Pour la première fois, l’Université nationale de sciences et de technologie du Pakistan envoie une équipe à la RoboCup, la Coupe du monde de football des robots.
COMPETITION. Le petit attaquant aligne son tir et marque le pénalty, se jouant du gardien de but qui se jette du mauvais côté et crie de douleur. S’ils arborent fièrement les couleurs du Pakistan, ces footballeurs sont des robots fabriqués enFrance. L’équipe de football en chair et en os du Pakistan, pays de cricket, piétine dans les tréfonds du classement mondial. Mais cette équipe de robots footballeurs programmés par des étudiants pakistanais est de taille à se frotter à celles des plus grandes universités internationales. Pour la première fois, l’Université nationale de sciences et de technologie (NUST), la plus prestigieuse école d’ingénieurs du pays, envoie une équipe à la RoboCup, la Coupe du monde de football des robots. Cette compétition, organisée à Leipzig en Allemagne du 27 juin au 4 juillet 2016, oppose 32 universités.
L’équipe pakistanaise est composée de six robots humanoïdes NAO acquis auprès du fabriquant français Aldebaran Robotics, pour environ 15.000 euros. C’est en fait la troisième année que NUST est qualifiée pour la RoboCup, mais, faute de moyens, l’université n’avait pu jusqu’ici envoyer des étudiants démontrer ce dont est capable le Pakistan en terme d’intelligence artificielle. “Notre rêve s’est concrétisé cette année lorsque l’université a réussi à trouver 1,5 million de roupies (13.000 euros) pour que l’équipe aille en Allemagne“, a expliqué à l’AFP Yasar Ayaz, chef du département de robotique et d’intelligence artificielle. Ce montant ne permet d’envoyer que trois des dix étudiants impliqués dans le projet, mais l’université ne désespère pas de trouver des fonds supplémentaires. “Nous ne somme pas déçus. Il vaut mieux ça que rien“, estime M. Ayaz.
Présentation de la RoboCup 2016. Crédit : :Promenaden Hauptbahnhof Leipzig
Des progrès constants
La première ligue de football robotique a été lancée en 1993 par un groupe de chercheurs japonais. Au vu de l’intérêt suscité, le tournoi s’est ensuite ouvert à l’international: et la première RoboCup a eu lieu à Osaka en 1996. Avec un but très ambitieux: “D’ici le milieu du XXIe siècle, une équipe de footballeurs robots humanoïdes complètement autonomes gagnera un match de football, en suivant les règles officielles de la Fifa, contre le vainqueur de la plus récente Coupe du monde“. Mais on en est encore loin. Pour l’heure, les doigts cavalent sur les claviers des ordinateurs portables dans la salle informatique: les étudiants programment leurs champions. Chaque robot, haut de 58 cm, a deux caméras sur le visage qui guident ses mouvements. “Les caméras envoient des images aux ordinateurs installés à l’intérieur, ce qui les aide à décider quel mouvement faire et à reconnaître le mouvement des autres joueurs“, explique M. Ayaz. Ils se déplacent sur le terrain de deux mètres sur trois d’une démarche saccadée, ajustant leur jambe comme un golfeur son club avant de décocher un tir disgracieux qui fait rouler la balle de plastique orange. Ponctué de fréquents imprévus et culbutes, le match est un spectacle plutôt étrange.
Les humains sont autorisés à intervenir de façon marginale, mais les robots se meuvent entièrement par eux-mêmes, et leurs performances dépendent de la précision avec laquelle ils ont été programmés pour remplir leur tâche. Un travail accompli avec amour par l’équipe pakistanaise. “C’est un tout nouveau monde (…) Je veux enseigner la robotique aux étudiants et leur montrer comme c’est intéressant d’interagir avec les robots“, explique Zain Murtaza, le capitaine de l’équipe, qui a obtenu un masters et vise un doctorat. “Ce sont mes bébés”, sourit-il.
Les avancées du Pakistan en matière d’intelligence artificielle font écho à ses capacités en matière de technologie de l’information: le pays exporte ses services, notamment la sous-traitance pour la mise au point de logiciels. Une main-d’œuvre peu chère, et une classe moyenne éduquée et anglophone bien connectée avec le marché nord-américain, ont permis à ce secteur de croître, avec 2,2 milliards de dollars d’exportations en 2014. L’intelligence artificielle, en plein développement à l’échelle mondiale, est un domaine dans lequel les Pakistanaises, traditionnellement peu présentes dans le secteur de l’ingénierie et des hautes technologies, peuvent également se faire une place. “Il y a beaucoup de possibilités pour nous d’exceller dans le secteur de la robotique, si nous faisons nos études supérieures dans ce domaine,” estime Asma Ashfaq, l’une des quatre filles que compte l’équipe de dix programmateurs de robots footballeurs.
Avec Sciences et Avenir