Youtubeurs, gamers, écrivains… L’accès de masse à Internet a permis à tout un chacun de produire et diffuser ses propres contenus (UGC) auprès d’un large public et d’en tirer des revenus. Qu’en est-il pour la presse en ligne ?
Sommaire
- – Une décennie qui voit les contenus générés par les utilisateurs changer d’échelle
- – La presse face à de nouveaux défis
- – Agrégation, modes d’engagement et rôle des utilisateurs
- – Presse et utilisateurs : des relations en voie de diversification
- – Le lecteur, un acteur devenu incontournable
- – Références
Une décennie qui voit les contenus générés par les utilisateurs changer d’échelle
Au début des années 2000, l’acronyme UGC (« user generated content » en anglais) pour les contenus générés par les utilisateurs a commencé à être utilisé pour renvoyer avant tout au placement de messages électroniques sur des forums Internet. La notion demeure vague. Elle couvre désormais un vaste périmètre d’activités, depuis les contenus créés par des amateurs jusqu’aux contenus édités par des professionnels. Elle comprend aussi bien des modes d’échange et de partage de connaissance comme les Wikis, que des blogs, des musiques, des photos et des vidéos diffusés sur Internet ou les réseaux sociaux. En 2005, s’est créée la première chaîne de télévision sur Internet, entièrement réalisée à partir de contenus fournis par des amateurs :YouTube[+]. Depuis 2005, le phénomène a néanmoins changé d’échelle.
La décennie passée a connu, en effet, des modifications rapides des conditions de production et de distribution des contenus numériques, diffusés désormais sur plusieurs types d’écran (consoles de jeux, TV/TV connectées, PC, écrans des mobiles), et divers terminaux (smartphones, phablettes[+] et tablettes). En particulier, la disponibilité accrue des nouveaux réseaux très haut débit, l’accessibilité des services offerts grâce à des modèles de tarification des données avantageux, ont notamment permis la montée des usages sur mobiles et contribué à la capacitation des usagers. La façon d’accéder aux contenus a changé, la consommation multi-écrans, séquentielle ou synchronique (multitâches) s’est imposée.
De nouveaux genres de partage sont apparus avec les réseaux sociaux, d’abord en ligne, puis sur les mobiles. En l’espace de quelques années, des formes de communication différentes et de nouveaux types de contenus sont venus s’ajouter ou enrichir les contenus antérieurs. La diffusion des smartphones et tablettes ouvre aux utilisateurs de nouvelles façons d’interagir avec leurs terminaux et écrans, déplaçant les usages vers l’Internet mobile et tous les types de médias mobiles. Ainsi, s’amorce la possibilité de création de nouveaux contenus et d’un ensemble de nouvelles applications («apps») dont le nombre a explosé. En 2015, on recensait 3,7 milliards d’utilisateurs uniques de mobiles dans le monde et 2,6 milliards de smartphones.
Cette croissance est désormais portée avant tout par les consommateurs, de plus en en plus actifs, alors qu’auparavant elle était portée d’abord par les entreprises. Il en résulte un nouveau cercle vertueux entre l’offre (réseaux et terminaux) et la demande tirée par ces derniers, qui favorise le développement d’une nouvelle économie des applications. De plus, cette croissance est dominée par les applications « média », la vidéo en étant le moteur avec plus de 50 % du trafic.
En même temps, la consommation des médias bascule du mode « push » à un mode « pull », la demande jouant un rôle central pour opérer ce basculement. On assiste ainsi à une « consumérisation » de la production et la distribution des contenus. Désormais, les consommateurs divertissent les consommateurs. Leurs contributions prennent deux formes principales : l’autoédition dans les domaines du livre, de la musique, et de la vidéo d’une part, l’animation de communautés de fans (à travers des fanzines) et leur implication éventuelle dans la production (information, musique, vidéo…) y compris sous forme de financement participatif, d’autre part.
Les frontières entre amateurs et professionnels se sont brouillées[+]. Il s’est ainsi ouvert un espace intermédiaire entre les contenus réellement édités et les divers UGC allant de contenus quasi-professionnels à ceux émanant des « amis ». Les utilisateurs deviennent potentiellement des co-créateurs et des co-innovateurs, une nouvelle division du travail entre amateurs et professionnels se fait ainsi jour.
Celle-ci varie selon les secteurs concernés et leurs spécificités, mais c’est dans ce contexte de capacitation des utilisateurs que se placent les développements dans le secteur de l’information. Dans le cadre d’un tel environnement multiplateformes, les relations entre les utilisateurs et l’information revêtent trois caractéristiques : elles sont portatives, personnalisées et participatives. Déjà en 2010, l’institut de recherche Pew[+] indiquait que 33 % des utilisateurs de mobiles aux États-Unis accédaient aux informations à travers leurs mobiles ; que 28 % d’entre eux avaient personnalisé leur page d’accueil en incluant des informations provenant de sources les intéressant (ce que l’institut Pew nomme la voie vers le « Daily Me » ) enfin, 37 % des utilisateurs américains de l’Internet avaient contribué à la création, au commentaire ou à la dissémination des informations.
Dans une large mesure l’expérience de l’information devient partagée, ce que d’autres données sont venues confirmer, notamment à propos de la place du mobile comme voie privilégiée d’accès à l’information. Un rapport de l’institut Reuters de 2015 confirme le rôle clé des smartphones et leur progression constante comme accès privilégié à l’information avec respectivement 25 % des utilisateurs de smartphones qui s’en servent comme point d’accès principal, et deux tiers des détenteurs de smartphones y recourent chaque semaine[+].
La presse face à de nouveaux défis
Toutefois, dans le cas de la presse, le recours à des tiers n’est pas un phénomène nouveau, la fourniture de contenus de presse s’appuie depuis longtemps sur les contributions de pigistes et autres free-lances aux statuts professionnels variés, allant des professionnels (y compris les agences et fournisseurs spécialisés) aux amateurs[+]. Ce recours se justifiait tant par des raisons économiques (limiter les frais de personnel permanent) que par un souci de coller à certaines formes d’actualité notamment locale ou spécialisée (expertise). Il se justifie toujours, mais ses formes ont évolué dans le contexte de changements technologiques actuel. De surcroît, la presse a dû faire face à une grave crise de son modèle économique traditionnel au moment même où surgissait la vague numérique.
Pour résumer les différents défis auxquels la presse a été confrontée, on notera d’abord que l’érosion de son lectorat a commencé il y a plusieurs décennies, bien avant l’accès de masse à Internet il y a plus de trente ans, d’après Olivier Donnat. L’étude d’Hal Varian indique que le nombre d’exemplaires par foyer a commencé à chuter dès 1947 aux États-Unis.
Les journaux ont réagi de différentes façons face à ces modifications du marché, souvent d’abord par réduction des coûts, notamment de la masse salariale. La presse a aussi tenté d’innover en introduisant de nouvelles formules : gratuits, suppléments hebdomadaires et autres produits de presse, et aussi par l’amélioration de la qualité graphique après l’introduction de nouveaux procédés d’impression. Toutefois, le modèle d’affaires historique qui mélangeait le produit des ventes directes et celui des ventes indirectes (petites annonces, publicité) avait atteint ses limites. La presse constituait alors un des exemples classique de marché biface, au même titre que la télévision où les revenus indirects subventionnaient la production et la distribution de l’information.
L’arrivée de l’Internet a révélé que les utilisateurs ne valorisaient pas autant que la presse le pensait les contenus les plus coûteux à produire L’arrivée de l’Internet et l’accès gratuit à l’information ont révélé que les utilisateurs ne valorisaient pas autant que la presse le pensait la partie analytique et les contenus édités les plus coûteux à produire. De plus, comme le notait Hal Varian, l’économiste en chef de Google[+], le monde en ligne reflète le monde hors ligne :l’information au sens strict est difficile à monétiser[+], à fortiori dans le cas d’une concurrence accrue et protéiforme.
En effet, l’arrivée de l’Internet a permis de nouvelles configurations, a vu l’arrivée de nouveaux acteurs (infomédiaires ou agrégateurs), de nouveaux services et de nouvelles façon de produire de l’information. Au-delà de la diversité des modes d’organisation des organes de presse, il restait une constante : l’agrégation de contenus multiples au sein d’un produit unique, l’imprimé. Les nouvelles technologies affectent directement cette fonction centrale en faisant disparaitre la notion de copie. Les investissements nécessaires à la production de l’information imprimée sont remplacés par des investissements dans des solutions logicielles, du personnel qualifié et formé, et de nouveaux modes de gestion des relations avec les clients. L’abondance des contenus déstabilise le modèle traditionnel et remet en question les modes de rémunération des éditeurs, des distributeurs et des journalistes. C’est dans ce contexte que le recours aux UGC prend un jour nouveau.
Dans un univers où la demande prévaut, où la propension à payer des lecteurs est incertaine (l’étude de l’institut Reuters indique que seuls 10 % des utilisateurs d’information en ligne sont prêts à payer) et où les ressources des producteurs d’information sont limitées voire en diminution, il devenait de plus en plus pertinent de revenir sur les différentes modalités de recours à des tiers.
Agrégation, modes d’engagement et rôle des utilisateurs
Le recours à des tiers varie en effet selon plusieurs dimensions, l’une dépend du type d’agrégation pratiquée. Avant de tenter de regrouper les modalités d’engagement dans les UGC, il est utile de revenir sur les différentes formes d’agrégation de contenus pour mieux cerner ceux qui relèvent pleinement des UGC de ceux qui peuvent n’offrir que des formes de personnalisation des flux d’informations Kimberly Isbell en distingue quatre formes principales : les agrégateurs, les agrégateurs spécialisés, les agrégateurs d’UGC et ceux de blogs.
Les agrégateurs (« Feed Aggregators » ou « RSS[+] aggregator ») apportent des contenus de sources diverses aux utilisateurs (contenus souvent limités au titre). Les plus connus sont Yahoo! News (My Yahoo étant sa déclinaison personnalisée) et Google News. Les agrégateurs spécialisés ne collectent des contenus que sur des sites ou des thèmes spécialisés, ainsi des sites hyper locaux tels que Everyblock et Outside.In ou des sites spécialisés en technologie comme Techmeme ou en politique, à l’instar de Political Wire. Ces deux types d’agrégateurs recourent à des contenus de tiers mais sur un mode automatisé, à base d’algorithmes pour sélectionner les contenus par importance, ce qui n’implique pas, stricto sensu, de sélection éditoriale[+] et se retrouvent le plus souvent accusés de faire une concurrence directe aux sites des éditeurs de presse car recourant aux propres contenus de ces derniers. Même automatique, il s’agit néanmoins d’un mode d’implication des tiers puisque les algorithmes prennent compte la fréquence d’utilisation ou les recommandations anonymisées des amis et relations (c’est le cas de Facebook). Degré zéro de l’implication des consommateurs si l’on veut, mais implication tout de même.
Les agrégateurs de contenus générés par les utilisateurs sont des sites qui regroupent une plus grande variété de sources et des liens vers des blogs ou des sites. Enfin, un agrégateur de blog construit son site à partir de contenus de tiers pour traiter des sujets. Les sites de Gawker et le Huffington Post sont parmi les plus connus. Le premier synthétise des contenus de blogs « bruts » sous la forme d’un texte unique, offrant les sources à la fin du texte. Le texte peut être réduit à un court résumé ou à des extraits. Le Huffington Post est organisé en différentes sections, les premières pages offrant un mélange d’accès à différents types de contenus dont des contenus originaux émanant de la rédaction, des agences de presse hébergés sur le site et d’articles venant de sites tiers. Le Huffington Postreprend ou modifie le titre original du texte provenant de ces sites. Il s’agit donc là d’utilisations actives et sélectives de contenus tiers par l’équipe éditoriale. Paul Ackermann raconte qu’au moment de la mise en place de la déclinaison française, la seule contrainte imposée par l’équipe américaine avait été la création de deux postes spécifiques : celui de « traffic and trend editor » chargé de repérer et gérer les éléments sur les réseaux sociaux et celui de « blog editor » en charge de ces contributions[+].
Une autre façon de rendre compte de l’implication des tiers consiste à suivre les modes d’engagement des utilisateurs dans la presse à partir des deux formes principales de contributions indiquées principalement : autoédition et communauté.
Nous avons classé dans la rubrique de l’autoédition, les blogs bien sûr, mais aussi les agrégateurs de blogs comme le Huffington Post ou Mediapart en raison des opportunités qu’ils offrent de publication de textes d’amateurs, et par opposition au fonctionnement en communauté que ce soit sous forme de contribution au débat démocratique du journalisme citoyen ou de phénomènes d’animation de communautés plus restreints comme ceux de fanzine qui relèvent de la presse spécialisée. Le site britannique pour parents (« pour et par des parents » dans sa présentation) Mumsnet est un exemple intéressant d’un site fondé sur une communauté. Créé en 2000, par des journalistes professionnels rétribués, il s’appuie néanmoins avant tout sur les contributions de ses membres et se connecte à des sources diverses. Il génère plus de 85 millions de pages regardées et plus de 17 millions de visites mensuelles.
On notera qu’en ce qui concerne le financement participatif, une étude de Pew Research, conduite en 2015 sur le seul site de Kickstarter révèle que le financement de l’information de cette façon, avec seulement 6,3 million de dollars et 655 projets, est largement à la traîne vis-à-vis d’autres médias tels que les jeux qui récoltent plus de 350 millions de dollars pour soutenir plus de 6 000 projets acceptés ou les films et la vidéo (247 millions pour 18 600 projets).
Les modes d’engagement dans les UGC, dans le secteur de la presse. Quelques exemples.
Enfin, la fréquence de la collaboration entre amateurs et organes d’information peut varier. Elle peut être occasionnelle ou régulière et, dans ce cas, comme le note Jean-Marie Charon, se rapprocher de la figure plus traditionnelle du rubricard. Il s’agit dans ce cas avant tout de contributions « techniques », à visée d’expertise sous une forme ou sous une autre pour des domaines que ne peut pas couvrir la rédaction en raison de ses effectifs limités. C’est le mode de collaboration le plus utilisé par des titres comme Huffington Post, Atlantico, LePlus, Figarovox. Elles font partie du format éditorial adopté par ceux-ci, le titre offrant des sections, des espaces d’expression sous forme de blogs comme celles offertes par Le Monde.fr à ses abonnés, 20Minute.fr aux lecteurs qui le souhaitaient, ou Mediapart (Le Club).
Cette intégration de contributions de tiers n’est pas limitée aux journaux en ligne, aux « pure players » dans le jargon de l’Internet[+], comme le Huffington Post ou Mediapart, mais touche, comme nous venons de le voir avec l’exemple du Monde, la version en ligne de la presse traditionnelle. Dès 2008, une étude américaine concernant les cent premiers titres (en terme de circulation) de la presse aux États-Unis notait déjà que près de 60 % de ces titres offraient des formes de contenus générés par les utilisateurs[+].
À l’autre extrême, on trouve des collaborations exceptionnelles, souvent liées à un événement spécifique auquel le public s’est trouvé assister, catastrophes naturelles (Haïti, Népal.. 😉 ou événements politiques (élections…)[+] quand il s’agit du suivi d’un événement politique ainsi du « BBC’s live blog » ou du blog pour les élections du Guardian. Jean-Marie Charon souligne que dans certains cas, comme celui du printemps arabe, les contributions des amateurs peuvent être pré-formatées pour être reprises dans la presse internationale. Dans ces deux cas de figure (collaboration régulière/collaboration occasionnelle), la contribution peut ou non être rémunérée. Dans ces deux cas, la rédaction est activement impliquée dans l’interaction avec le public.
Cela n’est en général pas le cas pour une forme intermédiaire de coopération au travail des journalistes par voie de commentaires, suggestions ou repérages et indications de documents. Une activité qui, comme noté par l’institut Pew en 2010, impliquait plus d’un tiers des utilisateurs. L’un des blogs créé par le Guardian avait précisément l’objectif d’ouvrir un espace documentaire au public. La rédaction peut néanmoins intervenir pour modérer les commentaires sur son site, ainsi de Slate.fr[+]. Elle peut aussi décider d’y mettre en terme comme ce fut le cas pour le site américain de vulgarisation scientifique PopSci.com avant d’éviter que des « trolls » ne polluent les débats[+].
Presse et utilisateurs : des relations en voie de diversification
Initialement, la presse traditionnelle s’est montré plutôt réticente vis-à-vis des nouvelles possibilités ouvertes par la transition vers le numérique, l’arrivée de l’Internet, bien que certains titres fassent figure de pionniers dans le domaine comme le Daily Telegraph, le Guardian ou le Wall Street Journal.Les nouveaux venus, agrégateurs ou « pure players », ont dès lors été à la pointe de la transformation des relations avec les lecteurs/ utilisateurs, innovant dans leur façon de dialoguer avec ces derniers. Aussi pour des raisons économiques, notamment parce que leurs modèles d’affaires sont souvent construits autour de cette interaction et des données fournies par les usagers, en particulier quand il s’agit d’un modèle « freemium ». La presse s’est également intéressée plus tardivement à ce modèle du gratuit susceptible de générer des achats. Ainsi, du Monde qui s’appuie sur ses 15 millions de lecteurs numériques par mois pour tenter de convertir une partie de ce lectorat en utilisateurs payants.
Du côté des acteurs traditionnels, les contraintes économiques amenant des réductions drastiques des équipes éditoriales[+] ont aussi conduit; avec des tâtonnements, à chercher à changer les modes de relations avec les usagers. En 2010, Charlie Beckett annonçait que près de 50 % des postes permanents disparaitraient : il en résulte une nécessité de passer par d’autres sources, des amateurs donc, ou des sociétés qui ne relèvent pas des médias. Dans cette perspective, ce qu’il nomme journalisme connecté est un concentré de participation, d’interaction et de connections à des sources d’information, le tout facilité par des professionnels issus de la presse. Sous la bannière du « journalisme ouvert », le Guardian a cherché à établir de nouvelles formes de relations avec ses lecteurs, mais aussi, en même temps, à faire évoluer et former ses équipes de journalistes à des nouvelles techniques comme celles du « live blogging », la vidéo et le journalisme de données (« data journalism »). Jon Henley souligne à quel point dans cette stratégie de « journalisme ouvert », l’échange est au cœur de leur projet[+].
Le journalisme hyper-local indépendant est une forme d’adaptation au déclin progressif de l’information locale et régionale dans un certain nombre de pays dont les États-Unis ou le Royaume-Uni, son coût intrinsèque de production et sa faible portée extérieure le rendant a priori peu ou pas rentable. Le Guardian a été l’un des premiers journaux professionnels à tenter de se relier à ces sources communautaires, leur assurant en retour une couverture plus vaste. Le recours aux réseaux sociaux a été également une opportunité pour le Daily Telegraph de tirer parti de l’engagement d’une communauté. Il s’agissait de renforcer la proximité entre journalistes et lecteurs en adoptant une démarche d’hébergement.
Le lecteur, un acteur devenu incontournable
Comme on peut le voir ces initiatives mêlent un souci de modifier les relations avec le lectorat, d’intégrer les nouvelles formes de consommation portées par ces derniers et de tirer parti des nouvelles ressources technologiques, à des considérations économiques, non seulement de réduction des coûts, mais également de formes de monétisation de l’information, et de quête de nouveaux modèles d’affaires au centre desquels se retrouvent les lecteurs.
Ces évolutions viennent troubler les frontières entre amateurs et professionnels introduisant de nouvelles formes de distribution, d’externalisation et de rémunération. Toutefois ces formes diverses de « crowdsourcing » pourraient n’être perçues que comme une option facile de réduction des coûts fixes du travail pour mieux s’adapter aux divers changements, en tirant partie du fait qu’une partie de contributeurs bénévoles semble se satisfaire de la rémunération symbolique liée à leur nouvelle visibilité, ou encore à l’acquisition d’un statut pouvant être perçu comme valorisant. De fait, ces pratiques ouvrent des questions sur le statut de ces collaborateurs à l’ère de l’Internet : nouveaux travailleurs créatifs ou travailleurs flexibles et non rémunérés ? Des revendications salariales peuvent apparaître. Cela pose d’ailleurs toute une série de problèmes légaux qui varient en fonction des lois d’encadrement du secteur de la presse selon les pays.
Néanmoins, tous les amateurs ne cherchent pas nécessairement à devenir professionnels, ni à se procurer des revenus complémentaires. Dans le cas de la presse, à la différence des UGC dans d’autres médias comme la vidéo avec les Youtubeurs ou les jeux vidéo, cette participation des lecteurs n’ouvre pas nécessairement une voie royale pour permettre à la profession de sélectionner des talents, sans doute aussi en raison de l’antériorité du recours à la prestation de tiers dans ce secteur.
La déferlante de contenus hétérogènes remet en question les valeurs traditionnelles de la presse tels que l’objectivité et l’autorité Enfin, sur le plan des contenus, la déferlante de matériaux hétérogènes, même soumis à un contrôle éditorial dans le cadre d’un journalisme connecté, remet en question les valeurs traditionnelles de la presse tels que l’objectivité et l’autorité. Néanmoins, comme le souligne Charlie Beckett, les journalistes traditionnels ne présentaient pas moins une vision particulière de l’information, et ce à partir d’une base sociale plus restreinte.
Il ajoute que les bénéfices de la diversité l’emportent sur les risques : le public bénéficie désormais d’un accès élargi à des points de vue différents. La mission des journalistes contemporains consiste désormais, aux yeux de l’expert de la London School of Economics, à fournir quatre types principaux de liens : entre les contextes et les événements, entre les citoyens et les processus politiques, entre les citoyens et la masse génératrice de confusion d’informations en ligne et hors-ligne, et enfin entre communautés. Dans ce contexte, les utilisateurs sont devenus difficiles à contourner.
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