Avant de longues vacances estivales, Nicolas Sarkozy donne un ultime entretien au “Monde” où il délivre, comme souvent, nombre de contre-vérités. Sur la Grèce, en décrétant que ce pays a suspendu son appartenance à la zone euro. Un point sur lequel, Manuel Valls l’a immédiatement repris. L’ancien président assène également ses approximations sur le dossier libyen dont il affirme qu’il y régnait une paix des plus tranquilles après l’intervention française et ne se reconnaît aucune responsabilité dans la déstabilisation du pays.
Nicolas Sarkozy est un binôme politique à lui tout seul. Le premier mot de l’entretien qu’il accorde auMonde ne trompe pas « Avec Angela Merkel nous avons beaucoup fait pour que la Grèce reste dans l’euro ». Le ton est donné. En 2017, Sarko nous refera peut-être le même coup, qui a échoué en 2012, du couple franco-allemand. Pour assumer son bilan européen, l’ancien président préfère ainsi se placer sous la tutelle de la chancelière toujours au pouvoir et lui laisser les clés de la maison euro.
Plus rapide que son ombre, ou emporté par l’enthousiasme de ses intervieweurs du Monde dont faisait partie le très « syrizophobe » Arnaud Leparmentier, Sarko croit même opportun de décréter prématurément que « la Grèce a suspendu, de fait, son appartenance à la zone euro ». Nous n’en sommes pas là. Jusqu’à preuve du contraire, c’est bien l’Eurogroupe qui a très symboliquement exclu la Grèce de la zone euro en se réunissant en l’absence du ministre grec des Finances, Yanis Varoufakis.
Devant les députés, mercredi, Manuel Valls a d’ailleurs accusé Nicolas Sarkozy de jeter de l’huile sur le feu en pleine crise grecque : « En ces heures très délicates de négociation, les choses, reconnaissons-le, restent fragiles. Chaque déclaration compte, surtout quand elle vient de la France », laissant entendre que les propos tenus par l’ancien président n’étaient « pas responsables ». Le chef du gouvernement a en revanche salué les déclarations de trois anciens Premiers ministres, Alain Juppé,Jean-Pierre Raffarin et François Fillon qui « savent que dans ces moments-là se joue aussi le destin de l’Europe ».
Nicolas Sarkozy devrait, au passage, profiter de ses vacances estivales pour réviser son histoire politique grecque récente. L’ancien président attribue tous les déboires hellènes à l’arrivée de Syriza au pouvoir : « Jusqu’à l’arrivée de Monsieur Tsipras, nous avions des gouvernements grecs qui coopéraient plus ou moins efficacement avec leurs partenaires européens. Depuis, nous avons un gouvernement grec qui refuse toute attitude raisonnable. » L’ancien président fait ainsi très peu de cas des dizaines d’années d’errements politiques passés par la Grèce sous la kleptocratie du Pasok et la dynastie Papandréou.
C’est que Nicolas Sarkozy a une mémoire très sélective. Pas seulement en ce qui concerne la Grèce. Le temps où Sarko, Cameron et BHL plastronnaient à Benghazi en libérateurs du peuple libyen est bien loin. Aujourd’hui, face à l’afflux des migrants, la porosité des frontières libyennes, le chaos politique dans lequel a sombré le pays, l’ancien président français, doit se justifier sur son ardeur de plus en plus suspecte à faire tomber le Guide Kadhafi.
Sarkozy revient ainsi sur les conséquences de cette intervention militaire et revendique sa décision en affirmant que l’immigration n’a pas commencé avec la chute de Mouammar Kadhafi. « Qui d’ailleurs pourrait regretter la présence de M. Kadhafi à la tête de la Libye, un dictateur parmi les plus cruels que cette région ait connus ? »interroge faussement candide le président des ex-UMP
Ce que fait mine d’ignorer Nicolas Sarkozy, c’est que le« cruel dictateur Kadhafi » utilisait l’immigration comme un moyen de pression sur l’Europe, ouvrant et fermant le robinet des départs au gré de l’état de ses relations avec l’Italie, ancienne puissance coloniale, réclamant des aides sous la menace d’ouvrir les frontières. Entre 2008 et 2011, le flux des immigrés vers l’Europe a ainsi très sensiblement baissé après la signature d’un traité entre Rome et Tripoli. Par ailleurs, Kadhafi maintenait à flot les institutions et par là même les voies de dialogue. Depuis la chute du régime Kadhafi et, avec elle l’écroulement de toutes les institutions de l’Etat, la Libye est devenue la plaque tournante des trafiquants et milices qui opèrent et en toute impunité.
Perfide, un journaliste du Monde glisse néanmoins à l’ancien président de la République : « On ne regrette pas de ne plus le voir dans les jardins de l’Elysée », allusion à peine voilée à la tente de bédouin plantée par Kadhafi dans le parc de l’hôtel Marigny en 2007, quand celui-ci était alors le meilleur ami de Nicolas Sarkozy. Mais Sarko élude : « Vous savez bien que cette visite était une condition mise à la libération d’un médecin palestinien et d’infirmières bulgares qui ont été violées, battues et torturées pendant huit ans dans les geôles de Monsieur Kadhafi. Peut-on me reprocher d’avoir tout fait pour les libérer ? »
Là encore, la couleuvre est un peu grosse. La libération des infirmières bulgares avait surtout servi de gloriole diplomatico-humanitaire pour Cécilia Sarkozy. A l’époque, l’épouse du président s’ennuie ferme à l’Elysée et se cherche un rôle actif à côté de son président de mari. L’essentiel du travail de libération des infirmières bulgares fut, en fait, « abattu dans l’ombre par la commissaire européenne Benita Ferrero-Waldner » comme l’expliquera l’Express quelques années plus tard.
En 2007, la France sort surtout le grand jeu pour le Guide en espérant le voir déployer son carnet de chèques. L’entourage de Sarkozy « prédit la vente de 14 Rafale, inexportable joyau de chez Dassault, de 35 hélicoptères, de patrouilleurs, de radars, d’une vingtaine d’Airbus, d’un ou plusieurs réacteurs nucléaires de dessalement d’eau de mer… Autant de marchés de dupes : en fait de Rafale, ce sont des mirages qu’écoule la France. Devant une commission d’enquête parlementaire ou dans les médias, les acteurs de cette mascarade enfilent les à-peu-près, la palme revenant à Hervé Morin, alors ministre de la Défense, pour cette esquive d’anthologie: “Les contrats militaires n’ont pas été signés en tant que tels.” » On comprend surtout qu’à défaut d’acquérir des Rafale, Kadhafi devait détenir de très nombreux secrets d’Etat…
pme pmi magazine avec marianne