Filiale de l’allemand TUI Group, la compagnie aérienne Corsair relance ses vols Paris-Abidjan. Au même moment, son concurrent franco-néerlandais double ses fréquences.
Après presque neuf mois d’absence, Corsair est de retour dans le ciel ivoirien. La filiale de TUI Group, géant allemand de l’industrie du voyage, a repris le 13 juin ses vols à destination d’Abidjan, à raison de quatre rotations par semaine (qui seront portées à six en juillet et en août).
Pour marquer le coup, le top management de la compagnie avait convié à bord du vol inaugural, le 16 juin, Abdoulaye Aïdara, le consul de Côte d’Ivoire en France, et une vingtaine de journalistes, accueillis à leur arrivée à l’aéroport international Félix-Houphouët-Boigny par Bakary Soro, le directeur de cabinet du ministre des Transports, et une nuée de cameramans et de photographes.
Plus discret, Georges Armand Akobe, représentant commercial de Corsair et vice-président de la Chambre de commerce et d’industrie de Côte d’Ivoire, était également présent. À Abidjan, c’est lui qui a préparé le retour de Corsair. Objectif : développer une clientèle pérenne sur une ligne largement dominée par Air France-KLM.
Air France, l’éternelle rivale
Le groupe franco-néerlandais, qui fête ses 75 ans de présence dans le pays, veut même faire de la capitale ivoirienne la plaque tournante de son développement ouest-africain.
Ce 16 juin, au départ de l’aéroport de Paris-Orly, Corsair a vendu 230 billets sur les 304 qu’offre l’A330 affrété sur la ligne. Pour Saraka Yatahoua-Aimée, une Ivoirienne de 50 ans vivant en France et qui fait l’aller-retour tous les deux mois, le fait que le vol soit sans escale – ce qui n’est pas forcément le cas avec Air France – a été déterminant.
Car depuis les attentats de Bamako puis ceux de Ouagadougou, la compagnie concurrente, qui ne fait plus dormir son personnel navigant dans ces deux capitales, fait parfois un arrêt au Mali ou au Burkina pour transférer ses employés à Abidjan.
Il y a aussi le prix, dont Corsair fait un argument de poids : des entrées de gamme à 657 euros en classe économique et à 1 723 euros en classe affaires au départ de Paris, à 349 000 F CFA (éco) et à 960 600 F CFA (affaires) au départ d’Abidjan. Côté Air France, on indique que trois quarts des passagers transportés en 2015 ont payé moins de 812 euros l’aller-retour et même moins de 700 euros pour la moitié des voyageurs ayant opté pour la classe économique.
Et les horaires ? Avant la suspension de sa connexion Paris-Abidjan, en octobre 2015, Corsair (qui avait ouvert cette ligne en mars 2013) estimait pâtir d’une trop grande proximité de son créneau avec celui, historique, d’Air France. Ce dernier s’établit comme suit : départ à 13 h 55 de Paris, arrivée à 18 h 20 à Abidjan, le retour se faisant de 22 h 10 à 6 h 30. Pour Corsair, ce sera désormais 17 h 5-21 h 30 pour le vol Paris-Abidjan et 23 h 55-8 h 40 en sens inverse.
Sauf qu’entre-temps Air France a doublé ses fréquences. À l’A380, dont la compagnie avait doté la ligne Paris-Abidjan début 2014, elle a ajouté un deuxième appareil, de mars à octobre (pour couvrir le pic de trafic), ce qui porte à quatorze ses rotations hebdomadaires. Le deuxième vol part de Paris à 16 h 15 et d’Abidjan à 1 heure… juste après Corsair. Et les capacités totales d’Air France atteignent 800 sièges par jour, dont 516 pour le seul A380.
De nombreux obstacles à prévoir
Prix, horaires, capacités… Autant d’exemples du match auquel Corsair et Air France vont se livrer. « Quand nous sommes arrivés aux Antilles, Air France a tout fait pour nous en empêcher, se souvient Antoine Huet, directeur général adjoint de Corsair. Mais aujourd’hui nous y sommes, et Air France n’a pas disparu pour autant. » Frank Legré, directeur général Afrique d’Air France, relativise lui aussi, à sa façon : « Le retour de Corsair à Abidjan n’est pas un événement majeur. Nous avons vu de nombreux concurrents venir et repartir. »
Mais cette fois, plusieurs arguments plaident en faveur d’une meilleure rentabilité de la ligne Corsair : la chute du cours du baril et donc du prix du kérosène, la baisse des taxes aéroportuaires (28 euros par passager pour la société Aeria, qui gère l’aéroport Félix-Houphouët-Boigny jusqu’en 2029, et 52 euros pour l’État ivoirien, contre 72 euros auparavant) et des frais d’assistance à l’escale de National Aviation Services, le prestataire koweïtien.
Corsair doit compter avec des rivaux comme Royal Air Maroc ou Brussels Airlines.
En outre, Corsair souhaite augmenter son activité de fret, qui lui a rapporté 35 millions d’euros en 2014-2015, avec 16 500 tonnes convoyées toutes lignes confondues, dont 1 500 sur la ligne Paris-Abidjan : produits pharmaceutiques et électroniques de la France vers la Côte d’Ivoire, ananas et crevettes dans l’autre sens.
Pour le management, ces variables permettront de dégager davantage de marges, et ce dans un contexte post-Ebola plus favorable aux voyages dans la zone. Mais la compagnie doit compter avec des rivaux comme Royal Air Maroc ou Brussels Airlines, qui desservent aussi l’Europe depuis Abidjan. Autant dire que le chemin pour rattraper Air France est encore long.
Car, avec 241 000 passagers transportés en 2015 (soit une hausse de 17 % sur un an), la ligne Paris-Abidjan est, pour le transporteur franco-néerlandais, « l’une des plus importantes sur les 35 destinations subsahariennes couvertes », dit une source interne chez Air France, qui ajoute : « Et sur les six premiers mois de l’année 2016, la croissance est encore à deux chiffres. »
La compagnie revendique une part de trafic de 21 % sur le marché Europe-Afrique et une croissance de 3 % à 5 % par an. Dans ce contexte, Abidjan a été désigné futur hub en Afrique de l’Ouest, notamment via un partenariat avec Air Côte d’Ivoire, que le groupe détient à 20 %. Les premiers partages de code entre les deux compagnies auront lieu fin 2016 ou début 2017, ce qui permettra de relier Paris à une vingtaine de capitales africaines via Abidjan.
« Air France vend son réseau mondial, nous le meilleur rapport qualité-prix de point à point », tranche Antoine Huet. L’objectif est clair : revenir aussi vite que possible aux 82 000 billets (sur les 103 000 potentiels) vendus en 2014-2015 à Abidjan. Et aller au-delà ensuite.
ABIDJAN, « THE PLACE TO BE »
La capitale économique ivoirienne est stratégique pour les grandes compagnies aériennes, car l’aéroport international Félix-Houphouët-Boigny bénéficie du dynamisme de l’économie ivoirienne (8,5 % de croissance en 2016, selon le FMI).
Après 1,5 million de passagers en 2015 (contre 600 000 en 2011, en pleine crise postélectorale), « Abidjan pourrait accueillir de 2,7 millions à 4,7 millions de passagers en 2020 », selon Gilles Darriau, directeur général de l’aéroport pour le compte d’Aeria. Sur la carte de l’aviation civile ouest-africaine, pareille performance place Abidjan devant Cotonou, Lomé et Dakar, et au même niveau qu’Accra.
Avec Apr-news