux suffrages des électeurs.
Sans parler de fonctions politiques, on citera aussi le manque criant de femmes dans les conseils d’administration, lequel illustre très bien le problème de la sous-représentation généralisée des femmes à des postes de cadres de direction et aux plus hautes fonctions.
D’une manière générale, seule une politique législative volontariste prenant en compte la dimension de genrepourra accélérer la mise en pratique du principe d’égalité hommes/femmes au travail.
C’est uniquement sur le fondement de ce socle juridique que pourront ensuite être rendues des décisions judiciaires par des magistrats attentifs à l’égalité des sexes et motivéspour supprimer les discriminations dont sont encore victimes les femmes au travail.
Toutefois, s’il est vrai qu’il faut disposer d’instruments juridiques efficaces pour étayer les jugements rendus par les tribunaux qui constituent aujourd’hui, la base de référence jurisprudentielle de demain, rappelons quand même que les textes ne servent à rien si les victimes de discrimination fondées sur le sexe ne portent pas plainte.
Or je constate, en tant qu’avocat, que les gens, même lorsque vous les informez de leurs droits,hésitent souvent à les faire valoir même quand ils savent qu’on leur fait subir quelque chose de répréhensible : c’est parfois la force d’aller en justice qui manque pour aller jusque devant un tribunal.
Les justiciables doivent faire preuve de courage et de beaucoup de déterminationpour faire avancer l’application du droit existant.
Pourtant, les sociétés gagneraient à faire avancer les droits des travailleuses.
Récemment, Mr Jim Yong Kim, président du Groupe de la Banque mondiale déclarait : « Quand les femmes et les hommes participent à la vie économique sur un pied d’égalité, ils peuvent investir leur énergie à bâtir une société plus solidaire et une économie plus robuste. Le moyen le plus sûr d’aider à enrichir la vie des familles, les communautés et les pays est de permettre à chaque individu de valoriser au maximum son potentiel créatif. »
Espérons que l’action concrète, couplée à celle du droit à l’égalité de traitement, aura finalement raison des clichés qui positionnent la femme à la maison et l’homme au travail.
En tous les cas, on peut l’observer partout en Afrique, l’entreprenariat féminin voit apparaître des figures de proue bien décidées à parler d’égal à égal avec leurs homologues masculin : affaires à suivre !
Nathalie ZOROME
Avocat à la Cour
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