Le cinquantenaire de l’établissement de la coopération entre la Côte d’Ivoire et l’institution de Bretton Woods sera célébré, aujourd’hui, à son siège.
Partenariat Côte d’Ivoire-Banque mondiale: 768 mille milliards de Fcfa investis en 50 ans, mais…
Au 30 juillet 2014, le groupe de la Banque mondiale (Ida-Bird, Sfi et Miga) a investi, globalement, 1536 milliards de dollars (soit 768 mille milliards de Fcfa) dans l’économie ivoirienne. A raison de 433 millions pour l’Association internationale de développement (Ida), 317 millions de la Société financière internationale (Sfi) et 786 millions de l’Agence multilatérale de garantie des investissements (Miga). C’est le bilan de cette coopération, née le 11 mars 1963, qui sera fait aujourd’hui 25 juin, à partir de 9h, à la faveur de son cinquantenaire, au siège du bureau régional de l’institution, à Cocody. Autour du thème: «50 ans de partenariat entre le groupe de la Banque mondiale et la Côte d’Ivoire: acquis, défis et perspectives ». Outre la cérémonie officielle qui sera marquée par des allocutions, la journée comprendra également la visite de stands et une exposition photo ouverte au grand public.
Les débats se dérouleront à travers trois ateliers avec des thématiques que sont: «Travailler avec le secteur privé: quelles opportunités; Exécution, impact et suivi des projets sous financement Banque mondiale; A la découverte du groupe de la Banque mondiale». Enfin, seront proclamés les résultats du concours ‘‘Jeunesse et développement’’.
Les temps forts
Ousmane Diagana, le directeur des opérations de la Banque pour la Côte d’Ivoire, le Togo, le Burkina Faso et la Guinée, recevra comme invité pour représenter le partenaire, le Premier ministre, ministre de l’Économie, des Finances et du Budget, Daniel Kablan Duncan.
Pour l’institution dont les activités se sont diversifiées au fil du temps, embrassant l’ensemble des secteurs socio-économiques, cette journée sera l’occasion de « passer en revue les temps forts, les acquis, les défis, pour enfin dégager les perspectives dans un double contexte ». Celui, s’agissant de « la Côte d’Ivoire, de réaliser l’ambition de devenir un pays émergent à l’horizon 2020 et pour la Banque mondiale, de mettre fin à l’extrême pauvreté en 2030 et booster une croissance partagée».
Pour un nouveau départ
En effet, la Stratégie de partenariat–pays (Cps) qui constitue la base de la coopération entre la banque et la Côte d’Ivoire a pris fin le 30 juin 2014. A l’achèvement des derniers projets en cours, la Cps sera remplacée par la Nouvelle stratégie de partenariat-pays dont la mise en œuvre va coïncider avec le nouveau Plan national de développement (Pnd 2016-2020). Cette nouvelle stratégie qui doit être adossée à un diagnostic du pays a donné lieu à des consultations des acteurs du secteur privé, du monde politique, de la société civile et bien évidemment du gouvernement. Menées en septembre dernier, elles ont abouti à la rédaction d’un document qui sera la base de la nouvelle stratégie qui sera adoptée pour exécution à partir de fin juillet 2015. Cette stratégie s’appuiera à la fois sur les priorités de l’exécutif ivoirien, les objectifs de la banque et les préoccupations des populations en matière de lutte contre la pauvreté. D’où la nécessité, selon Ousmane Diagana, de renforcer « les réformes structurelles et sectorielles, mais aussi les innovations ».
En effet, lors de sa deuxième conférence de presse, le 10 novembre 2014, le directeur des opérations de la Banque mondiale évoquait « un bilan satisfaisant de l’Ida 16 »dont le montant a d’ailleurs été « doublé ». Mais aussi, il a souligné la réussite de la stratégie actuelle qui avait été adoptée au lendemain de l’Accord politique de Ouagadougou, signé le 4 mars 2007. A preuve, la croissance économique de 9% ces trois dernières années, le succès du programme Pays pauvres très endettés (Ppte) et l’amélioration de l’environnement des affaires. Mais il n’ignore pas les faiblesses à corriger. « Les challenges sont nombreux » et ont trait à « la répartition de la croissance», vu que « la pauvreté est élevée et qu’une partie de la population est exclue ».
La nouvelle stratégie – pays
Les préoccupations majeures, au terme des consultations, peuvent être, selon le directeur des opérations, ainsi résumées: « la gouvernance ; le triptyque éducation- formation-emploi ; la pression démographique et son impact sur l’environnement car perçue comme une menace ; la question foncière ; l’agriculture qui est encore à l’état traditionnel sans oublier les contraintes de l’accès au marché et donc de la valeur ajoutée». D’où sa conclusion en faisant référence au président de la Banque, Jim Yong Kim, qui disait : « Les progrès techniques et technologiques doivent favoriser l’élimination de l’extrême pauvreté d’ici 2030», avec l’implication de la Banque. C’est ce à quoi doit s’atteler l’Ida 17 dont les programmes doivent avoir un impact mesurable sur les populations bénéficiaires. D’où l’urgence de renforcer le dispositif de la gouvernance des projets en cours et à venir.
En effet, bien que le gouvernement ivoirien soit régulièrement félicité pour ses performances, notamment le fait de figurer parmi les dix meilleurs pays réformateurs en 2013 et 2014, selon le rapport Doing Business de la Banque mondiale, pour son taux de décaissement de crédit qui tourne autour de 51% contre un objectif de 25%, le mettant en première position en Afrique, loin devant le Kenya, le Rwanda, la Tanzanie, le Mozambique et la Rd. Congo, des efforts demeurent. D’autant que les modèles de l’heure que sont la Chine, le Brésil et l’Inde réalisent des taux de décaissement annuels de 70% et des taux d’efficacité avoisinant les 100%, a indiqué, le 18 juin, Ousmane Diagana, lors de la troisième ‘‘Revue de la performance du portefeuille des projets financés par la Banque mondiale’’en Côte d’Ivoire. Et pour améliorer la qualité des programmes et projets, la Bm recommande la conception et la mise en œuvre effective d’un dispositif de suivi évaluation, tant au niveau macro (l’ensemble du programme d’investissements publics) que micro (les projets pris individuellement). Le ministre chargé de l’Economie et des Finances, Nialé Kaba, avait reconnu que le système a quelques contraintes. Elles ont pour noms « les difficultés de mobilisation de la contrepartie Etat dans le financement et le fonctionnement effectif des comités de pilotage ».
La revue de l’aide
Le chef du gouvernement qui dit apprécier cet exercice bipartite a défini son ambition. « Le gouvernement souhaite que les objectifs de croissance forte s’accompagnent de la réduction de la pauvreté, de la création d’emplois qualifiés et non qualifiés ainsi que d’activités génératrices de revenus (…..). Il s’agit d’orienter les choix stratégiques de développement de notre pays dans la durée et la résilience», a indiqué Kablan Duncan.
Le projet de la Nouvelle stratégie-pays a déjà été approuvé, avant même la fin des discussions, par la directrice générale de la banque, Mme Sri Mulyani. Qui avait salué la qualité de la coopération lors de l’audience accordée au Premier ministre ivoirien, Kablan Duncan, en marge des Assemblées annuelles du Fmi et de la Banque mondiale, du 10 au 12 octobre 2014, à Washington. « En termes de perspective, nous sommes en train de préparer une nouvelle stratégie pour le développement de la Côte d’Ivoire. Le diagnostic est en cours et d’ores et déjà, une enveloppe de 700 millions de dollars (soit 350 milliards de Fcfa), au titre de l’Ida 17, est disponible pour la Côte d’Ivoire. Nous comptons l’utiliser en tant que groupe (Bm, Sfi, Miga) pour aider le pays à faire davantage de progrès, certes en tenant compte des priorités nationales, mais aussi en prenant en considération d’autres éléments essentiels pour notre institution», avait-elle déclaré en présence de Ousmane Diagana.
Le développement des infrastructures
La Sfi intervient énormément dans le secteur énergétique, notamment dans la construction des centrales Azito et Ciprel. De même que l’Agence multilatérale de garantie des investissements (Miga) a contribué au financement du pont Henri Konan Bédié, inauguré le 16 décembre 2014 et de la centrale thermique d’Azito. Face à Mme Keiko Honda, directrice générale de la Miga, Kablan Duncan a également présenté quelques dossiers sur lesquels des informations complémentaires étaient attendues. « Nous avons présenté plusieurs projets dans différents domaines. D’abord, le secteur de l’électricité pour continuer le beau travail fait par la Miga en Côte d’Ivoire. Ensuite, la transformation des matières premières: le cacao, la noix de cajou, etc. Mais aussi des projets (d’infrastructures) comme les 4e et 5eponts, les projets de l’autoroute qui doit aller d’Abidjan à Bouaké et vers le nord, le chemin de fer qui doit aller de Man à San Pedro pour évacuer les minerais de fer »,déclarait le Premier ministre en 2014.
………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
C’était le 11 mars 1963
L’établissement des relations entre l’Etat de Côte d’Ivoire et le groupe de la Banque mondiale remonte au 11 mars 1963, date à laquelle le pays, représenté par son ambassadeur à Washington, SEM. Aimé Henri Konan Bédié, est devenu membre de l’institution. Cinq ans plus tard, suivra la signature, en juin 1968, du premier accord de crédit pour le financement d’un projet de réhabilitation d’infrastructures routières entre les localités d’Abengourou-Agnibilékro, Abidjan-Abengourou ainsi que d’autres études pour un décaissement de 5,8 millions de dollars Us (soit 2,9 milliards de Fcfa). Ainsi, le groupe (Bird-Ida) figure parmi les acteurs du « miracle économique ivoirien » marqué par un taux de croissance à deux chiffres (avant la crise des années 1980). Exploit que le gouvernement actuel veut rééditer avec le concept d’émergence. En effet, un demi-siècle après, le pays est toujours dans une situation difficile, comparativement aux dragons d’Asie devenus émergents ou développés, alors qu’ils étaient moins nantis dans les années 1960.
Durant la décennie de crise militaro-politique (2002-2011), la Banque mondiale a été contrainte de limiter ses engagements, à partir de 2004, au fonds fiduciaire Licus et au fonds de soutien post-conflit (Pcf), en raison de 430 millions de dollars d’arriérés. Avant de reprendre progressivement avec la ‘‘Note de stratégie intérimaire’’ (Isn) qui sera consolidée par ‘‘une Stratégie de partenariat- pays’’(Cps) adoptée en mai 2010 et qui s’est achevée le 30 juin 2014, après une prorogation. Laquelle Cps a permis de soutenir le Document de stratégie de réduction de la pauvreté (Dsrp) et le Plan national de développement (Pnd 2012-2015) de la Côte d’Ivoire et qui sera suivi du Pnd 2016-2020 en cours d’élaboration et qui devra être déposé sur la table du gouvernement fin juin. La Banque mondiale a été un acteur majeur dans l’atteinte de la Côte d’Ivoire à l’initiative Pays pauvres très endettés (Ppte).
1963-2015. 52 ans d’un partenariat qui a connu, comme dans toute coopération, ses périodes lumineuses (le miracle ivoirien) et ses moments de rupture (la suspension des interventions de la Bm). Si la commémoration de cette alliance n’a pu être célébrée il y a deux ans, c’est certainement parce que le pays sortait d’une crise et que la priorité était de le stabiliser. Mais pour être plus précis, il nous faut rappeler ces données historiques qui font remonter la coopération à l’époque coloniale, c’est-à-dire avant l’indépendance de la Côte d’Ivoire survenue le 7 août 1960.
En effet, le premier projet a été financé en 1954, pour une enveloppe de 7,5 millions de dollars, soit 3,75 milliards de Fcfa, à la demande du gouvernement français, au profit de la Centrale des chemins de fer de la France d’Outre-mer. Société qui avait en charge la Régie des chemins de fer Abidjan-Niger (Ran). Après son accession à l’indépendance, la Côte d’Ivoire sera admise à la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (Bird) en 1962 et à la Société financière internationale (Sfi/Ifc). Elle signe son acte d’adhésion en 1963. 52 ans après, se prolonge une coopération qui a certainement encore de belles années devant elle.