Le Conseil café-cacao (CCC) a perdu près de 185 milliards de FCFA lors de la campagne cacao 2016-2017, selon un audit de la filière que JA a pu consulter.
L’audit de la filière cacao effectué par KPMG avait été commandé à l’issue de la campagne 2016-2017. Les conclusions de ce document remis le 12 mars au ministère de l’Agriculture et du développement rural (Minader), et que JA a pu consulter, dressent un portrait particulièrement sévère de la gestion de la filière et du Conseil café-cacao (CCC), la structure publique l’encadrant, dirigée à l’époque par Massandjé Touré-Litsé.
Le coût de la crise
Selon le cabinet international d’expertise‐comptable, d’audit et de conseil, la crise qu’a connue la filière cacao lors de la campagne 2016-2017 a coûté 185 milliards de FCFA net (222 millions d’euros). Si « la surproduction a engendré un soutien (étatique) de 86 milliards », « la revente de contrats en défaut a entraîné un coût de 68 milliards ». Enfin, « l’utilisation des volumes de la récolte intermédiaire pour honorer des contrats de la récolte principale a conduit à un soutien de 32 milliards ».
L’audit nous apprend que le gouvernement a utilisé le fonds de stabilisation (logé dans les banques commerciales et financé depuis la campagne 2012-2013) pour compenser ces pertes. 197 milliards de FCFA y ont été prélevés. Le fonds de réserve est de son côté toujours crédité de 170 milliards de FCFA.
Un système de commercialisation déficiant
On le sait, la filière cacao a été durement touchée par la soudaine chute des prix en juillet 2017. Mais selon KPMG, des « facteurs endogènes ont eu un effet catalyseur » et ont accentué ces difficultés.
Les contrats en défaut (accordés par le CCC à des exportateurs incapables de les vendre) sont particulièrement pointés du doigt. Si une bonne partie avait déjà été annulée par le CCC, l’audit de KPMG en a identifié de nouveaux. Au total, sur la campagne 2016-2017, ils représentent un volume de 220 303 tonnes de fèves pour un montant de 399 000 milliards de FCFA (608 millions d’euros). Ces contrats représentent 20 % des ventes anticipées, c’est-à-dire faites par le Conseil café-cacao avant le début de la campagne. Une fois annulés, ils ont été revendus à d’autres acheteurs mais à des prix bien moins importants, ce qui explique la perte de 68 milliards évoquées plus haut.
32 exportateurs sont concernés. 68 % d’entre eux sont membres du groupement d’intérêt économique PMIEX-Coopex (Petites et moyennes industries et des coopératives exportatrices de café-cacao), dont les conditions d’accès au marché ont été allégées afin d’ouvrir l’exportation de cacao aux Ivoiriens. À noter que Saf Cacao, dirigé par Ali Lakiss et quatrième exportateur national, fait également partie des sociétés les plus touchées avec 15 000 tonnes.
Pour KPMG, les difficultés rencontrées pour estimer la production annuelle de cacao ont également des conséquences néfastes. Lors de la campagne 2016-2017, la Côte d’Ivoire a produit 250 000 tonnes de plus, soit un surplus de 16 %. Cette surproduction a entraîné un déséquilibre entre l’offre et la demande. Pour compenser la baisse des prix qui en a résulté et maintenir le prix bord champs destiné aux producteurs, le gouvernement a dû mettre la main à la poche.
L’audit révèle également qu’en fixant le prix de référence (destiné aux exportateurs) en fonction de la moyenne de la production des trois dernières campagnes, sans tenir compte de la hausse de la production, le CCC n’a pas anticipé les conséquences de la baisse des prix. « Ce choix a induit un coût supplémentaire de 36 milliards de FCFA », poursuit le rapport.
La gestion du CCC critiquée
Pour KPMG, la crise de la filière cacao s’explique notamment par des « dysfonctionnements dans l’application des règles de gestion des opérations commerciales et des règles de détermination de la production ». Dans le cas des contrats en défaut, le cabinet international cible deux causes : la spéculation de certains opérateurs et la mauvaise gestion du CCC. « L’absence, au niveau du Conseil, d’un suivi rigoureux des procédures d’agrément des exportateurs et d’une procédure de vérification de leur capacité à honorer leurs engagements », peut-on lire dans le rapport d’audit.
…suite de l’article sur Jeune Afrique