Le département américain de sécurité intérieure (DHS [Department of Homeland Security, NdT]) a pour projet de mettre en place une base de données de surveillance des médias.
L’agence de l’« État profond » a mis en ligne un appel d’offre portant sur la création d’un système qui devra « offrir des outils de comparaison des médias, des outils de conception et de relookage, des outils de communication et la possibilité d’identifier les influenceurs médias les plus importants », en plus de 100 langues, et qui intégrera une fonction de recherche pour tracer « les articles en ligne ainsi que les conversations sur les médias sociaux », s’engageant vers « la surveillance en temps réel, l’analyse et l’évaluation des couvertures médias », et réalisant des analyses de « contenus ; volumes ; ressentis ; propagation géographique ; influenceurs ; langues et dynamisme » pour tout élément d’information en ligne. Outre cela, le DHS compte également construire des profils complets des personnes ayant une influence sur les médias sociaux, comprenant leurs informations de contact, l’historique de leurs publications, leurs sites partenaires, ainsi qu’un résumé de leurs publications passées.
On peut supposer que la CIA a déjà mis ce type de mécanisme en place pour/contre les non-Américains, mais que l’implication du DHS dans ce projet dystopique 1 constitue l’extension à domicile de cette tendance, permettant aux agents de l’« État profond » américain de faire ce que leurs homologues [de la CIA], intéressés uniquement par les activités à l’étranger, ne faisaient pas jusqu’ici. On peut s’attendre à voir la CIA partager les informations déjà rassemblées, ainsi que ses pratiques de surveillance, de traitement et de diffusion avec le DHS et d’autres agences du même type. L’inévitable combinaison à venir de cet outil avec celui qui existe probablement déjà sur les non-Américains, va apporter aux USA un pouvoir immense : mener des opérations d’ingénierie sociale en ligne et influencer les débats en ligne, grâce à des robots et des algorithmes d’intelligence artificielle qui apprendront exactement quoi dire pour produire les effets désirés.
Mais ce n’est pas tout ; cette base de données mondiale donnerait également à l’« État profond » américain toutes les informations qu’il lui faut pour déterminer quels influenceurs espionner, afin d’être en mesure de les contrôler. On pourra ainsi les faire chanter, les discréditer ou encore les payer en cas d’échec des opérations d’attaques de trolls armés à l’avance d’histoires écrites sur mesure par des programmes informatiques, pour résonner avec leur public ciblé. Si on pousse ce scénario de prédiction un peu plus loin, on pourra même voir fleurir des faux sites d’information alternative, dont les auteurs seront des agents américains, ou même simplement des intelligences artificielles s’appuyant sur cette base de données pour écrire ce qu’il faut afin de peser au maximum sur l’opinion des gens, selon leurs classes de la population.
Les développements en cours sur les logiciels de traitement vidéo pourraient même générer des visages réalistes, produits à partir de rien, et les transformer en superstars de médias alternatifs à l’avenir. On peut parler d’un concept d’« opposition contrôlée », reprenant des narrations pro-américaines de manière subtile, en s’appuyant sur des analyses poussées de l’outil de base de données par intelligence artificielle. Rien de tout ceci ne relève de la « théorie du complot » ou n’est « exagéré » : c’est exactement la direction que prend le monde, et il va bientôt devenir très difficile de faire la différence entre commentateurs humains en ligne et robots générés par IA si les relais en question ne sont pas apparus en personne au préalable sur un média alternatif fiable comme RT.
Cet article est une retranscription partielle du programme radio CONTEXT COUNTDOWN sur Sputnik News, diffusé le 13 avril 2018.
Andrew Korybko
Source orientalreview.org
Notes du Saker Francophone
Il serait naïf de croire que reconnaître un visage suffirait à garantir l’intégrité du message qu’il prononce. Des innovations technologiques en cours permettent à partir de quelques échantillons, de modéliser n’importe qui en vidéo et de lui faire dire ce qu’on veut, de façon réaliste.
La perspective de voir générée par nos gouvernants une opposition contrôlée rappelle très fortement le scénario du célèbre roman 1984 de George Orwell, en la personne de l’opposant Goldstein, dont on ne sait jamais vraiment, tout au long du roman si son existence est avérée ou s’il est une image générée par le régime. De très nombreuses similitudes existent par ailleurs entre l’époque que nous vivons et les sombres anticipations de 1984 : télécran=TV connectée ; état de guerre permanent contre un adversaire changeant=réalité depuis longtemps aux USA et de plus en plus vraie dans tout l’Occident ; réécriture du passé=négation de l’histoire. La grande différence est que 1984 anticipait tout cela par coercition forte de la part de l’État, alors que nos sociétés sont suffisamment zombifiées pour y souscrire volontairement ou accepter de le subir.
1. http://www.laculturegenerale.com/dystopie-definition-livre/ ↩