Alors que la Chine a dévoilé en novembre dernier son avion moyen-courrier aux standards occidentaux, le russe Irkut vient de présenter le MC-21, concurrent potentiel des Airbus A320 et Boeing 737.
Après la voiture, l’avion. Alors que le monde de l’automobile voit éclore depuis quelques années de nouvelles marques (Tesla, Faraday etc.), celui de l’aéronautique aussi est en pleine ébullition. Outre les nombreuses start-up qui rêvent de redonner vie aux vols supersoniques, des constructeurs veulent jouer les trouble-fête dans l’aviation de ligne aux mains du duopole Airbus/Boeing depuis des décennies. Ainsiaprès le C919 du chinois Comac, c’est le russe Irkut qui a présenté cette semaine le MC-21 son avion de ligne moyen-courrier.
Dévoilé en direct à la télé russe dans un grand show en présence du Premier ministre, Dmitri Medvedev, ce biréacteur est le premier avion moyen-courrier capable d’accueillir plus de 200 passagers que lance l’industrie aéronautique russe depuis la fin de l’URSS. Il s’agit aussi d’un des premiers projets de grande envergure de OAK, l'”EADS russe” né en 2006 du rassemblement de plusieurs compagnies aéronautiques dont Irkut. Il devrait remplacer les avions de l’ère soviétique tels que le fameux Tupolev Tu-204.
Pour son retour au premier plan, la Russie a donc conçu un appareil moyen-courrier pouvant transporter de 132 à 211 passagers selon la configuration choisie par la compagnie aérienne. Assemblé avec plus de 30% de pièces détachées étrangères fournies notamment par le français Thales ou l’américain Honeywell, il sera équipé d’un moteur américain Pratt & Whitney.
Selon son constructeur, il est 6 à 7% plus économe que les versions les plus modernes de ses concurrents (A320 NEO et B737 MAX). Une affirmation dont doutent cependant les spécialistes de l’aéronautique. En revanche, la cabine est indéniablement plus large que celle de ses concurrents (4,06 mètres de diamètre). Ce MC-21 disposera d’un couloir de 61 cm qui permettra aux passagers de se croiser plus aisément que dans un A320 par exemple qui n’offre que 48 cm pour circuler entre les rangées de sièges.
26 fois moins de commandes qu’Airbus
Si cet appareil est séduisant sur le papier, a-t-il pour autant les moyens de se faire une place face au duopole Airbus/Boeing? C’est loin d’être gagné. L’avionneur russe s’attaque en effet au segment très disputé des avions moyen-courrier, un marché très lucratif estimé à 5.000 milliards de dollars sur les 20 prochaines années. Or la bataille fait déjà rage entre les géants américain et européen. Le Boeing 737 MAX en est déjà à près de 3.100 commandes et l’Airbus A320 NEO culmine lui à 4.568 commandes. Irkout revendique, lui, un carnet de commandes de 175 appareils exclusivement de la part de compagnies issues de pays de l’ex-URSS.
Pour réellement décoller et atteindre les 10 à 15% de parts de marché visées, l’avion devra surtout convaincre les compagnies étrangères. Et là c’est loin d’être gagné. Le MC-21 arrive en effet cinq ans après la mise en service de l’appareil régional Superjet 100, premier avion civil conçu par la Russie post-soviétique et symbole du renouveau d’une industrie aéronautique tombée en ruines après la chute de l’URSS. Or le lancement de petit porteur a eu lieu dans la douleur, avec un crash lors d’un vol de démonstration, des problèmes techniques à répétition et des difficultés financières pour son constructeur Soukhoï. Le Superjet a peiné à trouver des clients au delà de la compagnie nationale Aeroflot et de la mexicaine Interjet et il a fallu attendre cette année pour qu’il soit pour la première fois livré à un transporteur européen, l’irlandais CityJet.
35% moins cher que les concurrents
Pour réussir à s’imposer, Irkut compte sur son prix de vente attractif. L’avion serait proposé en catalogue à 70 millions de dollars selon l’agence russe Sputnik, soit 35% de moins que ces rivaux de chez Boeing et Airbus.
“Je suis convaincu que ce sera un très bon appareil, économique et fiable. Et ce que nous voyons aujourd’hui confirme que nous sommes capables de créer des appareils qui non seulement permettent à notre secteur aéronautique d’aller de l’avant, mais peuvent aussi concurrencer d’autres Etats”, a tenu à souligner le chef du gouvernement. Avant un hypothétique succès commercial, l’avion aura au moins réussi à redonner de la fierté à un ancien grand de l’aéronautique.
avec bfmtv