Certaines personnes ont l’air d’être dans leur élément partout et savent toujours comment engager la conversation. Un talent parfois inné, mais plus souvent le fruit d’un vrai travail.
Lorsque le client a tendu sa carte de visite à Alain Bosetti, le fondateur du Salon des micro-entreprises, et au collègue qui l’accompagnait, son malaise était palpable. « Je suis navré, non seulement cette carte est en très mauvais état, mais c’est la seule que j’aie : je ne peux même pas vous en donner deux », a-t-il bredouillé. Plutôt que de laisser la gêne s’installer, Alain Bosetti a réagi au quart de tour : « Aucune importance, on va se la partager ! » Joignant le geste à la parole, il a déchiré la carte en deux sous les médusés du client. Puis il a ajouté aussitôt, avec un sourire : « Ne vous inquiétez pas, nous avons du Scotch et une photocopieuse au bureau. » Sa stupeur passée, le client s’est mis à rire de bon cœur. En réagissant de façon totalement absurde, Alain Bosetti a réussi à mettre tout le monde à l’aise.
Bien sûr, il faut être suffisamment détendu pour riposter de la sorte. Car face à l’inconnu, une personne que l’on rencontre pour la première fois, une situation inédite, nous sommes trop souvent paralysés par le manque de confiance en nous et la crainte d’être mal perçu. « On croit souvent que l’autre porte un jugement sur nous, alors qu’il est bien souvent tout aussi embarrassé que nous », constate Franck Fiszel, directeur général de Coach Europ. Il existe heureusement des techniques qui permettent d’atteindre une certaines décontraction quelle que soient les circonstances, au bureau comme en séminaire, dans un colloque comme dans un cocktail, face à un client ou au milieu d’un salon professionnel.
Servez-vous du contexte pour briser la glace
Pas facile d’aborder des personnes qu’on ne connaît pas. Il faut pourtant s’y résoudre si l’on ne veut pas rester dans son coin ou rater une affaire. Un procédé classique consiste à s’inspirer de l’environnement pour ciseler une phrase d’accroche. Dans un cocktail, prenez par exemple prétexte de la coupe de champagne que déguste un invité pour vous approcher et lui demander : « Comment le trouvez-vous ? » Lors d’une conférence, questionnez votre voisin de fauteuil sur l’orateur : «Est-ce la première fois que vous l’écoutez ? » Chez un fournisseur, si vous répétez un casque de moto posé sur un meuble, lancez : « Je ne savais pas que vous étiez motard !»
Bref, tous les prétextes sont bons pour engager la conversation : la décoration du bureau (affiches, photos, plantes…), l’écran de veille des ordinateurs, les livres qui ornent une étagère, une vue imprenable. N’hésitez pas à émettre des hypothèses sur ce que vous observez. C’est la technique qu’affectionne François Liogier, directeur du développement chez Adecco Formation. Lors d’un rendez-vous chez de prospection chez un assureur logé dans une tour de la Défense, près de Paris, il remarque un vaste chantier ou les ouvriers portent des masques de protection. A la personne venu l’accueillir, il demande alors : « Ne serez-vous pas en train de désamianter ? » Il tombe juste et, durant le long trajet en ascenseur, le dialogue roule sur la vétusté de la tour et les dangers de l’amiante. « J’aurais pu me tromper, mais l’effet aurait été le même, explique François Liogier. Mon interlocutrice m’aurait fourni une autre explication et nous aurions dérivé sur un autre sujet qui l’aurait intéressée. » Et si vous êtes en mal d’inspiration dans un ascenseur, tentez la formule magique préconisée par Alain Bosetti : « C’est drôle, tout le monde regarde le panneau poids maximum et nombre de personnes. » En général, ça déride !
Suscitez d’emblée la curiosité en vous présentant
« Je suis rédacteur d’impôt », « Je travaille à l’œil », « J’aide les entreprises à grandir ». Ce conseiller en patrimoine, ce photographe et ce formateur ont tous bûché leur slogan de présentation avec l’objectif d’éveiller la curiosité de leur interlocuteur. Sachant que la plupart des gens que vous rencontrerez vous demanderont quel est votre job, soignez votre réponse. « Partez de l’idée que vous devez mettre en avant votre valeur ajoutée », souligne Hervé Bommelaer, consultant en gestion de carrières chez L’Espace Dirigeants. Ainsi, ne dites pas « Je suis ingénieur chez Tetra Pak, je développe les nouveaux emballages » mais « Je suis ingénieur chez Tetra Pak, le bouchon à vis sur la brique de lait c’est moi ! » Et préparez des présentations modulables, selon que vous avez dix, vingt, trente secondes ou plus pour parler. Au sein de La Poste, Dung Pham Tran se limite à trois minutes pour se vendre aux directeurs maison qu’il démarche, tous clients internes en puissance. Ce directeur de l’optimisation des coûts (DOC) est en effet chargé d’accompagner la conduite du changement dans le groupe. Et il a peaufiné son approche : « Je me présente comme DOC, ce qui intrigue mes interlocuteurs. Puis j’explique que je suis là pour aider chacun selon ses besoins, que mon intervention dépend de leur seul bon vouloir et qu’elle est gratuite. »
Autre méthode pour capter l’attention : porter un gadget, comme le recommande Leil Lowndes, auteur de « Comment parler à tout le monde » (Leduc. S Editons). Des lunettes fantaisie, un chapeau amusant, une cravate atypique, un bijou original. Vous pouvez aussi disposer des objets personnels atypiques sur votre bureau. On viendra vous demander ce qu’ils signifient.
Reconnaissez votre stress pour mieux l’évacuer
Votre client est inabordable ? Votre big boss vous intimide ? « Dites-vous que vous n’êtes pas la personne la plus importante de sa journée et qu’il n’y aura guère de conséquence si vous vous plantez », rassure Laurent Tylski, coach chez Acteo Consulting. Au pire, imaginez votre patron ou votre client en caleçon de bain pour le désacraliser. Au mieux, concentrez-vous sur des souvenirs agréables qui vous détiendront. L’anxiété vous submerge ? Décalez la rencontre de cinq minutes, le temps de prendre une bonne respiration abdominale ou de boire un grand verre d’eau glacée.
L’autre excellente technique pour se détendre consiste à avouer purement et simplement son trouble. « Lorsque je sens que l’émotion me submerge, je dis ce que je ressens, raconte Frédéric Fougerat, directeur de la communication de Geoservices, société de service pétroliers. J’use d’une phrase du type ‘’Pardonnez-moi, je suis très impressionné de vous rencontrer, j’en ai la voix qui tremble.’’ En général, la personne devient plus attentive. Quand à moi, je n’ai plus le trac. »
Si vous êtes un grand timide, exercez-vous à sortir de votre coquille en vous lançant des défis. Confrontez-vous à des situations à faible enjeu. Au restaurant, par exemple, demandez à changer de table, modifiez votre commande, renvoyez un plat, discutez la note, etc. A la boulangerie aussi, faites le difficile : demandez un autre éclair au chocolat que celui qu’on vous tend. Petit à petit, vous progresserez.
Amenez votre interlocuteur à parler de lui
« Qu’est-ce qu’on va bien pouvoir se dire pendant les trente minutes du trajet ? » Assise dans la voiture à côté d’un prestataire qui la reconduisait à une station de métro, Sigrid Deprat, responsable de clientèle à l’agence de communication En Personne, se sentait embarrassée. Après avoir discuté du choix de l’itinéraire, la jeune femme a subi un silence pesant jusqu’à ce qu’elle décide de faire le minimum en demandant à son chauffeur comment il en était venu à travailler sur le référencement par les moteurs de recherche. « Il m’a raconté l’histoire de la création de son entreprise avec un copain de fac, m’a expliqué ce qui lui plaisait dans ce job, sa manière de travailler. Il était intarissable », se rappelle-t-elle.
Rien de mieux que de s’intéresser à l’autre pour le mettre en confiance. C’est de cette façon que le célèbre coiffeur Franck Provost, PDG du groupe Provalliance, décontracte ses clients avant de leur proposer une coupe. « Je les interroge sur leur métier, leur rythme de vie. J’essaie de savoir s’ils prennent du temps pour se préparer le matin ou s’ils se contentent d’un coup de peigne. Ils doivent sentir que ce moment n’est que pour eux. » Cyril, cadre dans la communication, a vécu une expérience qui l’a surpris. Au cours d’une soirée amicale où il ne connaissait personne, il s’est contenté d’interroger les convives et de les écouter, sans dire un mot de lui. Le lendemain matin, la jeune femme qui l’avait invité lui a rapporté que tous les invités l’avaient considéré comme « une personne intéressante »
Mais savoir questionner est un art. La base, c’est d’utiliser des questions ouvertes car elles suscitent les opinions, les développements, les arguments. « Or cette façon d’interviewer n’est pas naturelle, souligne le coach Franck Fiszel. On a davantage tendance à poser des questions dites fermées, auxquelles on répond par oui ou non. » Un petit moyen mnémotechnique pour poser des questions ouvertes : retenez la formule « CQQCOP » (comment, qui, quoi, ou quel, combien, où, quand, pourquoi). Pour vous entraîner, demandez par exemple à votre enfant « Comment ça s’est passé à l’école ? » plutôt que « Est-ce que ça s’est bien passé à l’école ? ».
Entraînez-vous pour développer votre repartie
« Vous connaissez la dernière blague qui tourne en boule sur Facebook ? Elle concerne Jeanne d’Arc… ‘’Elle a frit, elle à tout compris !’’ » Rires dans l’auditoire. Ce détournement féroce du slogan de l’opérateur téléphonique Free, titulaire de la quatrième licence mobile, tombait à pic. Lors d’un dîner avec des clients, Bruno Hourdel, directeur marketing Europe de Sun Microsystems, sentait en effet qu’il lui fallait intervenir. Il avait à ses côtés des représentants des trois autres opérateurs, rendus nerveux par le les succès de leur redoutable concurrent. Son sens de l’à-propos lui a permis de détendre l’atmosphère.
Trouver les mots qui font mouche est un atout considérable en société. Vous passerez pour quelqu’un de vif, ouvert et cultivé. Mais ce capital, il faut savoir l’entretenir. Notamment en lisant de tout, en sortant au cinéma et au musée, en surfant sur Internet, en rencontrant du monde. Bref, en étant curieux. Portez une attention particulière aux formules chocs, aux images, aux métaphores qui peuvent resservir. Le coach Franck Fiszel a un calepin sur lequel il note tout ce qu’il entend dans le registre de l’absurde. Du style « Rien ne sert de penser, il faut réfléchir avant » ou « Un objectif sans plan s’appelle un vœu ». L’humour est une arme efficace et redoutable, à condition d’en user avec discernement. Car vous ne savez pas si votre interlocuteur est sensible au même comique que vous ou s’il a envie de rire. Rien de pire en effet que de faire un flop ! « Dans tous les cas, mieux vaut utiliser l’humour une fois que vous avez bien le style de public auquel vous avez affaire », souligne le coach Sylvain Hébel. Moins risqué : usez d’autodérision, à la manière du musicien Ray Charles, auquel une journaliste américaine demandait s’il n’était pas difficile d’être aveugle. Il aurait répondu : «ça pourrait être pire, j’aurais pu être noir ! » Une repartie à adapter librement : j’aurais pu être petit, j’aurais pu être gros, j’aurais pu être blonde…
Assurez en vous limitant au politiquement correct
L’art du « small talk », ce bavardage léger qui permet d’éviter les temps morts dans une conversation, a le mérite d’empêcher de commettre des impairs. Lors d’un cocktail ou d’un dîner mondain, difficile en effet de savoir si vous allez créer des liens éphémères ou durables avec vos interlocuteurs et si ces derniers ont des opinions tranchées sur des sujets sensibles. Gare alors à ne pas déclencher de polémique. La règle est de rester dans le politiquement correct. A proscrire : tout ce qui touche à la politique ou à la religion. Autres terrains minés : les histoires belges ou juives, les considérations sexistes ou les commentaires sur l’immigration, les sujets liés à la chasse ou à la tauromachie, les débats sur la maladie et la mort, les conflits familiaux, l’argent et les impôts ainsi que… les régimes amaigrissants et la chirurgie esthétique, où la gaffe est vite arrivée.
En revanche, préparez-vous à avoir du répondant dans de nombreux autres domaines. Alain Bosetti, également fondateur de Place des réseaux, recommande de bien maîtriser huit sujets, sur une large palette de thématiques professionnelles et personnelles. Cela peut aller de votre sport favori à la cuisine exotique, en passant par le développement durable ou un procédé scientifique innovant. De cette façon, vous trouverez forcément des points communs avec vos interlocuteurs et pourrez créer une complicité. Par ailleurs, veillez à acquérir un ‘’vernis de connaissances’’ avant toute rencontre programmée. Google est l’outil idéal pour se renseigner sur l’œuvre et la trajectoire d’un individu, les activités de sa société, ses projets, etc. Là aussi, pistez des points communs : une école, une ville, un employeur, un client, un hobby. Et suivez l’actualité. Eric Lemaire, directeur de la communication d’Axa France, suscite l’intérêt autour de lui en révélant que la société d’assurances couvrait une partie de la tournée de Johnny Hallyday, annulée en raison des problèmes de santé de la star.
Cultivez les relations de proximité
Ne snobez pas la machine à café et le restaurant d’entreprise et prenez le temps de vous rendre dans les pots internes. Bref, montrez-vous dans tous les lieux sociaux de l’entreprise. Les rencontres que vous y ferez seront riches d’enseignements sur les préoccupations des uns ou des autres, sur leurs loisirs, etc. en outre, vous vous montrerez convivial, capable de sortir la tête du guidon, de vous mêler à vos collègues et d’échanger sur leur quotidien. Si vous croisez un nouvel arrivant dans la société, rien ne vous empêche de l’apostropher : « J’ai entendu parler de vous et de vos activités. Discutons-en autour d’un café un de ces jours. » Si vous êtes manager, rendez-vous quotidiennement dans les bureaux de vos collaborateurs, ne serait-ce que pour dire bonjour. Et intéressez-vous à leurs hobbys, même si ce ne sont pas les vôtres. Olivier de Lavalette, directeur général de Regus Europe du Sud (loueur d’espace de travail), gère à distance des responsables commerciaux italiens, espagnols, égyptiens et français, tous fans de football… contrairement à lui. Lors des « conf calls » hebdomadaires avec l’équipe, il s’oblige pourtant à commenter avec eux les résultats des matchs du week-end des grands clubs des pays. Ce dirigeant a instauré un autre rite : il invite deux fois par trimestre ses proches collaborateurs à dîner, avec interdiction d’évoquer le travail. Enfin, il n’oublie pas d’aller prendre l’air avec le clan des fumeurs qui s’agglutinent dans la rue lors des pauses cigarettes. Il en profite pour faire le tour du pâté de maisons avec l’un ou l’autre. « C’est l’occasion de parler à bâtons rompu d’un sujet qui n’est pas encore un problème et pas encore un projet », résume-t-il. Un cadre à l’aise vraiment partout.
Améliorer son sens de l’écoute
L’incompréhension naît le plus souvent d’un manque d’attention. Pour qu’une discussion soit un véritable échange, il faut donc s’intéresser au point de vue de l’autre et faire l’effort de le comprendre.
Après une année difficile, les relations de travail ont commencé à s’étendre au sein de cette filiale d’un géant de l’agroalimentaire. « Tu as un mois pour renégocier les contrats avec les fournisseurs et dégager 60 000 euros d’économie », a intimé le directeur des achats à son adjoint. Le collaborateur a répliqué qu’il s’agissait d’une mission impossible. « Eh bien, change de métier ! » lui a lancé son chef. Le message est bien passé : quelques mois plus tard, le manager a reçu une lettre de démission. Un dénouement qui aurait pu être évité si ce responsable avait pris la peine de parler avec son bras droit. En effet, la plupart des salariés sont prêts à fournir des efforts importants à condition que leur encadrement se montre attentif à leurs difficultés. Voici comment développer votre sens de l’écoute, afin que vos échanges ne tournent pas au dialogue de sourds.
Etudiez la façon vous menez une discussion
Et si vous commenciez par faire le point sur la manière dont vous vous comportez avec votre entourage ? Nous ne sommes pas tous sur la même longueur d’onde. Certains parlent ou écoutent comme des experts, attachés à l’aspect formel. D’autres se veulent pragmatiques : les grandes théories leur importent peu, seul le résultat compte. Les créatifs, eux, sont toujours à la recherche de solutions innovantes, et les empathiques privilégient les enjeux humains. A vous d’identifier à quelle catégorie vous appartenez, puis de cerner le profil de votre interlocuteur, afin de limiter les risques d’incompréhension. Cela vous aidera également à évacuer les émotions parasites qui peuvent aboutir à un monologue plutôt qu’à un véritable échange. Pour cela, faites le point sur la nature des relations que vous entretenez avec la personne qui vous fait face. « Si quelqu’un vous agace, cherchez à comprendre pourquoi avant l’entretien : cela vous évitera de vous laisser submerger par vos sentiments pendant la discussion », recommande Yves Blanc, auteur du « Manager à l’écoute » (Dunod) et directeur associé du Centre d’études de psychologie individuelle et de groupe (Cepig).
Quel que soit votre état d’esprit, prêtez attention à la façon dont se déroulent vos conversations. Vous remarquerez peut-être que vous avez tendance à interrompre les gens, à empiéter sur leur temps de parole. Une attitude qui peut donner la désagréable impression que vous savez déjà ce que l’autre veut dire.
Dernière précaution : accordez-vous le temps nécessaire à la discussion. « Dire à un collaborateur qui frappe à votre porte ‘’vas-y parle, mais je suis pressé’’ est une pratique à proscrire, insiste Eric Répérant, fondateur du cabinet Urbanicus. Il est préférable de fixer un rendez-vous ultérieur où vous serez disponible. »
Laissez votre interlocuteur vider son sac
En général, la personne à qui on a délivré une information marquante (agréable ou non) réagit par un flot de paroles, expression de son indignation, de son inquiétude ou de son enthousiasme. Dans un premier temps, l’émotion l’emporte en effet sur la raison. Attendez que cette phase d’excitation retombe en restant silencieux : vous pourrez ensuite embrayer sur un échange plus serein. Cela requiert parfois des nerfs solides ! Mais l’expérience vous aidera à mieux maîtriser ce genre de situation. Comme Aurélie Clouet, la directrice pour la France du chocolatier belge Marcolini, qui a dû refuser une augmentation à sa commerciale grands comptes, dont la contribution était pourtant essentielle au développement de l’entreprise sur le marché hexagonal. Totalement démotivée, la collaboratrice a commencé à relâcher ses efforts. Craignant que cette baisse de moral ne fasse tache d’huile dans toute l’équipe, Aurélie Clouet a choisi de parler à la jeune femme en tête à tête, devant un café. « Elle s’est mise à pleurer en disant qu’on se moquait d’elle. Je l’ai laissée exprimer ce qu’elle avait sur le cœur. » Puis, tout en affirmant qu’elle comprenait les griefs de sa commerciale, la directrice s’est montrée franche : étant donné que les conditions financières ne changeraient pas, la salariée devrait soit envisager de démissionner. Un discours direct qui a fait mouche : le lendemain, elle est revenue au bureau avec une énergie retrouvée.
Lorsque vous devez aborder des sujets délicats avec un collaborateur, il est en effet inutile et déconseillé d’enrober vos propos de phrases superflues pour dissimuler votre embarras. « Notre culture latine nous pousse à prendre des précautions oratoires qui ne font qu’augmenter progressivement l’inquiétude de l’autre partie. Optez plutôt pour la méthode anglo-saxonne en donnant d’emblée l’information », recommande Gérard Zenoni, coach et auteur de « Tais-toi, je t’écoute » (Pocket).
Sachez ménager des moments de respiration
Dans un échange, avant de prendre à votre tour la parole, laissez toujours s’écouler deux secondes pour vous donner le temps de respirer posément. « Lorsqu’une discussion est longue, le corps se fatigue, explique Christiane Brouta, formatrice et consultante chez Demos. Essayez de produire des changements de rythme en évitant de répondre du tic au tac. Les pauses sont également essentielles pour reprendre son souffle et assimiler l’information. » Le silence permet aussi de montrer à votre interlocuteur que vous êtes attentif à ce qu’il dit et que vous respectez son point de vue. Mais cela n’a d’effet que si vos gestes ne trahissent pas votre nervosité. Veillez à ne pas battre du pied ou tapoter la table avec votre stylo, ce qui dénote de l’impatience. Contentez-vous de manifester régulièrement votre intérêt d’un hochement de tête.
La technique du silence, Rachel, auditrice interne dans un groupement bancaire, l’utilise presque quotidiennement. Cette jeune cadre sait que lorsqu’elle met le pied dans une filiale, elle suscite forcément l’inquiétude des salariés qu’elle rencontre : sa fonction consiste en effet à évaluer leurs performances en matière de gestion des risques. « Mon interlocuteur est souvent paralysé parce qu’il ne m’a pas tout dit, je me tais : en général, cela l’incite à poursuivre. En effet, le silence, même s’il est bienveillant, plonge les gens dans l’embarras : la personne va chercher à meubler ce vide qui la gêne, ce qui l’amène à se dévoiler. » C’est à ce moment-là que sont évoqués des aspects qui n’avaient jusque-là pas été abordés.
Apprenez à respecter la parole d’autrui
Attention, les premiers mots que vous emploierez lorsque vous reprendrez la parole sont décisifs. « Certaines expressions coupent court à toute discussion, met en garde Yves Blanc, du Cepig. Il est essentiel de les connaître pour s’interdire de les utiliser. » Evitez par exemple de passer pour un donneur de leçons en enchaînant les « à votre place… » et les « je sais ce que vous allez me dire… ». Contrôlez votre agacement en bannissant les « allons au fait » ou « la question n’est pas là ». Et ne vous posez pas en juge avec des « C’est faux » et autres «ce n’est pas le sujet ». Vous pouvez en revanche utiliser les « mais » et les « non », à condition d’adopter un ton approprié. Il faut trouver un équilibre délicat entre empathie et distance afin de préserver son objectivité. « Ecouter l’autre ne veut pas dire adopter forcément son point de vue, précise le consultant Eric Répérant. Mais c’est lui signifier qu’on a compris ce qu’il nous a dit. Le manager doit pouvoir exprimer son désaccord et rester maître de la décision. »
Préférez les questions aux affirmations
Comment dire de façon diplomatique à une collaboratrice que la majorité des salariés se plaint de son agressivité ? Confronté à cette situation, Emmanuel Retif, DRH chez SFD France (distributeur des solutions mobiles de SFR), a trouvé une solution. « Plutôt que de l’informer brutalement que le personnel n’appréciait pas son comportement, je lui ai demandé si elle savait comment elle était perçue dans l’entreprise. » Cette question, suivie d’un silence, a poussé la personne à réfléchir et à énoncer elle-même des éléments de réponse. La conversation qui en a découlé a permis de faire évoluer son attitude dans l’équipe. « Un succès : elle est aujourd’hui devenue numéro 2 de son service », se félicite le DRH.
Bien mené, le questionnement est un art. A condition notamment de choisir ses mots avec discernement, de façon à ne pas blesser ni effrayer son interlocuteur. Il faut aussi alterner les questions ouvertes, destinées à explorer des hypothèses et les questions fermées qui servent à les valider. N’hésitez jamais à creuser pour lever les malentendus. Et obligez toujours la personne avec qui vous discutez à justifier ses affirmations péremptoires. Si elle vous assène un « Je dois toujours sacrifier mes week-end », plutôt que de vous taire (ce qui reviendrait à acquiescer), répliquez « Toujours ? ». « Répétez systématiquement un ou deux mots de ce qu’affirme votre interlocuteur, conseille le coach Gérard Zenoni. Cette question miroir permet d’invalider les généralisations et de souligner les omissions. »
Reformulez les propos tenus sans les interpréter
Pascal François, manager dans une entreprise de sous-traitance automobile, le reconnaît volontiers : l’écoute n’était pas son fort lorsqu’il a entrepris d’encadrer une équipe. Il a commencé à faire des progrès en utilisant la technique de la reformulation pour communiquer avec ses collaborateurs. Le principe : énoncer en d’autres termes ce que l’interlocuteur vient d’exposer. On peut procéder en réutilisant peu ou prou les mots que la personne a employés ou en exprimant l’idée d’une autre manière, de façon à être plus précis ou plus concis. Par exemple, l’affirmation « Trois mois, c’est très peu pour concrétiser une telle idée » pourrait être reformulée de la sorte : « Si j’ai bien compris, vous manquez de temps pour réaliser un projet de cette envergure. » L’objectif de la reformulation est de montrer qu’on a écouté la personne et d’obtenir la confirmation qu’on a enregistré le bon message. « L’amorce de phrase
‘’si j’ai bien compris’’ crée une véritable relation de confiance entre les individus, confirme Pascal François. Mes collaborateurs sont jeunes. La reformulation associée au questionnement me permet d’avoir des discussions d’adultes avec eux. »
La bonne manière d’annoncer une mauvaise nouvelle
Les managers qui ont dû assumer des décisions difficiles sont formels : c’est dans cet exercice périlleux que se révélera votre professionnalisme.
Lorsqu’il a ouvert sa lettre de licenciement, ce cadre est tombé à la renverse. Le jour même, son patron l’avait convoqué pour lui parler de tout autre chose ! Scandalisé par ce manque de franchise, il a mis un point d’honneur à sauver son poste… et a fini par avoir gain de cause contre son chef. La leçon de ce témoignage ? En éludant une mauvaise nouvelle, un manager perd toute crédibilité aux yeux de ses troupes. Certes, il n’est jamais facile d’annoncer à un collaborateur l’arrêt du projet sur lequel il planche, la réduction de son budget ou de ses équipes, la baisse de sa prime, le gel de son emploi. Mais c’est dans cet exercice périlleux que l’on jugera votre professionnalisme. D’où la nécessité d’adopter la bonne manière de faire.
Appropriez-vous l’information avant de la transmettre
Première règle : évitez l’effet de surprise afin que vos décisions ne soient pas perçues comme des brimades. Cadre dirigeant de Schneider Electric, Pierre Gunnarsson applique le principe de l’entonnoir. Il informe l’ensemble de son service qu’il va y avoir des coupes budgétaires. Si bien que lorsque le couperet tombe sur un collaborateur, celui-ci est déjà prêt à encaisser la nouvelle. A la tête de Qosmos (analyse de flux informatiques), Thibaut Bechetoille, lui, prépare le terrain lors des entretiens d’évaluation. « J’avais tout tenté pour remettre à niveau un cadre, y compris le coaching, se rappelle-t-il. Quand je l’ai convoqué pour discuter de son départ, il a été moins étonné que soulagé. »
Deuxième impératif : adhérez à la décision. « Avant de transmettre la mauvaise nouvelle, vous devez vous l’approprier », insiste Jacques Laverrière, consultant chez Demos. Une phrase du type « Ce n’est pas moi qui ai choisi de baisser ta prime mais je ne peux pas faire autrement » vous place en porte-à-faux. Pire, en vous désolidarisant de votre hiérarchie, vous risquez gros. Pierre Gunnarsson se souvient d’un chef d’agence prié de réduire ses effectifs. Comme il traînait les pieds, son directeur a lui-même dressé une liste…sur laquelle figurait son nom ! Prenez donc le temps de diriger la décision. « En sondant les émotions qu’elle suscite chez vous, vous serez plus réceptif aux réactions du collaborateur », explique Pascale Roux Blondel, consultante chez Hay Group.
Enfin, soignez l’annonce de l’entretien, sans dramatiser. Adoptez un ton direct : « Prenons rendez-vous, j’ai quelque chose d’important à te dire. »
Choisissez le moment opportun et un lieu adapté
N’espérez pas vous débarrasser d’une nouvelle impopulaire entre deux portes. « La bonne attitude consiste à se rendre disponible sans tarder », insiste Jean-Pierre Testa, formateur à la Cegos. Quel que soit le moment de la journée, assurez-vous que vous ne serez pas dérangé. Ne calez aucun autre rendez-vous dans la foulée de cet entretien. Choisissez aussi un moment qui n’incommodera pas votre interlocuteur. Pour ne pas saper le moral de ses troupes, Thibaut Bechetoille évite les veilles de week-end et de vacances.
Ne décidez pas non plus à la légère de l’endroit où vous vous exprimerez. « En fonction du lieu, on peut augmenter ou baisser la pression », prévient Philippe Bazin, associé chez Krauthammer. Et de citer le cas d’un directeur d’agence d’intérim convoqué au siège flambant neuf d’une région où il n’avait jamais mis les pieds. Impressionné par la solennité du décor, ce manager pourtant réputé dur à cuire s’est effondré quand il a appris la réorganisation de son service. Au point que le patron de région a passé la réunion à lui remonter le moral ! En revanche, si vous souhaitez créer de la proximité, rien de tel que de vous déplacer dans le bureau de votre collaborateur. « J’ai pris comme une marque d’estime le fait que mon patron vienne jusqu’à moi m’annoncer mon licenciement », témoigne François Drouin, qui savait son poste de direction chez Conforama en sursis. Quand il veut dédramatiser le débat, Gilles Odent, un DRH chevronné, préfère sortir des murs de l’entreprise pour rallier le bistrot du coin. « Les deux personnes sont ainsi replacées sur un pied d’égalité. Dans ce contexte informel, le collaborateur finit toujours par se ressaisir. »
Trouvez les mots justes tout en restant ferme
Quitte à passer pour un personnage un peu abrupt, le fondateur de TheBluePill, Xavier Delanglade, opte sans détour pour la franchise. Cet ex-DG de Fullsix formé dans les grands cabinets de conseil et d’expertise comptable témoigne : « Chaque fois que j’ai maquillé la vérité, mes relations avec les autres se sont détériorées. » Inutile donc de tourner autour du pot, votre interlocuteur se sentirait manipulé.
« La phrase d’annonce est la plus importante de l’entretien », prévient Philippe Bazin. Plus tôt : « Je pense (on laisse entendre que c’est négociable) que je vais aller sans toi (l’interlocuteur se sent rejeté) à la réunion », pour les raisons que je vais t’expliquer. »
En dépit de toutes ces précautions, votre interlocuteur risque de considérer la nouvelle comme une attaque personnelle. « Pour limiter le sentiment de culpabilité ou d’injustice, situez la décision dans son contexte en usant d’arguments factuels », préconise Pascale Roux Blondel. Au lieu de dire à votre assistante : « Tu n’as pas atteint tes objectifs », annoncez-lui : « Compte tenu de la charge du service ces trois derniers mois, tu n’as pas suffisamment progressé. » « Vous limitez ainsi l’échec dans le temps et dans l’espace », décrypte Philippe Bazin.
Soyez ferme : votre décision n’est pas négociable. Proposez plutôt des solutions d’accompagnement. Lorsque ce cadre, ex-directeur chez Conforama, a supprimé les vacances de son équipe et imposé des heures supplémentaires les week-ends et la nuit pour rattraper un retard, il a pris soin d’atténuer l’effet de sa mesure en fixant des jours de récupération et des primes pour atteindre les nouveaux objectifs.
Préparez-vous à gérer les réactions émotionnelles
Médusé, Pierre Gunnarsson ! Lorsqu’il officiait aux Etats-Unis, un cadre convoqué pour licenciement lui a serré la main et l’a remercié du chemin parcouru ensemble. Le cas est exemplaire ; n’espérez pas obtenir si facilement l’acceptation de ceux à qui vous annoncez une mauvaise nouvelle. Vos interlocuteurs se rangeront plutôt en trois catégories : les résignés, les rebelles et ceux qui s’effondrent. Face à la résignation, inutile d’évoquer le long terme ; si la personne se met en colère, contentez-vous de l’écouter et proscrivez le mode défensif. Au pire, « interrompez la réunion et proposez un autre rendez-vous », suggère Jacques Laverrière. Enfin, devant une réaction de peur, argumentez pour rassurer.
« Dans tous les cas, n’occultez jamais le ressenti de l’autre », insiste Jean-Pierre Testa. Et, surtout, prévoyez d’accompagner votre collaborateur dans sa reconstruction, car annoncer une mauvaise nouvelle ne se limite pas à un acte ponctuel. Il faut y penser avant et gérer l’après.
Jouer les arbitres en cas de conflit
Si le manager ne prend pas garde à désamorcer les querelles larvées, des tensions entre collaborateurs peuvent dégénérer en guerre ouverte. Fermeté et diplomatie seront alors nécessaires pour apaiser le climat.
Parfois, un motif dérisoire suffit à mettre le feu aux poudres. Dans une PME de jouets, le comptable avait ainsi retrouvé « son » agrafeuse sur le bureau d’un collègue, alors que ce dernier ne lui avait pas demandé la permission d’emprunter le précieux outil. Le ton est monté très vite et, en plein open space, les deux hommes ont failli en venir aux mains devant les autres salariés atterrés. « Ces deux là vivaient une rivalité de longue date et passaient leur temps à empiéter sur leurs dossiers respectifs, explique le directeur financier de l’entreprise. Malheureusement, je n’avais pas conscience de la gravité du problème. L’un s’est replié sur lui-même et l’autre a demandé sa mutation, ce qui a considérablement désorganisé mon service. »
Ni juge ni flic mais un peu psy, le manager est le garant de la sérénité indispensable au bon fonctionnement de son équipe. A lui donc de prévenir les problèmes en rappelant régulièrement et fermement les règles de bonne conduite. Ou de résoudre les conflits en demeurant aussi impartial que possible lorsqu’ils éclatent malgré tout. « Comprendre ce qui peut déclencher une dispute, c’est se donner la possibilité d’en limiter les conséquences en trouvant la parade la plus adaptée », résume Jean-Marc Engelhard, coauteur avec Céline Lacourcelle de « Prévenir et gérer les conflits au travail : 100 conseils de pros » (Editions L’Express). Le maintien de la tranquillité au sein de son service exige que le manager sache entretenir une communication fluide.
Repérez les signes avant-coureurs de l’antagonisme
Directeur général de l’agence de communication By Agency, spécialisée dans le domaine de la santé, Eric Phélippeau est un fervent adepte de la formule « Mieux vaut prévenir que guérir ». Chaque matin, lorsqu’il arrive dans ses locaux, près de la place de l’Opéra, à Paris, il fait le tour des bureaux pour saluer chacun. « C’est une question de respect, mais c’est aussi une façon de humer l’ambiance du jour, raconte-t-il. Rien qu’au ton d’un ‘’bonjour’’, je décèle les crispations éventuelles. » Car les conflits éclatent rarement du jour au lendemain : ils surviennent en général au bout d’une longue accumulation de griefs jamais exprimés. Au manager de savoir décoder les indices. « Je reste toujours à l’affût des petites phrases ou des e-mails sibyllins : j’appelle cela ma paranoïa positive », témoigne le chef d’entreprise.
Adepte lui aussi de la démarche préventive, Manuel, responsable du bureau d’études d’une grosse PME aéronautique, déclare vouloir « être présent, pas omniprésent » au sein de son équipe de neuf personnes : « Sans devenir le copain de mes collaborateurs, je m’efforce d’écouter aussi ce qui n’est pas directement professionnel. » Il a ainsi récemment remarqué qu’un documentaliste ne souriait plus jamais et s’était muré dans le silence. « Je suis allé le voir pour comprendre les raisons de son mutisme : ses horaires avaient été changés sans accord. Nous avons finalement réussi à trouver un compromis. »
Spécialiste des conflits en entreprise, la consultante et coach Christine Marsan approuve ce genre de comportement. « Il faut décoder les silences, identifier les non-dits, observer la façon dont le groupe évolue : quels sont ceux qui se parlent ou qui ne se parlent plus. Et ensuite, veiller à ce que chacun puisse mettre des mots sur son malaise. » Bien sûr, l’humour peut aussi aider à faire retomber les petites tensions inévitables au quotidien.
Restez neutre si vous devez intervenir à chaud
Si, en dépit de votre vigilance, une altercation éclate, vous allez devoir prendre vos responsabilités. En cas d’agression verbale ou physique, réagissez sur-le-champ. Mettez tout le poids de votre autorité hiérarchique dans la balance pour faire cesser l’escalade de la violence. Et rappelez à tous que les insultes et les coups sont passibles de sanctions disciplinaires. Une fois la tension revenue à un acceptable, tâchez de vous placer au dessus de la mêlée en adoptant une attitude impartiale. Souvent, les deux parties, sûres de leur bonne foi, vont camper sur leurs positions. Commencez par créditer les protagonistes de la pureté de leurs intentions pour détendre l’atmosphère. « Vous créerez ainsi un climat qui permettra à chacun de s’écouter à nouveau », indique Christine Marsan. Efforcez-vous ensuite de dresser le bon diagnostic. Un rappel des faits exhaustif est indispensable pour résoudre un conflit. Selon la coach Liliane Heintz, un clash n’est jamais un élément qui peut être appréhendé de manière isolée : « Pour prendre la pleine mesure de ses ramifications, il faut identifier différents paramètres. Que s’est-il vraiment passé ? En présence de quels types d’intérêts contradictoires sommes-nous ? » Echaudé par des expériences où il a voulu trancher trop vite, Matthieu Gabai, directeur général de l’agence de communication Quatre Vents, s’évertue désormais à ne jamais brûler les étapes. « Je m’efforce de prendre du recul, d’interroger les managers respectifs, les collègues et, bien entendu, les intéressés, témoigne-t-il. Bref, je rassemble un faisceau d’indices avant de m’impliquer dans la résolution du conflit. » Son conseil : ne tenez jamais compte des rumeurs, mais seulement des faits.
Organisez une confrontation entre les parties
Après avoir vérifié les faits et écouté chaque protagoniste, vous allez devoir les rencontrer ensemble>. Pour cela, choisissez un lieu neutre. « J’ai organisé une fois une confrontation dans un bureau situé à l’étage où travaillaient les personnes en bisbille. Mais je n’avais pas remarqué que les cloisons étaient si fines, raconte Olivier Fecherolle, directeur générale France du réseau social Viadeo. Résultat des courses : tout le monde a pu en profiter. Depuis, je choisis un endroit situé à l’extérieur des bureaux, un café, par exemple. »
Lors de cette rencontre, les tensions vont inévitablement se raviver pendant la première demi-heure. Pour calmer le jeu, rappelez que l’objectif est que chacun puisse sortir par le haut de la situation. Evitez de vous focaliser sur le passé : en effet, le plus souvent, les collaborateurs ont un objectif commun mais ils divergent sur la façon de l’atteindre. Faites-en le sujet de l’échange. « Demandez-leur quel but ils poursuivent, recommande Jean-Louis Muller, directeur à la Cegos. Comment sauront-ils s’ils l’ont atteint ? Quels sont les moyens que vous pouvez mettre à leur disposition ? » Ces questions dépassionnent le débat et permettent aux personnes de se projeter dans l’avenir. « Le manager doit ensuite demander à chacune des parties de lui proposer plusieurs pistes pour en finir avec le conflit, poursuit Muriel Jouas, consultante au cabinet Com2Crise. Attention alors à celles qui semblent évidentes à tout le monde. Il s’agit souvent de solutions de facilité qui permettent d’écouter à bon compte un moment désagréable. » Les issues pérennes, parfois difficiles à trouver, exigent plusieurs entrevues.
Il peut ainsi se révéler nécessaire de revoir en profondeur l’organisation d’un service. « Deux commerciaux qui se disputent un même client pour le potentiel d’affaires qu’il représente, c’est courant, souligne la coach Liliane Heintz. Si le manager modifie leur système de rémunération en passant d’une récompense de la performance individuelle à une récompense de la performance collective du service, l’objet même des querelles disparaîtra. » Vous avez l’impression d’avoir tout essayé sans parvenir à réconcilier les belligérants ? Ou bien vous craignez de manquer de crédibilité, vos liens amicaux avec l’une des deux parties étant connus de tous ? Le mieux, dans ces cas de figure, est de convoquer une tierce personne qui jouera le rôle d’arbitre : un manager d’un autre département qui n’entretient aucune relation avec les intéressés, un membre de la direction des ressources humaines, voire, dans les situations les plus graves, un médiateur professionnel (s’adresser à la Chambre professionnelle de la médiation et de la négociation, www.cpmn.info). Si cette dernière solution est certainement la plus satisfaisante, elle reste assez chère : vous devrez compter de 2 500 à 4 000 euros pour quatre entretiens d’une heure et demi. Quoi qu’il en soit, la réunion de conciliation doit se solder par un accord accepté par les deux parties. « Chacun des acteurs aura alors le sentiment d’avoir été écouté et considéré. Mais si l’un des protagonistes claque la porte, exprimant ainsi sa frustration, tout est à refaire », précise Charles Pouvreau, directeur du pôle public du cabinet Mercuri Urval.
Rappelez à tous les règles de vie en commun
L’apparition d’un conflit dans un service peut être l’occasion pour le manager de rappeler solennellement ou non les règles fondamentales de la vie en commun : rôle de chaque salarié, bonne manière d’exprimer des récriminations. « Si cela n’a pas été déjà fait, il faut proposer à l’équipe des règles de fonctionnement en cas de contentieux, recommande la coach Christine Marsan. L’idée étant d’inciter chacun à exprimer au plus tôt ce qui ne lui convient pas ». Pour ce faire, encouragez vos collaborateurs à parler à la première personne (« Je ne comprends pas », « J’ai l’impression que… ») plutôt qu’à la deuxième personne, qui donne vite à la phrase un ton accusateur (« Tu ne m’as pas dit que… »). Très souvent, les tensions naissent d’une incompréhension : un brief mal expliqué, une mission mal cadrée… Au manager de s’assurer que les gens ont bien compris et, surtout, de les encourager à le dire lorsque ce n’est pas le cas. Eric Phélippeau, chez By Agency, se souvient ainsi d’une collaboratrice qui, parce que les contours des différents postes avaient été mal définis, tentait d’étendre le périmètre de ses activités au détriment de ses collègues : « J’ai fait intervenir un cabinet de conseil en ressources humaines qui m’a aidé à mettre en place des fiches de postes détaillées. Cela a permis d’éclaircir la situation. » Préoccupation identique chez Viadeo France. Olivier Fecherolle, le directeur général France, exige désormais de ses managers qu’ils consacrent du temps à cette question lors de chaque entretien annuel d’évaluation. « Plus de la moitié des conflits qui éclatent ont pour origine un problème de délimitation de territoire », explique-t-il.
Effectuez un débriefing puis tournez la page
Une fois les belligérants apaisés, efforcez-vous de procéder à un débriefing à froid de la crise. Objectif : éviter bien sûr que l’histoire ne se répète. Toute stratégie d’évitement consistant à se comporter comme si rien ne s’était passé est donc à proscrire. Il s’agit au contraire de faire le maximum pour que les blessures cicatrisent. L’ensemble des personnes impliquées de près ou de loin dans la bataille doivent se réunir pour dresser un bilan circonstancié de l’épisode. Les différents intervenants seront invités à s’exprimer sur les blessures provoquées par cette période de tensions. Après avoir pris soin de récapituler l’accord auquel vous êtes parvenus, décidez ensemble de ce qui doit être rendu public ou tenu confidentiel. En ne donnant le mauvais rôle à aucun des protagonistes, un tel traité de paix leur permettra de renouer durablement des relations de travail saines.
Choisir la gestuelle adaptée à son message
N’espérez pas convaincre si vos postures expriment le contraire de ce que vous dites… Les techniques pour joindre le geste à la parole.
Vous voulez vous faire comprendre ? Sachez que ce sont vos gestes, bien plus que vos paroles, qui feront la différence ! « Le psychologue américain Albert Mehrabian a établi que l’impact d’un message résultait à 55% de la gestuelle utilisée, à 38% de l’intonation de la voix et seulement à 7% du discours », rappelle Evelyne Platnic-Cohen, directrice générale de Booster Academy (formation à la vente). Une bonne raison pour maîtriser parfaitement votre langage corporel, qui doit être en adéquation avec votre message verbal. Vous souhaitez motiver vos troupes ? Féliciter un collaborateur ? Demander un effort à un partenaire ? Plaire à un client ? Joignez le geste à la parole. Voici les règles à appliquer pour avoir l’attitude corporelle adéquate.
Adoptez la bonne distance physique
« En négociation, l’usage est de se placer face à son interlocuteur, séparé de lui par une table. Mais si vous voulez créer un lien plus fort ou si vous ressentez une certaine sympathie l’un pour l’autre, asseyez-vous côte à côte », conseille Joseph Messinger, spécialiste de la communication non verbale et auteur du « Langage des gestes pour les nuls » (First). Car la distance à respecter entre donnée intangible. Elle doit s’adapter à la situation, au message que vous souhaitez faire passer et à la personne que vous rencontrez. Si vous travaillez à l’international, prenez en compte les aspects culturels. Chaque peuple à une notion différente de la « distance de fuite », c’est-à-dire de la proximité maximale tolérée avant que la personne estime qu’on empiète sur son espace vital. On la mesure bras tendus devant soi. « Pour les Italiens, qui aiment être proches et sont très tactiles, la distance de fuite se situe entre le coude et le corps, ajoute Joseph Messinger. Pour les Français, elle est au poignet et pour les Anglais, au bout des doigts. »
Inutile d’être spécialiste de la proxémique (l’étude de la distance) pour l’avoir remarqué : l’intrusion d’une personne dans votre sphère intime est ressentie comme une agression. Le pape de cette discipline, Edward Hall, a identifié plusieurs zones autour d’une personne, qui équivalent à la proximité maximale que l’on peut accepter dans différents contextes. Un rayon de 45 centimètres correspond à la zone intime, de 1,30 mètre à la zone personnelle, de 4 mètres à la zone sociale. Au-delà, il s’agit de la zone publique. En entreprise, n’entrez jamais dans la zone intime, sauf cas particulier où vous souhaitez créer de la complicité. « J’avais besoin de l’appui d’un patron régional du Medef, raconte un coach. Le rendez-vous était important : il fallait que j’instaure avec lui une certaine connivence. Comme j’ai senti que le courant passait, je me suis assis à côté de lui et on s’est parlé à l’oreille. Finalement, il a accédé à ma demande. » Le rapprochement physique est en effet une technique efficace. « Lorsque je suis en réunion avec plusieurs clients, j’ai l’habitude de me déplacer autour de la à l’issue de ma présentation pour consacrer plus de temps à ceux qui en ont besoin, confie un consultant en systèmes d’information. Je m’assieds à côté de mon interlocuteur, je chuchote. Cela crée un rapport individuel. La personne comprend que je suis attentif à se besoins. »
Utilisez le toucher pour appuyer vos arguments
Une requête accompagnée d’un contact physique envers la personne à qui vous faites votre demande est rarement refusée. Le toucher permet en effet de créer une complicité particulière. Directeur des ventes d’Impérial Tobacco France, Paul Chemama l’a bien compris : « Pour sceller une discussion agréable ou pour remotiver un de mes commerciaux en difficulté, il m’arrive de joindre à mon discours une légère pression sur le bras ou l’épaule. »
Mais attention ! L’initiative de toucher l’autre revient toujours au chef. C’est l’expression d’une relation hiérarchique dominant-dominé. Le manager n’en a d’ailleurs pas forcément conscience, pensant au contraire se mettre ainsi au même niveau que ses collaborateurs, tel Antoine Watissee, directeur commercial grands comptes chez NextiraOne, une société de services dans les télécoms. « Je me suis déjà surpris à entourer les épaules de mes collaborateurs pour les féliciter : un élan qui, pour moi, signifie qu’on travaille dans la même direction et qu’on est égaux », estime-t-il.
Inutile cependant d’en rajouter dans le tactile si vous n’appréciez guère le contact physique. Idem si vos gestes de connivence peuvent être mal interprétés. Une responsable des achats dans le BTP est particulièrement vigilante sur ce point : « Je suis d’un naturel chaleureux, mais j’ai appris à garder mes distances en entreprise, d’autant que je travaille dans un milieu masculin où certains gestes risqueraient d’être perçus comme une tentative pour établir un rapport de séduction. A l’inverse, si quelqu’un se permettait de mettre la main sur mon épaule, je trouverais cela déplacé ! » Avec le toucher, en effet, aucune ambiguïté ne peut être tolérée.
Ajustez votre langage corporel à celui de l’autre
Une personne se sentira plus en phase avec vous si vous vous livrez à un certain mimétisme physique. « Il ne s’agit pas de singer votre interlocuteur mais d’adopter le même schéma corporel que lui afin de favoriser le dialogue », préconise Evelyne Platnic-Cohen. La personne en face de vous est-elle décontractée ou raide ? Croise-t-elle les bras ou les jambes ? Son visage est-il expressif ou impassible ? « L’observation est la première qualité d’un bon communicant, reprend la coach. Soyez chaleureux avec une personne conviviale, neutre avec une personne froide. Accordez votre voix à la sienne : imitez son débit, son intonation et son volume. » Un réflexe naturel chez les commerciaux et les professionnels du conseil. « Si je suis face à un client expansif, je m’autorise à être moi-même, ouvert et dynamique. Face à une personne plus réservée, je me modère », témoigne ce consultant en système d’information.
Parfois, c’est un changement dans votre propre attitude corporelle qui influencera celle de votre interlocuteur. Directeur des ventes chez l’éditeur de logiciels Amdocs, Didier Ruscica était en négociation avec un gros client et la discussion était tendue. « Nous avions tous les deux les bras croisés. Après avoir développé mon point de vue, j’ai décroisé les bras le premier, en signe d’ouverture. Mon client les a décroisés aussitôt et nous avons pu commencer à envisager une solution satisfaisante pour tous les deux », raconte-t-il.
Evitez les gestes qui risquent de brouiller l’écoute
Croiser les bras, mettre les mains dans ses poches, se gratter le nez, se toucher les cheveux, tourner sa bague, danser d’un pied sur l’autre… Autant de gestes effectués de façon automatique et qui envoient des signaux négatifs à votre interlocuteur : vous avez la tête ailleurs, vous êtes mal à l’aise, énervé… Ces attitudes parasitent la communication. Inconsciemment, l’attention de votre gestuelle vous évitera donc de « polluer » votre message. « Faire un exposé en gardant les bras croisés, signe de fermeture et de repli sur soi, est improductif, affirme Joseph Messinger. La posture adéquate est le buste droit, penché légèrement en avant, avec le regard plongé dans les yeux de la personne à qui vous vous adressez. » Antoine Watissee a une attitude d’écoute : « Je pose les deux mains à plat sur le bureau, de part et d’autre d’un carnet sur lequel je prends des notes. Cela m’empêche de croiser les bras. » Vous avez désormais toutes les cartes en main pour devenir un pro de la communication non verbale : à vous de jouer !
Les avantages des nouveaux CV en ligne
Pour s’assurer une visibilité maximale sur le Web, on peut désormais créer un site spécialement dédié à son CV. Simple et efficace.
A l’heure du « name googling » qui consiste à collecter via Google des renseignements sur une personne, il est plus que jamais vital de soigner sa visibilité sur le Web. Mieux vaut, en effet, qu’un recruteur saisissant votre nom aille puiser ses informations sur un site exclusivement dédié à votre CV que sur votre profil Facebook (avec, en prime, les photos de vos 153 amis, dont certains en petite forme à la fin d’une soirée) ou sur votre page Viadeo, plus professionnelle mais assez froide. Et c’est justement pour que vous puissiez mettre à sa disposition ce type d’outil que des prestataires spécialisés (doyoubuzz.com, moncv.com ou cvnumerique.com) vous offrent aujourd’hui de concevoir votre CV comme un site Web. Cette formule vous différenciera instantanément des candidats qui se limitent au classique fichier Word. D’autant que de nouvelles fonctionnalités permettent de personnaliser et d’enrichir ce document de manière étonnante.
Options payantes. Parmi les avantages les plus évidents du CV en ligne, notons d’abord la rapidité et la simplicité de la démarche. Une quinzaine de minutes suffisent pour créer votre page à partir d’un choix de modèles préexistants. Et par la suite, la mise à jour n’exigera que quelques clics. L’hébergeur DoYouBuzz propose par exemple un « CV Web » totalement gratuit, dont la consultation s’effectue depuis une adresse du type www.doyoubuzz/ nicole-dupont. Mais cette prestation ne tient pas compte du référencement. Pour avoir de bonnes chances qu’un recruteur lançant une requête sur votre nom voie apparaître le lien vers votre CV parmi les premiers, avant Viadeo, LinkedIn ou Facebook, il faut donc accepter de payer. Moyennant 29,90 euros par an, DoYouBuzz héberge votre CV sur un site spécial, dont l’adresse associe vos noms et prénoms (www.nicoledu pont.com). Moncv.com propose, pour sa part, un tarif annuel de 9,90 euros et un nom de domaine du type http//ndupot.moncv.com. Immédiatement reconnu par les monteurs de recherche, votre CV se positionnera cette fois en début de liste, ce qui vous permettra de mieux contrôler votre réputation numérique.
Plus de réactivité. Ces solutions payantes offrent aussi la possibilité de suivre le trafic sur sa page. Vous saurez, jour par jour, combien de visites elle a générées, DoYouBuzz permettant en outre de savoir quelles rubriques ont été consultées. Vous pouvez ainsi évaluer l’attractivité de la page dans son ensemble ou d’un module en particulier, et les modifier en conséquence. En somme, vous gagnez en réactivité. Le CV en ligne n’a d’ailleurs d’intérêt que si vous le faites évoluer régulièrement. Seule limite : vous ne savez pas qui le consulte (de simples curieux en quête d’idées pour leur propre document ou des employeurs potentiels, susceptibles de vous contacter). Sur Viadeo, cette information est connue, puisque ceux qui ont accès à votre page sont membres du réseau.
Liens multiples. A première vue, un CV en ligne ressemble à s’y méprendre à un CV classique : on y retrouve les rubriques « Expériences professionnelles », « Compétences » ou « Formation ». En réalité, il va beaucoup plus loin, car il autorise l’ajout de contenus dans chaque partie. Toute expérience, même évoquée en une seule phrase, peut être approfondie par le recruteur en cliquant sur un lien. De même, pour illustrer vos compétences ou vos réalisations professionnelles (conduite d’un projet stratégique, lancement d’une campagne de pub), vous pouvez ajouter des liens Internet, des photos, des vidéos (ne dépassez pas trois minutes) ou des fichiers MP3. Comme vous n’avez pas à les intégrer dans le corps du document, votre CV reste aéré et ne pèse pas trop lourd. Attention toutefois au manque de visibilité : sélectionnez les liens réellement utiles ou qui sans concerner directement votre quotidien professionnel donneront envie de vous rencontrer (l’adresse de votre blog ou de votre page My-Space). En revanche, il n’est pas encre possible d’inclure dans votre CV en ligne les recommandations de collègues ou d’anciens employeurs (alors que des réseaux comme Viadeo et LinkedIn le permettent).
Astuces de mise en page. L’intérêt de cette nouvelle génération de CV tient aussi à ses ressources en matière de présentation : vous pouvez choisir les couleurs, le fond (neutre, avec effet de relief…) ou la façon de disposer les rubriques. La forme retenue doit donner une idée de vos goûts ou de votre tempérament. Si vous exercez un métier créatif, sachez attirer le regard par une mise en page innovante. En revanche, si vous êtes comptable ou informaticien, il paraîtra logique d’opter pour une présentation sobre (sans pour autant tomber dans les couleurs ternes, comme le bleu IBM ou le vert foncé). Sur DoYouBuzz, une rubrique permet de se différencier et de se montrer plus accrocheur : le résumé placé au-dessous de la photo. Bien troussées, ces quelques lignes peuvent conférer une vraie personnalité à votre CV. Autre astuce, l’emploi de « tags » sur la partie haute, à côté de votre nom. Il s’agit de mots-clés qui vous résument et attirent l’attention : « HEC », « L’Oréal », « chef de projet »… Là encore, évitez les excès d’originalité : un CV trop « flashy » dans la forme pourrait déconcerter des employeurs un peu classiques.
CVthèques. Une fois votre document créé, vous pouvez décider de sa publication sur les sites emploi de votre secteur d’activité. Les CVthèques étant très utilisées par les recruteurs comme outil de sourcing, cela peut se révéler précieux. Pour l’instant, seul moncv.com propose ce service (publication possible sur recrut.com, sourcea.fr…) DoYouBuzz, devrait suivre dans les prochains mois. Enfin, si vous avez choisi l’option payante de DoYouBuzz, votre CV pourra être traduit et consulté en plusieurs langues (anglais, allemand, espagnol…). Pratique, lorsqu’on a un profil international.
Certaines fonctionnalités facilitent la mise en relation entre la personne qui consulte votre CV et vous-même. Ainsi, sur DoYouBuzz, un formulaire de contact permet à n’importe quel internaute de vous adresser, en cliquant simplement sur l’icône, un message sur votre boîte e-mail. Autre détail très pratique pour vos visiteurs : s’ils impriment votre CV, il ne sortira que sur une page, quelle que soit sa taille.
Utile aussi en interne. Mis en ligne, ce document va améliorer votre visibilité à l’extérieur mais aussi à l’intérieur de l’entreprise. Si votre boss recherche des informations sur vous, l’annuaire maison, souvent succinct, ne lui apprendra pas grand-chose. Il y fort à parier qu’il ira sur le Net. Un CV en ligne riche et accrocheur constituera alors un plus. A condition d’avoir bien précisé, dans la rubrique « Situation professionnelle », que vous êtes « en poste » et non « en recherche active ».
Après une fusion, je me retrouve en doublon
A deux sur un même poste ? Le temps que la situation se décante, mieux vaut coopérer avec votre homologue. Car lui et vous avez un intérêt commun : préserver la suite de votre carrière.
Lorsque deux entreprises fusionnent, les postes en doublon se multiplient inévitablement. Or les tandems ainsi créés n’ont a priori pas vocation à durer, surtout dans les métiers du siège comme les finances, les RH, l’informatique… Au bout de quelques mois, l’un des deux collaborateurs est généralement remercié ou « appelé à d’autres fonctions ». Dans ce type de situation, plutôt inconfortable, il convient d’observer certaines précautions afin de passer ce cap difficile et de préserver la suite de sa carrière.
Evitez toute prise de position intempestive
Entre l’annonce de la fusion et le jour où l’on connaît la nouvelle répartition des responsabilités, il peut s’écouler des mois. Un laps de temps pendant lequel les rumeurs en tout genre vont bon train. Dans cette ambiance délétère, évitez d’étaler vos états d’âme devant la machine à café. Gardez la tête froide : ce n’est pas le moment d’exprimer des prises de position définitives qui pourraient vous desservir lorsqu’il faudra défendre votre poste ou solliciter une mobilité en interne. Profitez de cette période pour laisser traîner vos oreilles et glaner un maximum d’informations. Renseignez-vous sur la façon dont s’est passée la dernière fusion dans votre secteur : comment s’est organisée la nouvelle entité ? Quels ont été les postes les plus menacés ? Quand SFR a absorbé Neuf Cegetel, ce sont surtout les filières techniques et les fonctions « supports » (RH, informatique, comptabilité qui ont été touchées. A l’inverse, au marketing, des postes ont été créés. Après tout, votre activité a peut-être la faculté d’absorber sans heurt ces doublons ? Si votre PME de biotechnologies est convoitée par un grand groupe pharmaceutique pour son savoir-faire scientifique, vous et votre équipe d’ingénieurs avez toutes les chances d’en sortir indemnes. Même diagnostic dans le domaine des réseaux sociaux ou des jeux vidéo.
Faites preuve d’un état d’esprit constructif
Si l’arrivée de votre homologue se confirme, ne paniquez pas, même si vous craignez pour votre poste maintenant que vous connaissez le pedigree détaillé de votre « rival ». La perception que vous avez de la situation n’est pas forcément objective : vous sous-estimez certainement l’expérience ou le savoir-faire qui font votre valeur ajoutée. N’essayez surtout pas de torpiller celui que vous percevez comme un intrus. En tentant d’écraser le gêneur, vous risquez de vous placer dans une position intenable. Comme ce responsable commercial d’un groupe pharmaceutique, vite dépassé par le conflit qu’il avait déclenché, et qui a finalement dû quitter l’entreprise dans de mauvaises conditions. Or rater sa sortie peut durablement plomber une carrière. Même en admettant que vos coups tordus aient raison du concurrent, vous le paierez tôt ou tard. Bien sûr, vous savez que cette situation ambiguë ne va pas durer, mais cela ne doit pas vous interdire de faire preuve d’un état d’esprit constructif et de bonne volonté. Quand la direction fera son choix, elle n’aura rien à vous reprocher. Et si vous devez abandonner ce poste, vous serez plus à l’aise pour négocier une solution en interne. La coopération doit donc être votre mot d’ordre : sans pour autant livrer tous vos secrets, partagez les informations et privilégiez le dialogue. Idéalement, vos deux bureaux devront être proches pour faciliter cette proximité.
Jouez la carte de la complémentarité
Pas simple de fonctionner à deux sur un même poste. Et pourtant, c’est le choix effectué par ces managers du secteur de la finance qui ont passé dix-huit mois en « frères siamois », après le rapprochement de leurs établissements bancaires. Sans chercher à devenir les meilleurs amis du monde, ils se sont enrichis de leurs expériences mutuelles. Ils ont réussi à impliquer leur hiérarchie dans cette coopération intelligente. Et l’impact a été très positif sur leurs résultats. Finalement, l’un est resté à son poste et l’autre a été promu à l’international. Inspirez-vous de cette démarche pour jouer la complémentarité : vous éviterez ainsi de vous marcher sur les pieds. D’où l’intérêt de connaître le profil de votre homologue avant qu’il ne débarque. Le partage des rôles n’en sera que plus aisé. A l’un le terrain, à l’autre la gestion et le suivi des tableaux de bord, par exemple. Plus la complémentarité sera évidente, plus vous en tirerez profit dans certaines circonstances. Votre alter ego est très à l’aise pour intervenir en public ? Si ce n’est pas votre point fort, observez son comportement et ses méthodes, vous ferez des progrès dans ce domaine. De même, imaginons que vous ayez un parcours international et l’expérience des grands groupes et lui une connaissance approfondie des PME implantées en région : en coopérant, vous apprendrez beaucoup sur le management des équipes locales.
Accentuez votre marketing personnel
Durant cette période à l’issue incertaine, ne vous laissez pas paralyser par l’enjeu. Il est indispensable de continuer à vous mettre en avant auprès de votre hiérarchie, comme vous le faites (idéalement) en temps normal. Cette année, malgré une conjoncture difficile, votre équipe a atteint ses objectifs commerciaux ? Saisissez toutes les occasions formelles (séminaire, entretien annuel) ou informelles pour le rappeler à votre direction ou à la DRH. Ne tombez surtout pas dans le piège consistant à dénigrer le concurrent. Cette réaction négative serait, tôt ou tard, comptée à votre débit. Votre marketing personnel doit au contraire s’appuyer sur des éléments positifs et tangibles qui vous concernent, vous individuellement (actions menées et résultats obtenus).
Prenez les devants en cas de tensions
Si des tensions surviennent, ne laissez pas pourrir la situation. Prenez un rendez-vous le plus rapidement possible avec votre hiérarchie ou les RH. Le mieux consiste à jouer la transparence sur les problèmes rencontrés, quitte à dresser un constat d’échec. C’est le moment ou jamais de mettre sur table vos projets d’évolution dans la société : redéfinir vos responsabilités, redistribuer le portefeuille des clients, proposer de nouvelles conditions de travail… Cette attitude positive aura toutes les chances de payer. En revanche, inutile de faire le dos rond, tout en cherchant en catimini un nouveau job. Vous n’aurez ni le temps ni l’énergie nécessaire pour le trouver, et c’est l’employeur qui prendra finalement une décision, bonne ou mauvaise pour vous. Si vous n’êtes pas maintenu dans vos fonctions, plus tôt vous aurez joué le jeu, sans de conflit, plus il vous sera facile d’envisager des solutions en interne. et n’oubliez pas : presque toujours, une entreprise est amenée à garder un manager plutôt qu’un autre à partir de critères qui ne sont pas liés à sa valeur professionnelle, mais à son cursus antérieur, à sa compatibilité avec la nouvelle ligne hiérarchique ou à son âge.
E-mail : sept règles pour rester poli
Parce qu’il permet des échanges quasi instantanés, nous utilisons souvent cet outil de manière expéditive, au risque de heurter nos correspondants. Les usages à respecter pour ne plus commettre d’impairs.
Présentation, vouvoiement, salutations… Les règles élémentaires de politesse s’appliquent évidemment aussi sur Internet. Mais il existe en outre des usages et des nuances spécifiques à ce média, tant dans la forme que dans le fond. Après enquête, Yahoo ! a établi la liste des pratiques honnies des internautes, parmi lesquelles figurent en bonne place l’utilisation du langage abrégé (type SMS), l’envoi d’un même e-mail à plus de cinq personnes, l’emploi systématique des majuscules ou encore la présence d’un accusé de réception. Le respect des sept règles suivantes devrait vous éviter de commettre de gros impairs ou de voir vos e-mails partir directement à la corbeille.
- Evitez le langage SMS et l’excès d’abréviations
Internet exige une écriture claire et soignée : ne rédigez pas en mode texto sous prétexte que les échanges d’e-mails s’effectuent souvent de manière quasi instantanée. L’enquête de Yahoo ! place cette mauvaise habitude en tête de la liste des pratiques à proscrire (elle est jugée rédhibitoire par 22% des personnes interrogées). Evitez les messages du type : « kes kon fé 2m1Ru tjs OK » (traduction : « Que fait-on demain ? La réunion est-elle maintenue ? »). Internet restant le média de la concision, vous pouvez, avec les collègues que vous connaissez bien, vous permettre quelques abréviations comme @+ (« à plus tard »), asap (« as soon as possible ») ou fyi (« for your information »). Avant d’envoyer le message, relisez-le attentivement : une fois parti, impossible de le rattraper. Vérifiez surtout l’orthographe… et la liste des destinataires.
- Titrez vos messages et rédigez avec concision
Envoyer un e-mail sans se donner la peine de remplir la rubrique « objet » est une pratique trop répandue, qui agace beaucoup d’internautes. A juste titre. L’objet d’un e-mail, c’est le coup de sonnette inattendu à votre porte d’entrée : si votre interlocuteur ne vous explique pas dès les premiers mots les raisons de sa visite, vous perdez patience. Il faut donc que l’intitulé soit clair, précis et court (trop long, il ne s’affichera pas intégralement). La solution idéale consiste à résumer le contenu de l’e-mail en deux ou trois mots-clés (exemple : « Réunion du 10 février »). Ou à rédiger une phrase courte, n’excédant pas une dizaine de mots (« Je ne peux assister à la réunion du 10/2 »). Bref, pour être efficace, il faut faire court. Appliquez également ce principe au corps du texte en ne développant qu’une idée par paragraphe. Et à la conclusion, en choisissant une formule de politesse concise. Sur Internet, les formules ampoulées du type « Je vous prie de recevoir, Monsieur… » ne sont pas de mise. Un simple « Cordialement » ou « Bien à vous » suffira.
- Montrez-vous explicite et transparent
Si vous contactez quelqu’un pour la première fois, expliquez-lui comment vous avez obtenu son adresse e-mail (on vous l’a donné, vous l’avez trouvé sur un site…). Par ailleurs, lorsque vous écrivez depuis un terminal mobile (Black-Berry ou iPhone), précisez-le. Comprenant que vous êtes absent du bureau, peut-être entre deux rendez-vous, votre correspondant sera plus enclin à vous pardonner la brièveté de vos messages (et éventuellement les fautes de frappe). Enfin, si vous joignez des documents, soulignez-le dans un post-scriptum afin d’attirer l’attention de votre correspondant. Très souvent, en effet, les pièces jointes passent à la trappe sans avoir été remarquées.
- Envoyez des messages ciblés et personnalisés
Sur Internet, la tentation est grande d’envoyer des messages à un grand nombre de destinataires. Quelques clics suffisent. Certaines messageries en font même un argument de vente (« Envoyez le même message à cent destinataires »). Grossière erreur : il vaut lieux rédiger des messages personnalisés que des missives groupées et impersonnelles. Et en abusant des « Cc » (copie carbone), vous dérangez tout le monde. Transposée dans le réel, la copie carbone revient à débouler dans open space en hurlant à la cantonade ! Si vous n’avez pas le choix, préférez le champ « Cci » (copie carbone invisible), en sélectionnant les destinataires prioritaires. Enfin, interdisez-vous de faire suivre les appels à solidarité et les informations à sensation. Vous encombreriez les boîtes e-mails de vos correspondants pour rien : neuf fois sur dix, ce sont des messages bidon ou des e-mails infectés. En cas de doute, le site www.hoaxbuster.com recense les fausses informations et les vraies arnaques circulant sur la Toile.
- N’abusez pas des traits d’humour
Faire sourire, pourquoi pas ? Mais n’est pas drôle qui veut. Pas de soucis avec les collègues que vous connaissez bien. Dans les autres cas, méfiez-vous : vos saillies pourraient tomber à plat. Par écrit, vous n’avez pas, comme en tête à tête ou par téléphone, la possibilité de corriger le tir en fonction des réactions, ni celle de vous excuser. Pour souligner vos plaisanteries, utilisez donc les smileys (;-)) avec votre entourage professionnel proche. Et si vous ne connaissez pas votre correspondant, abstenez-vous : on n’écrit pas dans un e-mail ce que l’on ne dirait pas de vive voix à quelqu’un. Internet réclame un minimum de prudence.
- Ne rudoyez pas votre destinataire
Comme dans une conversation classique, il convient de ne pas hausser le ton dans un e-mail. Or, par convention, les majuscules servent à crier, à GUIRLANDER quelqu’un. On comprend que leur utilisation fréquente agace 16% des internautes. Autre source d’exaspération : les demandes d’accusé réception. Leur emploi systématique est perçu comme une façon de forcer la main de ses correspondants. Pensez à désactiver l’onglet « Confirmation de lecture » dans les options de votre messagerie. Si votre courrier exige une réponse, indiquez RSVP (« répondre s’il vous plaît ») dans l’objet. Toujours dans le souci de ne pas irriter votre correspondant, utilisez le marquage (« pour info », « urgent », etc.) avec sobriété : si tout est prioritaire, plus rien ne l’est.
- Demeurez zen en attendant la réponse
Ne harcelez pas un correspondant pour obtenir une réponse immédiate. Un retour dans la demi-journée reste un délai acceptable, surtout lors d’un premier contact. Tenez compte du fait que votre interlocuteur est certainement soumis à des contraintes que vous ignorez. De votre côté, lorsque vous avez besoin de temps pour répondre à un message, accusez en réception et prévenez votre correspondant qu’il risque d’attendre un peu sa réponse. Enfin, ne perdez pas de vue qu’un e-mail peut se perdre dans les méandres du réseau. Si votre message est vraiment de la plus extrême importance, vérifiez auprès de votre interlocuteur qu’il l’a reçu en lui passant un coup de fil. Tout simplement.
En déplacement, assurez le suivi de vos dossiers
Vous éloigner du bureau vous donne des sueurs froides ? Nos conseils pour piloter à distance les affaires courantes.
sur deux se plaint du stress engendré par les déplacements, nous apprend une enquête européenne réalisée en 2009 par la SSII Easy-net. Et cette inquiétude est souvent accrue par la nécessité de continuer à gérer les affaires courantes : il faut manager son équipe à distance, traiter les urgences, faire avancer les dossiers pour ne pas se trouver débordé au retour. Si vous n’êtes pas accompagné d’un collaborateur capable d’assurer ce suivi à votre place, n’hésitez pas à solliciter les interlocuteurs qui vous accueillent : il n’est pas rare qu’ils puissent mettre une secrétaire ou un stagiaire à votre disposition le temps de votre séjour. Mais que vous bénéficiez ou non d’un renfort, vous avez intérêt à vous appuyer sur de rigoureux principes d’organisation.
Critères de tri. Déterminez d’abord les dossiers que vous suivez personnellement, ceux qui seront confiés à une personne de votre service et ceux qui peuvent attendre votre retour. Opérez cette sélection selon des critères précis : nom de l’interlocuteur, nature de la demande et couchez vos instructions par écrit. C’est le meilleur moyen d’éviter un loupé : plainte d’un client, réponse tardive à un appel d’offres… Chez Philips, les responsables grands comptes se rendent disponibles en permanence grâce à l’activation d’un renvoi d’appels. Ils filtrent ainsi les sollicitations et ne sont jamais absents pour leurs « clients rois ». En revanche, les collaborateurs de Coutot-Roehrig, leader européen des enquêtes généalogiques, se concentrent sur leurs missions lorsqu’ils sillonnent une région pendant une semaine. Ce sont les responsables de recherche qui suivent les dossiers en leur absence. A leur retour, ils les passent en revue ensemble.
Même si vous avez choisi d’assurer l’essentiel du suivi, prévoyez des points réguliers avec un collaborateur resté sur place. Lors de ces rendez-vous téléphoniques dont l’heure aura été fixée d’avance, de préférence en début ou en fin de journée, sondez cette personne sur les événements, même mineurs, survenus en votre absence. Veillez par ailleurs à ce qu’elle dispose ainsi que vous-même d’un logiciel du type Team Vewer. Vous pourrez ainsi accéder à distance aux données qu’elle aura centralisées pour vous sur son ordinateur ou télécharger des fichiers trop lourds pour qu’elle vous les envoie par e-mail.
Mode segmenté. Enfin, il vous faudra changer votre façon de travailler et adopter un mode « segmenté ». En effet, les attentes dans les salles d’embarquement ou avant un rendez-vous suscitent une foule de temps morts que vous pourrez mettre à profit pour faire avancer vos dossiers. Il est possible aussi, en dernier recours, de grappiller une heure de-ci de-là en « séchant » une réunion qui vous concerne moins ou en écourtant votre présence lors d’un dîner peu stratégique (sans oublier, bien sûr, de prévenir que vous ne resterez pas jusqu’au dessert). Mais veillez surtout à relâcher la pression de temps à autre : pour demeurer efficace lors de ces voyages, il faut savoir prendre du plaisir et décompresser.
Quand un salarié doit-il dénoncer une infraction ?
Pour inciter leurs collaborateurs à signaler les agissements répréhensibles, certaines entreprises mettent en place des systèmes d’alerte.
La lutte contre la corruption et les délits financiers ne justifient pas tout, et cette traque doit rester précisément encadrée. C’est ce que la Cour de cassation vient de signifier à la société Dassault Systèmes dans un arrêt rendu le 8 décembre dernier. En effet, rappelle la Cour, les systèmes d’alerte réservés aux salariés concernent uniquement les infractions commises dans les domaines financiers, comptables et bancaires. Or l’électronicien avait ajouté à cette liste le harcèlement moral et sexuel, ainsi que les « atteintes à la propriété intellectuelle mettant en jeu l’intérêt vital de l’entreprise ». Une telle extension aurait été légale si elle avait été déclarée préalablement à la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés). Une obligation que l’industriel avait omis de respecter.
A contrario, quelques mois plus tôt, la Cnil avait validé le système d’alerte que lui soumettait Eiffage. Ce groupe de BTP disposait déjà d’une charte de bonne conduite, mais souhaitait aller plus loin en introduisant un droit d’alerte limité expressément aux comportement anticoncurrentiels, aux actes de corruption et aux abus de confiance. La Cnil a accédé à sa requête (délibération du 16/7/2009). D’abord appliqué dans l’Hexagone, ce système a vocation à s’étendre aux filiales européennes d’Eiffage. Ce type de démarche reste encore très minoritaire en France et ne concerne que de grands groupes, tant tout ce qui s’apparente à une dénonciation provoque, chez nous, des réactions épidermiques. Mais la donnée pourrait évoluer rapidement car, du fait de la crise, les salariés se préoccupent davantage de la bonne gestion de leur entreprise.
Coup de sifflet. L’impulsion est venue d’outre-Atlantique. Après les scandales Enron et WorldCom, les Etats-Unis ont en effet décidé de légaliser les dénonciations de fraudes dans les entreprises. Baptisée « whistleblowing » (littéralement « coup de sifflet »), cette pratique a été favorisée dans le cadre de la lutte contre la corruption. Depuis 2002, la loi dite Sarbanes-Oxley Act impose aux entreprises cotées à New York et à leurs filiales à l’étranger d’élaborer en interne des « Codes of Ethics » et des systèmes d’alerte.
Ce texte contraint donc les filiales françaises d’entreprises américaines à mettre en place ces whistleblowing ou ces systèmes d’alerte professionnelle. Pour préciser la façon dont ces règles de droit américaines peuvent s’appliquer en France, la Cnil a rédigé en 2005 un guide de procédures (www.cnil.fr). Elle exige d’abord que les entreprises déclarent l’instauration d’un tel système. A ce jour, 1346 déclarations ont été déposées. Ensuite, la Cnil demande qu’on rappelle aux salariés de ces filiales que l’alerte professionnelle n’est pas une obligation, une incitation à l’utiliser est admise, mais aucune contrainte ne doit peser sur les collaborateurs. Le recours au whistleblowing est donc subsidiaire : il ne doit venir qu’en complément des autres voies d’information dans l’entreprise (structure hiérarchique et institutions représentatives du personnel). Dans le souci de responsabiliser les « dénonciateurs », la Cnil préconise d’éviter l’anonymat. Les salariés doivent aussi être informés que, s’ils actionnent le système d’alerte abusivement, ils encourent des sanctions disciplinaires. En revanche, une fausse alerte diffusée de bonne foi exonère de toute sanction. Ce sera alors aux tribunaux de fixer la ligne jaune entre « abus » et « bonne foi ». Enfin, l’alerte professionnelle doit être gérée en toute confidentialité par des professionnels formés (généralement à la DRH) ou sous-traitée à des entreprises spécialisées (le plus souvent via un système de hot lines et de plates-formes Internet).
A ce jour, toutefois, aucun texte du Code du travail n’oblige un salarié à dénoncer ce qui se passe dans son entreprise. Ainsi, garder le silence face à des agissements répréhensibles ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement. Mais cela ne signifie pas qu’il faille rester bouche cousue. En effet, la loi impose aux citoyens, et donc naturellement aux salariés, de révéler tout crime ou délit aux autorités (article 434-1 du code pénal). Si un employé découvre une infraction comme des pots-de-vin, un chiffre d’affaires truqué, la vente de secrets de fabrication à la concurrence, il doit porter ces agissements à la connaissance du procureur de la République, de l’inspecteur du travail ou d’une autorité administrative compétente (Autorité des marchés financiers, Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité…). En outre, certains professionnels ont l’obligation de dénoncer les infractions qu’ils constatent. C’est le cas des officiers publics et des fonctionnaires (article 40 du Code de procédure pénale). De même, les banquiers, les assureurs et les agents immobiliers doivent communiquer à Trac fin (www.tracfin.minefi.gouv.fr), la cellule française de lutte anti- blanchiment, leurs soupçons liés à ce délit. De son coté, un auditeur est tenu de signaler aux autorités les dysfonctionnements qu’il découvre à l’occasion de son activité, à commencer par les infractions à la législation fiscale, sociale ou commerciale.
Propos diffamatoires. Crimes et délits doivent donc être obligatoirement dénoncés. Dans une telle hypothèse, tout salarié peut être amené à désobéir à son supérieur hiérarchique sans encourir de sanctions (Cass. Soc., 15/7/1955 : en l’espèce, il était question d’une fausse déclaration fiscale de salaires). Ainsi, un collaborateur qui refuse de se prêter à des pratiques répréhensibles et frauduleuses, voire illégales, désobéit légitimement à son employeur. Il ne peut être licencié de ce fait. Dès lors, un salarié n’est pas forcé d’obtempérer lorsqu’on lui ordonne, par exemple, de mentir ou de se taire pour étouffer un délit. Outre ces cas où le salarié a l’obligation de parler, il en existe d’autres où la décision de prévenue les autorités est laissée à sa libre appréciation, lorsque cela sert son intérêt, par exemple, ou s’il estime utile la manifestation de la vérité. Ainsi, en vertu du principe de liberté d’expression (article L.1121-1 du Code du travail), toute personne travaillant dans une entreprise a le droit de dénoncer des pratiques ou des comportements qu’elle juge anormaux. Seule limite posée par la loi : la tenue de propos injurieux ou diffaamatoires. A cet égard, une dénonciation mensongère peut entraîner le licenciement. Mais le Code du travail pointe deux situations où le dénonciateur ne peut être ni sanctionné ni licencié : le harcèlement moral (article L.1152-2) et les discriminations (article L.1132).
Attention ! Si vous dénoncez un délit, préservez-en les preuves
En 2008, la Cour de cassation a rendu un arrêt qui a retenu l’attention (Cass. soc, 21/5/2008). Un informaticien avait repéré des images à caractère pédopornographique sur l’ordinateur d’un client. Il avait détruit ces images, rendu l’ordinateur réparé à son propriétaire, puis averti son employeur. Ce salarié a été licencié pour faute grave. Saisie, la Cour de cassation a confirmé le bien-fondé du licenciement. Dans cette affaire, les juges ont noté que le salarié avait lui-même commis un délit en détruisant les preuves d’un crime et en n’avertissant pas les autorités judiciaires de ce qu’il avait découvert (article 227-23 du Code pénal). Une attitude qui a « mis l’employeur en difficulté », ce qui constitue une faute grave.
Harcèlement : des méthodes de management en accusation
Pour la première fois, la Cour de cassation reconnaît que certaines méthodes de management peuvent être préjudiciables à la santé mentale d’un salarié (Cass. soc. 10/11/2009).
Après la vague de suicides chez France Télécom, certaines techniques de management ont été montrées du doigt. Or un arrêt de la Cour de cassation, rendu le 10 novembre dernier dans le cadre d’une autre affaire, a fait évoluer la jurisprudence. Et ces méthodes pourraient désormais être assimilées par la justice à du harcèlement moral.
A l’issue de plusieurs arrêts maladie, un salarié d’une association avait été déclaré par le médecin du travail inapte à tout poste impliquant des contacts avec le directeur de l’établissement. Licencié en raison de cette inaptitude, le salarié avait alors saisi les prud’hommes afin d’obtenir des dommages et intérêts pour préjudice moral. Il reprochait à son directeur ses méthodes de gestion : celui-ci l’ignorait carrément certains jours, communiquait avec lui transmettait aucune instruction alors qu’il en donnait à l’un de ses subordonnés, etc. Des collègues s’étaient plaints d’attitudes similaires.
La cour d’appel de Grenoble a annulé le licenciement, considérant qu’il trouvait sa source dans un harcèlement de la part du directeur. L’employeur a alors porté l’affaire devant la Cour de cassation : d’après lui, une méthode de gestion du personnel consistant notamment à transmettre des directives par le biais de tableaux d’objectifs à compléter ne pouvait caractériser un harcèlement moral.
La haute juridiction a énoncé à cette occasion la solution suivante : « Les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique peuvent caractériser un harcèlement moral, dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel. » Elle a retenu que le directeur soumettait ses équipes à une pression constante et que son attitude se traduisait par la mise à l’écart du collaborateur licencié et par une absence de dialogue. Le tout ayant entrainé l’état dépressif à l’origine des arrêts maladie. En l’occurrence, la reconnaissance du harcèlement est d’autant plus aisée pour la Cour de cassation qu’elle n’exige pas l’existence d’une intention de nuire pour qualifier les agissements.
Vie privée : les fichiers personnels doivent être clairement désignés comme tels
Dès lors qu’un salarié ne les a pas clairement désignés comme étant personnels, ses fichiers informatiques sont présumés avoir un caractère professionnel et peuvent à ce titre être consultés par son employeur (Cass. soc, 21/10/2009).
Par principe, un salarié a droit, sur son temps et son lieu de travail, au respect de sa vie privée. Il peut en conséquence stocker sur son ordinateur des fichiers à caractère personnel, que l’employeur n’a pas le droit d’ouvrir en son absence.
Dans l’affaire qui a motivé l’arrêt de la Cour de cassation, un salarié, prénommé Jean-Michel, avait été licencié pour faute lourde : il avait nui à son entreprise en créant une structure concurrente, la société Marteau. Afin d’obtenir des preuves, l’huissier avait ouvert, dans l’ordinateur de Jean-Michel, un dossier « Marteau ». Le salarié contestait son licenciement en soutenant que les preuves avaient été obtenues illégalement, les fichiers ouverts en son absence étant personnels. Selon lui, le lien entre la mention « JM » et son prénom était évident, et l’ensemble des documents de ce dossier devrait être considéré comme personnel. La haute juridiction lui a donné tort. Les salariés sont désormais prévenus : il leur appartient de regrouper leurs fichiers personnels dans un dossier mentionnant expressément le terme « personnel ».
Discrimination : quand Mohammed devient Laurent
Demander à un collaborateur de changer de prénom peut être discriminatoire (Cass. soc. 10/10/2009).
Salarié d’une maison de retraite, Mohammed avait accepté lors de son embauche de se faire appeler Laurent. Deux ans plus tard, il porte l’affaire devant les tribunaux et réclame des indemnités pour discrimination. Il est d’abord débouté par la cour d’appel. Mais la haute juridiction casse cette décision : l’exigence d’un tel changement est de nature à constituer une discrimination en raison de l’origine. Il appartenait à l’employeur de prouver que sa décision était justifiée par d’autres éléments objectifs, ce qu’il n’a pu faire en l’occurrence.
Savez-vous vous entourer des meilleurs ?
Il n’est de réussite que collective. Un manager doit donc choisir avec soin les équipiers qui viendront l’épauler.
Sacrifié pendant les années 1980-1990 sur l’autel de la performance et de la réussite individuelle, l’esprit d’équipe redevient une priorité pour tout manager. Simple retour du balancier ? Mieux que cela, une vraie tendance de fond. La crise a remis le collectif à l’honneur : plus que jamais ; le succès (ou l’échec) se joue à plusieurs. Dans tous les domaines, recherche et développement, négociation internationale, fusion-acquisition, on voit intervenir des équipes de plus en plus étoffées. Pour diriger de telles « task forces », il faut des hommes compétents, enthousiastes, capable d’apaiser les tensions et de fédérer les énergies.
Souvenons-nous des paroles de Henry Ford, le constructeur automobile : « Se réunir est un début ; se supporter mutuellement est un progrès ; travailler ensemble est une réussite. » Saurez-vous appliquer cette maxime dans votre équipe ? Ce test vous le dira.
Pour chaque situation, identifiez le comportement qui vous correspond le mieux
Quand je dois recruter un nouveau collaborateur :
A. Je le choisis en fonction de mes affinités personnelles. B. Je recherche en priorité des compétences et des talents complémentaires à ceux de l’équipe.
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Ma « dream team » pour une opération spécialement délicate :
A. Elle est soudée, bien rodée et tourne toute seule. B. Elle reste ouverte au monde extérieur, toujours à l’affût de ce qui pourrait venir la renforcer. |
Quand il y a un problème à régler, une décision à prendre :
A. Je m’informe, je réfléchis, puis je tranche au plus vite. B. Je réunis tout mon monde pour sonder les sentiments de l’équipe, je passe quelques coups de fil à des spécialistes. |
Si je sens un désaccord autour de moi :
A. Je n’en tiens pas compte ; l’essentiel, c’est d’avancer. B. J’encourage chacun à exprimer ses différences. |
Quand un membre de l’équipe a des difficultés dans son travail :
A. Je le laisse se débrouiller pour voir de quoi il est capable. B. J’ m’efforce plutôt de l’aider (suivi, participation active, approbation, remise en question si nécessaire). |
Si je sens qu’une situation ou un débat risque de déraper :
A. Je trouve préférable de crever l’abcès. B. Je cherche à recréer du consensus pour éviter le conflit. |
Dans le travail au quotidien :
A. A tout prendre, je préfère que ça ronronne dans le service (au moins, ça permet d’éviter les drames et les crises). B. Je trouve normal qu’il ait des tensions entre les gens. |
Quand je dois prendre une décision stratégique :
A. Je me préoccupe d’abord des recommandations ou des suggestions de ma hiérarchie. B. Je tiens compte de l’opinion de chaque collaborateur. |
En cas de pilule difficile à avaler pour l’équipe :
A. J’impose la décision, sur le thème « C’est comme ça, on ne peut pas faire autrement… ». B. J’essaie plutôt d’argumenter pour emporter l’adhésion. |
Pendant mes absences (déplacements, vacances…) :
A. Le travail reste en plan ; à mon retour, je dois systématiquement régler une multitude de problèmes. B. Chacun connaît son rôle, les dossiers avancent sans moi. |
Chaque fois que l’on réussit un joli coup :
A. J’encourage l’équipe à ne pas s’endormir sur ses lauriers. B. Je célèbre notre succès par une petite fête, en mettant l’accent sur la contribution de chacun et le succès collectif. |
Quand je dois organiser une réunion :
A. Je convoque tout le monde dans mon bureau. B. Je préfère un terrain neutre (bureau vide, cafétéria). |
Dans une entreprise qui tourne en rond :
A. J’estime que le respect des objectifs est la priorité absolue. B. Je trouve normal et même inévitable que les problèmes de personnes interfèrent de temps en temps avec le travail. |
Quand on démarre un projet :
A. Je veille à ce que chacun fasse bien son travail. B. Je passe du temps sur le terrain et vérifie personnellement que chacun a bien compris ce qu’on attendait de lui. |
En période de fortes secousses économiques :
A. J’attire l’attention de chacun sur les risques encourus. B. Je m’attache plutôt à mobiliser l’attention des uns et des autres sur les solutions, les opportunités. |
DECOUVREZ VOTRE PROFIL
Faites le total de vos réponses A et B, puis reportez-vous au profil correspondant.
- Vous avez obtenu moins de 7 B : vous ne vous fiez pas assez aux autres. Vous avez tendance à prendre vos équipes pour des pions, à négliger l’apport des fortes individualités. Ce comportement peut révéler une tendance autoritaire ou, au contraire, un caractère faible, qui encourage le conformisme de peur de relever les défis… En tout cas, vous n’êtes pas très doué pour animer un groupe. Comment corriger le tir ? En comprenant qu’il ne suffit pas d’accumuler les compétences pour constituer une équipe gagnante, mais qu’il faut aussi savoir conjuguer les talents. Et pour y parvenir, vous devez tout remettre à plat en commençant par répondre à ces quatre questions : on est là pourquoi ? Qui fait quoi ? Avec qui ? Et comment ?
- Vous avez obtenu de 8 à 10 B : vous pouvez mieux faire. Certes, vous savez faire tourner une équipe. Vous pouvez enregistrer des résultats satisfaisants, remporter des succès, mais, en cas de turbulences (conflits internes, difficultés extérieures…), vous risquez de plonger. Comment améliorer les choses ? en réaffirmant d’abord votre leadership : redéfinition des objectifs, des moyens, des étapes à respecter, coordination des tâches, délégation, contrôle… En misant ensuite sur la motivation : accorder sa confiance (pour obtenir le meilleur des autres, il faut les « soupçonner » du meilleur), aider à l’action, relever de nouveaux défis…
- Vous avez obtenu plus de 10 B : vous savez constituer et animer une équipe. Vous avez compris que, dans les organisations actuelles (plus agiles, plus mobiles), les relations hiérarchiques et autoritaires sont vouées à l’échec. Ce qui compte pour vous, c’est la motivation, la solidarité, la capacité à créer et à entretenir des rapports d’estime mutuelle. Mais vous savez aussi vous méfier des consensus mous, conscient que les frictions sont inévitables dans une équipe. Et indispensables à l’avancement du projet commun.
Six techniques pour surmonter ses angoisses
Le contexte actuel multiplie les motifs d’inquiétude. Voici des méthodes simples qui permettent de gérer son stress.
Pas facile d’avouer ses peurs. A fortiori dans le cadre professionnel, où elles sont immédiatement assimilées à de la faiblesse. Et pourtant, jamais l’inquiétude n’a été aussi forte dans l’entreprise. Crise économique, obsession de la performance, abandon des repères collectifs… Tout concourt à amplifier les tensions, à alimenter l’anxiété, à multiplier les motifs d’incertitude. Intervenir en public, perdre son job, prendre une décision, étrenner de nouvelles fonctions : nous sommes tous exposés à ces sources d’appréhension. Mais nous savons plus ou moins bien composer avec elles. Ponctuelle ou récurrente, légère ou proche de la panique, inhibitrice ou motrice, individuelle ou collective, la peur est une émotion qui se surmonte.
1 Savoir identifier les facteurs déclenchants
« J’ai pu commencer à dompter mes angoisses à partir du moment où je les ai acceptées ». Yann Gyssels, fondateur de Yakarouler.com, site marchand de pièces automobiles, a éprouvé le syndrome classique du primo-entrepreneur les premiers mois qui ont suivi la création de son entreprise. « Des fonds propres insuffisants, des débuts difficiles, une équipe envers laquelle on se sent redevable… J’avais la boule au ventre en permanence », témoigne-t-il. Pénible, mais peut-être bénéfique. La « trouille » est une émotion utile, voire salutaire. En jouant le rôle d’alarme contre le danger, le risque et l’adversité, elle nous maintient en état de veille. Mieux : elle nous rend attentif dans les situations d’apprentissage, met notre mémoire sous tension et nous mobilise en vue de l’action. A condition que nous soyons capables de l’accepter. « Reconnaître l’état de tension dans lequel on se trouve permet de reprendre en main la situation, analyse aujourd’hui Yann Gyssels. Après, seulement, on peut commencer à agir ». S’il était enfermé dans le déni, il y a fort à parier que sa peur aurait fini par le paralyser.
Admettre sa peur est un premier pas. Il faut ensuite en comprendre l’objet, sinon elle va s’autoalimenter, évoluer vers de l’angoisse, puis finir en panique. « Pour aider nos patients à comprendre ce qu’ils vivent, nous leur demandons d’effectuer un travail d’autoévaluation »explique Dominique servant, psychiatre au CHU de Lille. Lille. L’exercice consiste à repérer les points de fixation de l’anxiété et à en faire la liste. De quoi ai-je peur exactement ? De la mission dont on me donne la responsabilité ou de la personne qui me la confié ? D’être jugé ou d’échouer ? S’agit-il d’une appréhension ponctuelle ou récurrente ? Suis-je le seul à la ressentir ? Qu’est-ce qui la déclenche ? Comment s’exprime-t-elle ? Bref, il faut nommer ce dont on a peur et préciser ce qui provoque cette crainte pour qu’elle cesse d’être une émotion diffusée sur laquelle on n’a aucune prise.
2 ‘’Défusionner’’ d’avec sa peur pour relativiser
Dépersonnaliser les enjeux pour se focaliser sur les dimensions objectives et techniques : cette recette, Pierre l’a appliquée alors que ? Cadre dirigeant dans l’événementiel, il s’est trouvé confronté à la « panique de sa vie ». Son entreprise était mise en cause pour travail dissimulé. Invitée à venir se défendre dans une émission télévisée, sa direction l’a désigné comme porte-parole. Une « chance » qu’il a mal vécue. Car même si le délit reproché n’était pas le fait de sa société mais celui d’un sous-traitant, il était bien conscient de servir de bouclier à une hiérarchie incapable d’assumer ses responsabilités en montant elle-même au front. Du coup, il était tétanisé par le trac. Heureusement, coaché par la directrice de la communication et l’avocat de l’entreprise, il a réussi à dominer sa peur. « pour chaque question susceptible d’être posée par les journalistes, je devais apprendre à multiplier les registres de réponse juridique, moral, social, économique…Savoir que j’avais réponse à tout atténuait déjà mon angoisse. Mais il s’agissait aussi de garder de la distance : pour cela, je me suis attaché à la tactique, à la rhétorique et à l’argumentation. » Cette approche est la bonne, insiste Pascal Domont, coach et dirigeant du cabinet Humain K : « Il faut ‘’défusionner’’ d’avec sa peur si l’on veut se débarrasser de toute surcharge émotionnelle. Prendre du recul permet aussi de considérer la situation sous d’autres angles et de relativiser. »
3Exprimer ouvertement ses appréhensions
Dès lors qu’on a mis un peu de distance entre soi et sa peur, la parole peut se libérer. La verbalisation est sans doute le moyen le plus efficace de surmonter son anxiété et d’en limiter les dégâts « collatéraux », la honte, la culpabilité, la prostration. Isabelle, manager à la direction des ressources humaines d’une entreprise de 5 000 salariés, en est un bon exemple. Depuis six mois, elle subit un véritable harcèlement moral de la part de sa nouvelle patronne. « Je suis plutôt
solide et l’on me reconnaît une certaine autorité. Jamais je n’aurais imaginé aller travailler la trouille au ventre », témoigne-t-elle. Cette peur qui l’envahissait, elle a longtemps été incapable d’en parler à qui que ce soit, amis, collègues ou médecin du travail. Pas même à son mari. Un jour, elle a compris que ses trois collaboratrices directes subissaient la même situation qu’elle. Les quatre femmes ont alors commencé à se parler. « J’ai enfin pu verbaliser ma peur, avec des personnes qui me comprenaient. » Faire part de son problème a des effets vertueux : soulagement, déblocage de l’inhibition émotionnelle, resocialisation. « Plus on reste seul avec ses craintes, plus la peur se développe », explique Danièle Ruffet, psychothérapeute et coach spécialisée dans les risques psychosociaux. Depuis, Isabelle a saisi la médecine du travail et un médiateur a été nommé. « L’intervention d’une tierce personne est fortement conseillée. Et, dans ces cas-là, le plus tôt est le mieux », approuve Ricardo Coati, coach et dirigeant de France Training.
4 Se rassurer en soignant sa préparation
« Je devais monter sur scène et prendre la parole devant 200 personnes. Je suis resté scotché à ma chaise, tétanisé, muet de trac. » La peur de s’exprimer en public, Grégory Duquenne, fondateur de Portail Pro, développeur d’applications Web, la connaît bien. Comme beaucoup d’entre nous d’ailleurs, car la crainte d’intervenir devant des inconnus est sans doute la peur la plus répandue. Lorsqu’elle devient récurrente, elle s’apparente à un syndrome d’anxiété. Pour en venir à bout, pas d’autre solution que de travailler sur le long terme. C’est ce qu’à compris Grégory. Après avoir cherché son salut dans la concentration, la respiration et même la méthode Coué, il a découvert sur Internet la technique de l’hyperpréparation. «Connaître son sujet sur le bout des doigts, c’est 80% du succès d’une prise de parole en public », confirme Pascal Domont. Cette méthode consiste tout simplement à répéter de façon détaillée, soit seul devant un miroir, soit face à un public de confiance. Il faut s’entraîner jusqu’à atteindre une maîtrise parfaite du contenu, du timing et du mode d’expression. Exactement comme le fait un comédien qui prépare un one-man-show. « Mon discours, il faut que je le joue. Je prévois même un lot d’anecdotes à dégainer, explique Grégory Duquenne. L’important est de donner l’illusion de la spontanéité, alors que tout est appris. » Il livre un dernier petit truc : « dans une réunion, j’arrive avant tout le monde pour accueillir les gens, leur serrer la main, échanger deux ou trois mots avec eux ; bref, m’en faire des alliés. » A ce propos, les psychologues parlent de processus d’inclusion : il s’agit de se rassurer en créant d’emblée de la proximité avec son public. Aujourd’hui, Grégory Duquenne redoute toujours de prendre le micro, mais l’angoisse qui le paralysait s’est muée en trac passager.
5 Se raccrocher à des images ‘’bouées’’
Claire, cadre financier dans un laboratoire pharmaceutique, a connu un accès de panique quand il lui a fallu reprendre le travail après plusieurs semaines d’arrêt maladie. « Une angoisse d’enfant entrant à l’école maternelle », résume-t-elle. Un lundi matin, alors qu’elle venait de se garer dans le parking de son entreprise, elle s’est même trouvée incapable de sortir de sa voiture. De ce jour, ce parking est devenu pour elle un objet de phobie. « J’ai dû me mettre à la sophrologie. Au fil des séances ; j’ai appris à associer de nouvelles images à ce lieu. » La peur est une émotion qui joue sur nos représentations mentales et notre capacité d’anticipation. Cette technique des « images bouées », utilisée en sophrologie et en hypnose, vise à substituer progressivement des représentations positives aux sensations phobiques.
Plus que toute autre émotion, la peur sollicite nos muscles et nos organes. Une hygiène de vie et la pratique d’un sport sont donc fortement recommandées. Mais les psychothérapeutes sont unanimes : rien ne remplace les techniques de relaxation. La montée en puissance d’une émotion entraîne une augmentation des tensions corporelles, qui vont à leur tour stimuler le processus émotif. L’inverse est aussi vrai : la détente corporelle favorise la détente mentale, qui elle-même diminue la tension du corps… Les exercices de sophrologie, de méditation, de respiration permettent d’évacuer les représentations négatives et de se réapproprier son corps au moment voulu. « Quand les muscles sont relâchés, la peur diminue de moitié », confirme Patrick Légeron, psychiatre et directeur du cabinet Stimulus. Idéal avant de prendre la parole ou d’entrer en entretien d’évaluation.
6 Faire le point sur son ‘’employabilité’’
En travaillant sur ses peurs, on parvient non seulement à les surmonter, mais on finit par empêcher qu’elles surviennent. Le secret est de reprendre confiance en soi, d’assumer ses choix et ses actes. « Si avant chaque décision on imagine quels pourraient en être les effets néfastes, on alimente sa peur. Pour avancer, il ne faut pas regarder en arrière », conseille Frédéric Chapelle, psychiatre, président de l’Association française de thérapie comportementale et cognitive.
Pour reprendre confiance en soi sur le plan professionnel, on peut par exemple sur son « employabilité ». Au lieu de subir, on reprend son avenir en main, on redevient acteur. En réactualisant son CV, en planifiant un bilan de carrière, etc. « Cette approche face aux peurs projectives, liées à la performance ou à l’incertitude, explique Danièle Ruffet. La réflexion sur l’employabilité sollicite tous les éléments permettant d’atténuer la charge émotionnelle : réflexion, analyse, synthèse, mise à distance de soi-même et décentrage. »
A CHAQUE TYPE D’ANGOISSE SES CAUSES… ET SES SOLUTIONS
La peur est l’émotion suscitée quand surgit un danger. Le cerveau nous alerte en sollicitant des zones différentes selon la distance qui nous sépare de la menace. Si le risque est éloigné de nous, c’est le cortex préfrontal, siège de la décision et de la planification, qui se met en action. Si le danger se rapproche, d’autres régions prennent le relais : la substance grise périaqueducale (située près du tronc cérébral, impliquée dans les circuits de la douleur) et surtout l’amygdale, petite structure en forme d’amande qui relie le cortex au cerveau limbique, autrement dit l’intellect à l’émotionnel.
Deux circuits. Les neurosciences ont aussi identifié deux circuits de la peur : l’un court, l’autre long. Plus la peur est forte, plus elle a de chances d’emprunter l’itinéraire court pour activer des réflexes de défense primaires, instinctifs. L’amygdale est alors hyper sollicitée. S’il s’agit d’une peur ponctuelle, elle peut évoluer en terreur ou en panique. Dans le cas d’une peur plus récurrente, l’amygdale est maintenue dans une sorte de suractivité permanente, et c’est la phobie qui s’installe. En revanche, une peur de faible intensité emprunte plutôt le circuit long : la stimulation du cortex cérébral et de l’hippocampe vient alors contrebalancer l’activation de l’amygdale.
Système d’alerte. L’amygdale est donc un organe central dans le mécanisme de la peur. Chez les anxieux et les personnes sujettes à la dépression, son activité serait exagérée. En revanche, une amygdale moins active atténuerait, voire neutraliserait la peur, avec des conséquences dommageables, puisque le système d’alerte serait comme anesthésié. Les individus victimes d’une atrophie de l’amygdale (du fait d’accidents vasculaires cérébraux, d’interventions chirurgicales, de pathologies…) deviennent ainsi inaptes à détecter les dangers qui les entourent.
La peur peut plus facilement surmontée si l’on en comprend les mécanismes, mais aussi si l’on arrive à bien la définir. Les psychologues classent donc les angoisses en trois catégories : la peur sociale, celle de l’échec et celle de l’incertitude. La première se déclenche au contact d’autrui et se résume essentiellement à la peur du jugement de l’autre : crainte d’être observé, évalué, d’apparaître ridicule, inculte ou inintéressant… C’est une émotion immédiate, potentiellement paralysante, qui peut donner lieu à des crises de panique. La peur de l’échec est, elle, liée à la notion de performance. On a peur de ne pas atteindre ses objectifs, de ne pas pouvoir remplir une mission, de ne pas honorer ses engagements, plus généralement de ne pas être à la hauteur. Il s’agit d’une émotion « projective », car elle nous projette dans le futur. Parmi ses effets les plus courants : la procrastination, qui consiste à différer systématiquement ses actions. Enfin, la peur de l’incertitude concerne tout ce qui peut remettre en cause un équilibre, fût-il précaire ou bousculer une zone de confort : modification de poste ou d’organisation, licenciement, déménagement, arrivée d’un nouveau supérieur hiérarchique…