Cauchemars linguistiques
Prononcer la lettre “ы” [y] est le cauchemar de tous les étrangers qui apprennent le russe. Comment le prononcer correctement ?
Souriez, placez votre doigt parallèlement à vos lèvres et prononcez “и” [i].
Quand les étrangers prononcent un mot comportant ce son ils ont tendance à l’adoucir, ce qui donne par exemple “мишь” (“mich”) au lieu de “мышь” (“mych”, souris) . Certains vont jusqu’à dire que le son [y] est comparable à celui qu’une personne fait lorsqu’on lui donne un coup de poing dans l’estomac…
« Les mots les plus difficiles à prononcer pour moi sont ceux qui contiennent des sons qu’on ne trouve pas en anglais, comme le mot “сыр” [fromage] », explique Thomas Hodson, rédacteur britannique.
Les rédacteurs de Russia Beyond Peggy Lohse (Allemagne) et Lucia Bellinello (Italie) estiment pour leur part que le mot “пыль” (“pyl”, poussière) est un des plus difficiles à prononcer.
Pour le rédacteur britannique Nick Holdsworth, c’est le mot “бык” (“byk”, taureau) qui pose le plus de problèmes. « Dans ma bouche, le son uykh se transforme toujours en bik ».
Les lettres “ж” [j], ш” [ch], “щ” [sch] et “ч” [tch] posent également des difficultés. Le plus drôle est qu’ils viennent souvent en groupe… Lа consonne dure “ш” sonne un peu comme le sifflement d’un serpent. La lettre “ч” est douce et sourde à la fois, comme dans le mot anglais « chance ». La consonne “щ” est une combinaison du “ш” et du “ч” [essayez donc de prononcer « chtch »]. La lettre “ж” fait penser au bourdonnement d’une abeille.
Par exemple : “соотвествующие” (“sootvetstvouyouchtchiié”, pertinents) et “защищать” (“zachtchichtchat'”, défendre). « La lettre “щ” est difficile à prononcer pour nous, et là vous en avez deux très proches l’une de l’autre ! », commente le journaliste américain John Varoli.
« J’ai eu beaucoup de problème avec le mot “достопримечательности” (“dostoprimetchatelnosti”, sites touristiques, curiosités] parce qu’il est très long », poursuit Eva Hofman, journaliste néerlandaise.
“Мужчина” (“moujtchina”, homme) se transforme en “мущщина” (“mouchtchchtchina”), avoue Lucia. « Quand je veux commander un jus frais, c’est la galère, parce qu’en russe ça s’appelle “свежевыжатый” (“svejevyjatyi”) », raconte-t-elle.
Toujours plus de consonnes !
« C’est un véritable cauchemar lorsqu’il y a beaucoup de consonnes dans le mot », poursuit Lucia. Par exemple, “Краснопресненская” (Krasnopresnenskaïa est le nom d’une station de métro de Moscou qui tire son nom de la rivière Presnia).
Le journaliste de Russia Beyond Tim Kirby surenchérit : “Большой Спасоглинищевксий переулок” (“Bolchoi Spasoglinichtchevski pereoulok”, Grande ruelle Spasoglinichtchevski]. Le nom de la station de métro “Улица 1905 года” (Rue de 1905) est aussi un calvaire à prononcer : “Oulitsa tysiatcha deviatsot piatogo goda”.
Il cite également des mots tels que “здравствуйте” (“zdrastvouite”, bonjour), “спровоцировать (“sprovotsyrovat'”, provoquer), “квалификационный (“kvalifikatsionnyi”, qualificatif] et “отрапортовал (“otraportoval”, a rapporté).
Il est parfois difficile de savoir comment prononcer correctement le signe mou “ь” et son acolyte dur “ъ”, comme c’est le cas dans le mot используемые (“ispol’zouiémyié”, utilisés). « Le signe “ь” me laisse pantois », reconnaît John.
« Les mots qui commencent par deux consonnes similaires me font peur », poursuit John. Comme le mot “ввод” (“vvod”, entrée).
Joe Cresente, écrivain et directeur de COLAB, une entreprise spécialisée dans la création de contenu basée aux États-Unis, abonde en ce sens : « Je rencontre des difficultés lorsque j’essaye de prononcer rapidement des mots de quatre syllabes ou plus, comme “неодушевлëнность” (“neodouchevlennost'”, caractère inanimé de quelque chose] ou “переосвидетельствующимися” (“pereosvidetel’stvouiouchtchimisia”, réexaminant] ».
« Pour moi, c’est comme en allemand, tous les mots contenant un “л” dur [l] sont difficiles à prononcer,explique Peggy. Comme “лук” (“louk”, oignon) et “ложка” (“lojka”, cuillère). J’ai dû aussi m’entraîner de longues heures pour arriver à prononcer le mot “среднестатистический” (“srednestatistitcheskii”, statistiquement moyen) ».
« Et quand je parle, j’ai toujours peur de me tromper sur l’accentuation de certains mots qui peuvent porter à confusion », poursuit Peggy.
C’est le cas pour les mots “мукА” (“moukA”, farine) et “мУка” (“mOUka”, chagrin) ; “писАть” (“pisAt'”, écrire) et “пИсать” (“pIsat'”, uriner).
« Je reste sans voix lorsqu’il faut prononcer le mot “самостоятельно” (“samostoiatelno”, de manière autonome). Je pense que c’est psychologique », reconnaît Ajay Kamalakaran, auteur de Globetrotting for Love and Other Stories from Sakhalin Island.
« Hier, j’ai changé des lampes fluorescentes dans ma cuisine et j’ai réalisé que j’étais incapable de prononcer le mot russe – “флуоресцентный”(“flouorestsentnyi”) », confie le rédacteur de Russia Beyond Thomas (Royaume-Uni).
Si ça peut vous rassurer, même les Russes ont parfois du mal à prononcer certains mots…
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