Guillaume Soro est un homme pressé. A 44 ans, le président de l’Assemblée nationale ivoirienne a été le premier ministre de Laurent Gbagbo puis d’Alassane Ouattara. Mais l’ancien chef rebelle est mis en cause par la justice française, qui a délivré un mandat d’amener à son encontre, pour « enlèvement, séquestration, traitements inhumains et dégradants » suite à une plainte de Michel Gbagbo, le fils de l’ancien président.
Par ailleurs, la justice burkinabée l’a mis en cause pour son implication présumée dans une tentative de coup d’Etat. Cette dernière a renvoyé le dossier à Abidjan, offrant un répit à M. Soro. Cependant, ses ambitions politiques ont rarement été autant malmenées.
Vous avez été mis en cause dans la tentative de coup d’état perpétrée en septembre 2015 au Burkina Faso après la publication sur Internet d’écoutes téléphoniques où vous seriez en train de donner des instructions pour que ce putsch réussisse. Qu’avez-vous à dire sur cette affaire ?
Guillaume Soro Même si j’ai beaucoup de choses à dire et que j’ai été blessé par ce qui a été fait au Burkina Faso, j’ai décidé de ne pas entrer dans la polémique et, à la demande du président Ouattara, de me fier à sa décision de gérer ce dossier. La voie diplomatique a été préconisée par le chef de l’Etat, mais je peux dire que j’ai été victime d’une cabale et le temps permettra de la démonter.
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Mais d’autres personnalités de l’ex-rébellion ivoirienne sont également mises en cause comme le chef d’état-major de l’armée, le général Bakayoko, ou le lieutenant-colonel Zacharia Koné…
En ce qui concerne ces personnes, je ne sais ce qu’il en est. En ce qui me concerne, je souhaite seulement que les présidents de la Côte d’Ivoire et du Burkina puissent trouver les meilleures solutions pour l’intérêt des deux pays.
Qui est derrière cette « cabale » ? L’ex-premier ministre du Burkina Faso, Isaac Zida, qui fut l’un de vos très proches ?
Je n’ai ni rancune, ni intention de vengeance. C’est un dossier qui est derrière moi. Toute cabale finit toujours par s’effondrer.
Mais cette affaire a des conséquences politiques. Quand le président de l’Assemblée nationale burkinabée est venu fin mai à Abidjan, vous avez été tenu à l’écart de cette rencontre. N’êtes-vous pas actuellement marginalisé par le président Ouattara ?
Qu’en savez-vous ? Le président Ouattara a pris le soin de m’informer de la visite de mon frère et ami Salif Diallo, qui n’était pas venu en sa qualité de président de l’Assemblée, mais en qualité d’émissaire de son président. Je ne vous dirai pas les tenants et aboutissants de cette mission et vous ne me prendrez pas à livrer des secrets d’Etat au téléphone.
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Le groupe d’experts des Nations unies affirme que vous avez acquis environ 300 tonnes d’armes et munitions après la fin de la crise postélectorale de 2011. Dans quel but ?
Eux seuls pourraient répondre à cette question mais permettez-moi de faire remarquer que c’est ce même groupe qui avait affirmé que le parti de Laurent Gbagbo était en contact avec des djihadistes au nord du Mali, que le président Ouattara avait fait assassiner des opposants politiques au Ghana ou que la rébellion ivoirienne exportait 800 000 tonnes de cacao, ce qui en faisait le deuxième producteur mondial. Ce n’est pas sérieux. Ce rapport n’échappe pas à la règle des raccourcis et des ragots.
Pourquoi avoir évité en décembre 2015 la justice française qui souhaite vous entendre suite à une plainte de Michel Gbagbo, le fils de l’ancien président ?
Je n’ai jamais refusé de me soumettre à la justice française, mais quand je suis sur le territoire français, je suis couvert par l’immunité diplomatique. Aucun juge, si ce n’est par abus de pouvoir, ne peut m’envoyer de convocation. Je suis justiciable devant les tribunaux ivoiriens, donc la brave juge [la juge d’instruction du tribunal de grande instance de Paris, Sabine Kheris], répondant certainement à des calculs politiciens et qui a cru bon de m’envoyer un mandat d’amener, a eu tort de le faire. Je ne comprends pas sa précipitation alors qu’elle savait que sa démarche ne pouvait pas prospérer. J’invite donc chaleureusement et fraternellement Madame Kheris à se rendre à Abidjan pour assister un juge ivoirien, seul qualifié à m’interroger.
Que vous inspire le procès devant la Cour pénale internationale (CPI) de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé ?
Je ne suis pas homme à renier mes amitiés, mes fraternités. Laurent Gbagbo, je le connais depuis les années 1990. J’ai été très proche de lui, j’ai été son premier ministre, il a dit du reste que j’ai été son meilleur premier ministre. Charles Blé Goudé a été mon collaborateur, nous avons milité ensemble au sein du mouvement étudiant. Mais la trajectoire politique nous a divisés. M. Gbagbo a eu tort de s’arc-bouter au pouvoir, Blé Goudé, mon ami à qui j’avais proposé de rallier le camp de la justice, ne m’a pas entendu. Je considère que la justice doit se faire. La CPI est impartiale et si elle considère qu’ils sont innocents, ils pourront rentrer dans leur pays.
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Craignez-vous de devoir un jour les rejoindre à La Haye ?
(Rires.) Il faut restituer les faits dans leur contexte. A l’époque, la CEDEAO [la communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest] envisageait l’usage de la force pour faire partir Gbagbo du pouvoir. L’ensemble de la communauté internationale avait reconnu M. Alassane Ouattara comme le président de la Côte d’ivoire. Je ne vois pas pourquoi moi, qui ai agi dans le sens de la communauté internationale, qui l’ai aidée à résoudre la question de la confiscation du pouvoir à Abidjan, devrais être trimballé à la CPI. Ce serait d’une incohérence et d’une inconséquence inégalée. Il y a eu des violences, mais celles-ci ne sont pas suffisantes pour être envoyé à la Haye. Si le 28 novembre 2010, M. Gbagbo avait reconnu sa défaite, on ne parlerait pas de la CPI.
La mort de l’ancien ministre de Laurent Gbagbo, Désiré Tagro, et celle du sergent-chef IB, votre rival et ennemi, étaient-elles vraiment accidentelles ?
J’étais à l’époque premier ministre et ministre de la défense, mais pas le chef suprême des armées et n’ayant pas mené une enquête, il m’est impossible de me prononcer. Je ne suis ni juge, ni enquêteur et je n’étais ni à la résidence présidentielle [où a été tué le premier cité], ni à Abobo [où le second est mort].
Ce n’est un secret pour personne que vous souhaitez prendre la succession d’Alassane Ouattara en 2020, mais vous n’êtes pas le seul. Craignez-vous que votre famille politique se déchire sur des querelles d’ambition ?
Je crois que la raison primera. Diriger un pays va au-delà de l’ambition personnelle. Les Ivoiriens me connaissent depuis que j’ai été leader étudiant et je crois me classer dans la catégorie des hommes de mission et non d’ambition. Aujourd’hui, je suis à l’Assemblée nationale et j’espère réussir ce mandat.
Vous avez déjà occupé la plupart des plus hautes fonctions en Côte d’ivoire. Ne craignez-vous pas cependant qu’à 44 ans votre avenir soit déjà derrière vous ?
Cela fait vingt-quatre ans que je fais front et face à l’adversité. L’adversité me galvanise. La première fois que je suis allé en prison, j’avais 22 ans. J’ai encore beaucoup de ressources
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