Tesla ne parviendra pas à tenir sa promesse de produire 500.000 véhicules par an à partir de 2018. Marchés, banquiers et experts s’interrogent sur la viabilité de la société d’Elon Musk.
Les ambitions de Tesla de révolutionner l’automobile avec des voitures 100% électriques et des technologies sophistiquées sont mises à mal par une série récente d’accrocs, estiment des experts qui gardent néanmoins leur confiance dans la startup californienne. Signe de la tempête soufflant sur le groupe créé en 2003 par l’entrepreneur d’origine sud-africaine Elon Musk, sa valorisation sur le marché boursier a perdu un milliard de dollars sur les huit dernières séances. Dimanche 3 juillet 2016, le constructeur des véhicules électriques de luxe a annoncé n’avoir produit que 18.345 voitures au deuxième trimestre et en avoir livré quelque 14.370 à ses clients contre respectivement 20.000 et 17.000 anticipées. Pour le second semestre, le groupe entend livrer 50.000 voitures, ce qui devrait porter à 79.000 le nombre de ses livraisons en 2016, bien inférieur aux 80.000 à 90.000 visées en début d’année. “Certes nous sommes modérément déçus mais nous ne sommes pas surpris”, explique Deutsche Bank, qui doute de la capacité de Tesla à tenir sa promesse de produire 500.000 véhicules par an à partir de 2018.
De nouvelles pertes pour Tesla
La banque, qui prédisait jusqu’ici que le groupe allait gagner pour la première fois de l’argent cette année, a changé d’avis et parie désormais sur une nouvelle perte. L’engagement de Tesla repose pour beaucoup sur la commercialisation en 2017 de la Model 3, la voiture d’entrée de gamme vendue à 35.000 dollars dont le but est de lui permettre de passer du statut de constructeur de niche à la production en grande série. Mais “nous ne sommes pas sûrs que Tesla ait résolu ses problèmes de production”, qui ont retardé les livraisons initiales de la berline Model S et du SUV Model X, les deux seuls modèles commercialisés, lance, sceptique, Deutsche Bank. Autre inquiétude, l’ouverture d’une enquête aux Etats-Unis suite au décès d’un automobiliste à bord d’une Model S dont le système d’aide à la conduite automatique Autopilot était enclenché au moment d’une collision avec un camion en Floride le 7 mai dernier.
Tesla a révélé que ce logiciel, composé de capteurs et de technologies dernier cri et permettant à la voiture d’effectuer seule certaines manoeuvres comme freiner en cas de danger, n’avait pas détecté le camion qui coupait la route à la berline en raison de la météo et de la luminosité. Cet accident, qui porte un coup au développement de la voiture autonome, a conduit certains observateurs à se demander si Tesla avait suffisamment testé Autopilot. “Mon inquiétude est que cet accident aurait pu être évité”, confie à l’AFP Mary Cummings, responsable du laboratoire de l’autonomie à la Duke University, qui appelle à introduire le plus tard possible les voitures autonomes sur les routes. Chez Tesla, on explique que toutes les fonctionnalités de cette assistance à la conduite ont été longuement testées, homologuées, et sont améliorées au fil des trajets. Le constructeur a d’ailleurs cru bon de rappeler qu’il s’agissait du premier accident sur les 200 millions de kilomètres parcourus en mode pilotage automatique par ses voitures. Par comparaison, il y aurait aux Etats-Unis en moyenne un mort tous les 150 millions de kilomètres parcourus par les voitures classiques, selon Tesla.
Devenir le “meilleur” producteur de voitures au monde : c’est la “mission” attribuée à Tesla par Elon Musk
La communauté financière s’interroge par ailleurs sur la nécessité du mariage à 2,7 milliards de dollars annoncé entre Tesla et SolarCity, le producteur d’énergie solaire, autre bébé d’Elon Musk. Cette union entre deux entreprises, qui ont perdu à elles deux 1,6 milliard de dollars en 2015, soulève des problèmes de gouvernance et de conflits d’intérêts car M. Musk et des membres de sa famille sont omniprésents chez l’une et l’autre société. Mais Tesla s’accroche à son ambition de devenir le “meilleur”producteur de voitures au monde. “On croit en cette mission, en ce qu’on est en train d’accomplir”, avance-t-on en interne. Dans son “grand plan secret” dévoilé en août 2006, avait expliqué que Tesla allait réinventer l’automobile en trois étapes : en produisant une voiture de sport électrique (Roadster), puis une berline de luxe familiale (Model S) et enfin une voiture abordable (Model 3), avant de devenir une entreprise de transport et d’énergie“intégrée verticalement”. Pour Trip Chowdhry, chez Global Equities, Tesla est “en train de créer une nouvelle industrie”. “Nous continuons à penser que Tesla a le potentiel pour révolutionner l’industrie automobile“, renchérit Deutsche Bank.
Avec Sciences et Avenir