Pour la première fois, la pauvreté extrême est passée sous la barre des 10 %. Jamais le monde n’aura affiché autant d’ambitions pour le développement qu’aujourd’hui. Depuis l’adoption des Objectifs de développement durable et la signature de l’accord de Paris sur le climat, fin 2015, la communauté internationale recherche les solutions les plus efficaces pour concrétiser ces objectifs. Dans cette série de cinq billets, je reviendrai sur les mesures prises par le Groupe de la Banque mondiale en la matière et les initiatives qu’il envisage de lancer autour de certains axes clés pour mettre fin à la pauvreté d’ici 2030 : la bonne gouvernance, l’égalité hommes-femmes, le conflit et la fragilité, la création d’emplois ainsi que la prévention du changement climatique et l’adaptation à ses effets.
La situation des filles et des femmes dans le monde en 2016 est meilleure qu’en 2006. Mais ce n’est pas vrai pour tout le monde et certainement pas partout, notamment dans les pays les plus pauvres et les plus fragiles.
Le constat est particulièrement frappant quand on s’intéresse aux opportunités économiques : les inégalités hommes-femmes dans l’accès à l’emploi et aux financements et dans les entreprises sont certes une entrave à l’épanouissement des individus mais elles freinent aussi le développement des économies — alors même que le monde a cruellement besoin de croissance et de nouveaux emplois.
Simples ou complexes, les solutions exigent toutes davantage d’investissements pour soutenir la scolarisation et améliorer les taux d’achèvement des études, réduire la mortalité des femmes en couches et offrir à toujours plus de femmes des emplois de qualité et l’accès à des services financiers et des biens.
La nouvelle stratégie du Groupe de la Banque mondiale en matière de genre et d’égalité des sexes (a) fixe des objectifs de progrès ambitieux en s’attachant à des approches et des interventions à l’efficacité éprouvée. Cette stratégie repose sur une masse de données et d’informations probantes, réunies pour l’essentiel depuis ces 15 dernières années, qui pointent vers des mesures politiques spécifiques visant à réduire les inégalités et offrir les mêmes chances à tous.
Premier impératif : s’assurer que les femmes vivent plus longtemps et en meilleure santé et que nettement plus de filles font les études dont elles ont besoin et envie. Or, dans les plus pays les plus démunis, la mortalité maternelle reste à un niveau intolérable, sachant que la plupart des femmes n’ont toujours pas accès à des services essentiels de santé de la reproduction. Malgré des progrès sensibles, on estime par ailleurs que 62 millions de filles dans le monde ne sont pas scolarisées (a), tandis qu’un nombre inacceptable de femmes continuent de mourir en couches ou des suites d’un accouchement.
L’initiative de la Banque mondiale au Sahel, l’une des régions les plus pauvres et fragiles du monde, entend améliorer l’accès des femmes aux services de santé génésique et maternelle et renforcer également les investissements en faveur de l’éducation des filles : 2,5 milliards de dollars seront décaissés en cinq ans pour profiter directement aux adolescentes qui, souvent, ont du mal à opérer la transition entre l’école et l’emploi.
Deuxième axe d’intervention : la réduction des écarts dans les opportunités économiques. À l’échelle de la planète, la part des femmes dans la population active stagne, voire régresse légèrement. Les femmes ont toujours deux fois moins de chance que les hommes d’obtenir un emploi salarié à plein temps. Et leur salaire reste un tiers inférieur à celui des hommes, du fait notamment d’une ségrégation professionnelle entre les sexes.
L’Initiative pour les adolescentes (a) a testé et évalué des interventions novatrices de formation pour créer des entreprises, acquérir des compétences techniques et professionnelles très recherchées ou mieux assumer le quotidien. Au Libéria, elle a ainsi formé près de 2 500 jeunes femmes en mettant l’accent sur les services de placement professionnel et de suivi, faisant grimper leur taux d’emploi et leur niveau de gains de respectivement 47 et 80 %.
Troisième priorité : améliorer l’accès aux financements. Dans de nombreux pays, les femmes se heurtent à des obstacles juridiques et sociaux qui les empêchent de posséder des biens ou d’en hériter, d’ouvrir un compte en banque ou d’accéder à l’emprunt à titre individuel. Les entreprises dirigées par des femmes sont en général moins grandes, emploient moins d’employés et ont davantage tendance à être installées à domicile. À l’échelle mondiale, on estime à 300 milliards de dollars environ l’écart de crédit pour les petites et moyennes entreprises formelles détenues par des femmes (a). Et l’inclusion financière des femmes ne progresse que lentement : en 2014, 58 % des femmes détenaient un compte bancaire, contre 65 % des hommes, soit un écart de 7 %.
Soucieuse d’aider les femmes entrepreneurs d’Éthiopie, la Banque mondiale leur a alloué une aide financière de 22 millions de dollars en 2014. Le taux de remboursement obtenu — de 99,6 % — se passe de commentaires !
Dernière piste : défendre des politiques et des réformes qui renforcent les capacités d’expression des femmes, dans l’espace public comme dans leur foyer. Cela passe par une évolution des législations et des normes sociales, à laquelle les garçons et les hommes doivent absolument participer.
Certaines nouvelles sont réconfortantes : alors que le nombre de femmes députés ne cesse d’augmenter, 127 pays sont désormais dotés d’une législation contre les violences domestiques — contre pratiquement aucun pays voici 25 ans. Mais 90 % des économies couvertes par cette enquête (a), développées et en développement, conservent au moins une loi restreignant les opportunités économiques des femmes. Dans 100 pays, certains métiers sont interdits aux femmes (chauffeur routier, plombier, menuisier, soudeur, marin, etc.).
Nous devons impérativement endiguer le fléau mondial que constituent les violences à l’encontre des femmes. Le Groupe de la Banque mondiale soutient des programmes de réduction et de lutte contre ces comportements, afin d’améliorer la sécurité des femmes dans les transports publics et au travail. Il met également au point des approches pour assurer leur survie dans les régions de conflit afin de les protéger contre les déplacements forcés, les violences et les viols. Le Groupe partage avec d’autres organisations internationales les meilleures expériences (a) sur l’intégration de la prévention des violences et des réponses à apporter dans les programmes de travail. Et, par-dessus tout, il soutient l’innovation.
Les informations dont nous disposons sur les filles et les femmes sont encore très lacunaires, surtout dans les pays les plus pauvres. Ce qui complique singulièrement l’identification des problèmes, la conception des solutions et l’évaluation des progrès. Le Groupe de la Banque mondiale travaille avec des organismes des Nations Unies et d’autres partenaires pour combler ces failles dans des domaines comme l’état civil, la détention d’actifs, l’utilisation du temps, le travail, la santé, le bien-être ou l’intégration financière.
Le manque de données est particulièrement sensible dans les pays les plus pauvres du monde, là même où les gains des filles et des femmes sur le plan de l’égalité auront un impact déterminant sur la pauvreté. Parmi les initiatives engagées (a), celle concernant les femmes, les entreprises et le droit (a), la base Global Findex ou l’Identification for Development (ID4D) pour donner une identité légale à chacun, sans oublier l’aide aux entreprises privées pour collecter des données ventilées par sexe.
En construisant un monde plus résilient, pacifique et prospère, des investissements judicieux et des politiques volontaristes en faveur de l’égalité hommes-femmes changeront la donne. Nous connaissons désormais bien mieux les initiatives les plus efficaces — et le Groupe de la Banque mondiale est déterminé à travailler avec ses partenaires pour obtenir des résultats concrets.
Avec La Banque Mondiale