J’en ai connu quelques-unes des préparations pourries de l’équipe de France, dans un climat de défiance totale, l’année 1998 restant le symbole éternel, mais là ça dépasse tout.
Sur le plan purement sportif, Didier Deschamps tourne à une catastrophe par jour, de Raphaël Varane à Jérémy Mathieu en passant par Lassana Diarra. La défense centrale bleue, déjà décimée depuis quelques semaines, a donné des signes de faiblesse inquiétants malgré la victoire contre le Cameroun (3-2). Pour être tout à fait franc, en cours de ce match de préparation, c’est toute la défense tricolore qui a été lamentable. Mais bon, ces soucis sont inhérents à la vie d’une sélection et d’autres nations connaissent également leurs lots d’absents et de soucis en tout genre. Le problème, c’est qu’en plus de tout ça, l’institution équipe de France est attaquée de toutes parts, son sélectionneur étant soupçonné de racisme.
C’est Eric Cantona, jamais en retard pour prononcer une ânerie balancée avec ses grands airs humanistes, qui a allumé le premier foyer d’incendie, traitant Didier Deschamps de mormon et se moquant de son nom «bien français». Des arguments minables. Jamel Debbouze lui a emboîté le pas en mélangeant tout. La non-sélection de Karim Benzema, qui est un choix dicté par un problème judiciaire, c’est quand même bon de le rappeler ces derniers jours, et de Hatem Ben Arfa, qui reste un choix sportif, certes plus que discutable, du sélectionneur.
La double charge était déjà pesante. Du coup, Karim Benzema, certainement renforcé par le fait d’avoir gagné une deuxième Ligue des champions avec le Real Madrid, et encouragé par ces prises de position, a donné le coup de grâce avec une interview dans le quotidien sportif espagnol Marca, accusant Didier Deschamps d’avoir cédé à une partie de la France raciste. Rien que ça.
En clair, ce que dit Benzema aujourd’hui, c’est «je ne pense qu’à moi, je n’en ai rien à fiche de votre Euro» et, en plus, si vous vous plantez, bien fait pour vous les méchants racistes. Sa petite et inestimable personne passe donc avant l’équipe de France. C’est une victimisation qui est peu supportable car le fond de l’affaire, c’est qu’il n’est pas en équipe de France parce qu’il est mis en examen après l’affaire du chantage à la sextape de Mathieu Valbuena. Et dans ce dossier, ses origines, quelles qu’elles soient, n’ont pas la moindre importance. «C’est bien la première fois que j’entends Karim Benzema s’intéresser aux questions de racisme», a remarqué Dominique Sopo, président de SOS Racisme, avant de poursuivre : «Nous sommes face à un personnage qui montre un certain degré d’égoïsme et de narcissisme, et qui ne porte d’intérêt à la question du racisme que quand ça le concerne.»
Pendant ce temps-là, Mathieu Valbuena, la vraie et seule victime, se tait. Ben Arfa a pris son absence dans la liste des 23 avec une retenue et une classe qui en disent beaucoup sur sa maturité. Pourtant, c’est bizarre, 70 % des Français souhaitaient sa présence à l’Euro. Racisme à élasticité variable… C’est un véritable suicide. Comment peut-on imaginer désormais un seul instant le retour de l’ancien attaquant lyonnais en sélection une fois l’affaire de la sextape réglée dans un sens ou dans un autre ? Les gens ont de la mémoire. Même si ça ne se voit pas au premier regard, ils aiment les Bleus. En tout cas suffisamment pour qu’on ne leur crache pas dessus.
Pour avoir pris quelques renseignements en interne, les sélectionnés, actuellement en stage en Autriche, n’ont pas du tout apprécié la sortie de Benzema. Choqués, dégoûtés, beaucoup ne veulent plus en entendre parler. Bref, Karim Benzema a encore perdu une belle occasion de la boucler, de savourer tranquillement la onzième Ligue des champions madrilène et de profiter de cet Euro pour redonner un peu d’éclat à son image. Mais, s’il ne le fait pas, c’est parce qu’il a une bonne raison : il s’en fiche totalement, étouffé dans son rôle de «djeun’s» borderline. En fait, c’est triste. Pour lui. Pour les Bleus. Maintenant, il faut que le tournoi commence, ça pue vraiment ici.
Avec Direct Matin