Ndioro Ambassa, expert semencier et producteur de semences de maïs hybride à Bafia.
Tél. 77 86 79 55
Entre les deux types de semences certifiées de maïs, , qu’est-ce que le producteur doit choisir?
L’hybride adore la fertilité, sur le plan physiologique quand vous avez un champ de maïs en hybrides et composite, et que vous avez des moyens de donner de l’engrais, il vaudrait donner plus à l’hybride parce qu’il plafonne en matière de production assez haut et valorise plus la fertilité que la semence composite. Nous conseillons à ceux qui n’ont pas assez de moyens d’apporter la fertilité de continuer d’utiliser la semence composite. Parfois l’hybride peut vous donner un autre tonne de maïs de plus pour un seul sac d’engrais supplémentaire. Cela ne vaut pas la peine pour les gens qui n’ont pas la possibilité d’apporter la fertilité.
Les semences des variétés hybrides sont les plus performantes, mais malheureusement on n’en trouve pas facilement au Cameroun. Pourquoi ce paradoxe?
La raison est simple ; dans un premier temps il manque du savoir faire aux gens qui voudraient produire de la semence hybride. J’ai rencontre des ingénieurs agronomes qui ont pensé qu’ils pouvaient produire des semences hybrides une fois qu’ils avaient les parents. Etre agronome n’est pas suffisant. Il faut être discipliné et il faut comprendre les mécanismes. Il y en a qui ont pris des parents et qui n’ont jamais produis la semence. Il y a un savoir faire particulier dont il faut s’approprier. Il faut auusi réorganiser la chaîne de distribution. Vous ne pouvez pas aller à l’Institut de Recherche Agronomique pour le Développement (IRAD) aujourd’hui demander que vous voulez faire par exemple 10 hectares de semences des variétés hybrides et que vous avez besoin des parents et ils vous les vendent parce qu’il y en a pas. Pourtant c’est eux la source du matériel qu’on utilise.
En troisième lieu, on n’a pas anticipé qu’à ce jour, l’agriculture camerounaise aurait plus besoin des semences hybrides que de semences composites. Maintenant que les circonstances nous y obligent, j’espère que tous les acteurs auront le temps de se rattraper. Mais ce qu’on déplore plutôt de l’IRAD, c’est la flexibilité. La recherche pense que le matériel qu’ils ont généré est pour eux et non pour la production. Je le dis parce que s’ils avaient pensé que c’était pour la production, ils l’auraient multiplié à grande échelle et l’auraient mis à la disposition du public comme ils l’ont fait pour les semences composites. Mais ils en font une chasse gardée qui ne sert à rien parce que c’est du matériel périssable au fil des années car l’environnement change, des données changent aussi et ce matériel peut être appelé à être dépassé et tout ce travail là n’aura pas profité à l’économie camerounaise.
Etes-vous disposé à transmettre votre savoir-faire en matière de production des semences de maïs hybrides en formant d’autres personnes ?
Nous sommes ouvert à toute sorte de collaboration, étant donné que nous sommes convaincus que nous ne pouvons pas satisfaire le 1/10e de la demande. Le marché est vraiment entier. Nous sommes donc disposés soit à accueillir des stagiaires, soit à aller former des gens sur place.
Que pensez-vous des semences de variétés hybrides importées vendues au Cameroun?
Certains producteurs faute d’avoir des semences hybrides locales se tournent vers des semences hybrides importées qui leur donnent plus ou moins de satisfaction. Si elles sont sur le marché, c’est que les services compétents du ministère de l’agriculture ont trouvé que c’est bon. Je n’ai pas de commentaires à faire là-dessus. L’avantage du maïs est aussi qu’il a un cycle extrêmement court que les producteurs après avoir utilisé une semence peuvent eux même jugé où sont leurs intérêts. La nature n’aimant pas le vide, ils sont obligés de se ravitailler là-bas alors que cela coûte nettement plus cher. Même avec le renfort des semences hybrides importées, la semence hybride manque cruellement au Cameroun. C’est une grande opportunité même pour nos jeunes agronomes qui n’ont pas trouvé de l’emploi.
Qu’est-ce que l’Etat peut faire pour que la offre en semences de maïs hybride et composite soit à la hauteur de la demande?
L’Etat peut prévoir de construire des séchoirs partout où il y a un certain nombre critique de multiplicateurs. Parfois comme c’est le cas cette année, l’on n’arrive pas satisfaire la demande faute d’avoir fait sécher le maïs dans les délais . Il faut aussi que l’Etat envisage des aménagements pour des producteurs de semences, à l’instar de ce qu’ils font dans des sociétés de développement comme la Semry. Dans le Mbam-et-kim par exemple, il y a de grands espaces que l’Etat peut aménager et faire louer aux multiplicateurs de semences. Ces territoires seront garnis en pool d’équipements que les multiplicateurs pourront louer pour produire de la semence. La demande est si forte et les besoins importants qu’on ne devrait pas seulement attendre les pluies pour produire de la semence. Il faudra que ces aménagements incluent les systèmes d’irrigation pour le maïs soit produit en toutes saisons. L’Etat devrait encadrer les multiplicateurs de semences à davantage produire des semences hybrides car d’ici quelques années, on ne parlera plus de semences composites mais seulement de semence hybride comme c’est le cas actuellement en Europe. Il est temps de réorienter les appuis qu’on apporte aux multiplicateurs pour qu’on puisse avoir plus d’impact.
Avec La voix du paysan