VIDÉO – La douane américaine souhaite que les voyageurs entrant aux États-Unis renseignent leurs identifiants utilisés sur les réseaux sociaux.
Mieux connaître une personne en scrutant ses comptes Facebook, Twitter et Instagram. Cette pratique, qui est plutôt l’apanage des recruteurs, pourrait bientôt occuper les douanes américaines. Selon le site Fusion, le service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis souhaite que les touristes sans visa arrivant sur le sol américain communiquent leurs identifiants utilisés sur les réseaux sociaux. Cette demande a été formulée le 23 juin auprès du Federal Register, l’équivalent français du Journal officiel. Les citoyens ont jusqu’au 22 août pour faire des commentaire et des suggestions sur ce projet, après quoi il passera en examen officiel.
Pour un séjour de moins de 90 jours aux États-Unis, les voyageurs n’ont pas besoin d’un visa mais doivent remplir en ligne une demande d’autorisation de voyage (Electronic System for Travel Authorization, ou Esta). Ils sont invités à renseigner, notamment, leurs ressources financières, leur état moral et sanitaire ou leurs activités professionnelles présentes et anciennes. Ils doivent aussi répondre à des questions précises comme: «Avez-vous l’intention de vous livrer à des activités immorales ou criminelles dans le cadre de votre admission aux États-Unis?» Ce contrôle est complété par un système d’identification d’empreintes digitales et par d’éventuels entretiens. Si cette disposition est adoptée, l’Esta exigerait des «informations associées à votre présence en ligne». Les douanes recouperaient ces données avec celles des enquêtes en cours afin prévenir toute tentative de nuisance sur le sol américain. Néanmoins, la proposition préconise, pour le moment, de rendre ces champs facultatifs.
Les réseaux sociaux, vecteurs de la propagande terroriste
Le dispositif soulève des questions quant à protection de la vie privée. Le site Fusion s’interroge, par exemple, sur la nécessite de renseigner les comptes dont on dispose sur les sites ou les applications de rencontres. Par ailleurs, ce dispositif est faillible puisqu’une personne peut renseigner les identifiants d’un compte factice ou faire semblant de ne pas avoir de compte sur les réseaux sociaux. Il peut se révéler inefficace si les voyageurs choisissent de rendre leurs comptes «privés»: faute d’avoir les services de douane parmi ses contacts, les autorités ne peuvent pas, officiellement, avoir accès aux statuts, photos, vidéos ou conversations d’un utilisateur. Officiellement, car le scandale des écoutes de la NSA, révélé par Edward Snowden en 2013, montre que les autorités américaines disposent, en réalité, de «grandes oreilles», lui permettant d’obtenir n’importe quel information sur les citoyens américains. Depuis décembre dernier, l’agence de sécurité nationale n’a légalement plus accès aux métadonnées des appels téléphoniques que passent les Américains.
Le contrôle des frontières américaines a été fortement renforcé à la suite des attentats du 11-Septembre. La question du contrôle des réseaux sociaux se pose plus particulièrement depuis la tuerie de San Bernardo en décembre et celle d’Orlando ce mois-ci. Ces terroristes les utilisaient pour diffuser leur propagande djihadiste, annoncer leurs actes, ou les revendiquer. En France, une disposition à l’article 20du projet de loi de réforme pénale, débattu en début d’année, autorisait l’État à exiger d’un individu ses identifiants utilisés sur Internet s’il revient en France après avoir fréquenté des terroristes présumés. Refuser de fournir ces informations aux autorités françaises pouvait conduire à 3 ans de prison et de 45.000 euros d’amende. Cette disposition a néanmoins été supprimée début juin. Il y a deux semaines, le père d’une victime des attentats de Paris a porté plainte contre Facebook, Google et Twitter, qu’il accuse d’avoir «sciemment» permis les actions terroristes. Une plainte qui rappelle l’impuissance des entreprises du Web face au terrorisme.
Avec Le Figaro