Prendre en compte le genre dans les projets de développement revient à considérer le rôle de la femme et de l’homme. Cette approche fait l’objet de formations professionnelles et académiques.
Elisabeth Hofmann est enseignante chercheure à l’université de Bordeaux Montaigne et à Rennes. Elle est responsable de formation professionnelle en développement durable et intervient auprès d’étudiants camerounais.
Dans quel cadre vous trouvez-vous à l’université de Yaoundé II ?
Je suis là pour enseigner pendant une semaine en Master professionnel “analyse et évaluation de projets”. C’est une formation co-diplômée avec l’université de Rennes où je suis chargée de cours.
Pourquoi un cours sur le genre ?
L’idée est de montrer comment intégrer l’approche genre dans le montage des projets de développement.
Qu’est-ce que le genre ?
C’est à la fois un concept, une approche avec des outils et un objectif. Le concept, c’est cette idée que les différences entre femmes et hommes dans leurs activités et leurs responsabilités relèvent plus de la construction sociale, la culture et la tradition que des différences biologiques. Par exemple, il n’y a pas d’explication biologique pour que la femme porte des talons aiguille et l’homme la cravate.
Comment le mettre en pratique ?
L’approche dans un projet, c’est de tenir compte des différents intérêts, attentes, besoins et contraintes des femmes et des hommes pour permettre à tous et à toutes de participer et de bénéficier des projets. Par exemple, dans la construction de puits dans un village, il est bon que les femmes donnent leur avis sur l’emplacement parce que ce sont elles qui font la corvée d’eau.
Quel est l’objectif ?
En tant qu’objectif, c’est l’égalité des femmes et des hommes en termes de droit, de capacité à participer à des décisions, à exprimer son point de vue, à accéder à des revenus et des ressources. Si dans le projet de puits, les femmes sont consultées, elles peuvent faire partie du comité de gestion aux côtés des hommes.
Quel impact sur les projets ?
Les projets marchent mieux, ils sont plus viables, ont plus de chance de fonctionner dans la durée si on fait participer les hommes et les femmes.
Est-ce que les femmes peuvent tout faire, y compris les travaux très physiques ?
Les femmes ont une masse musculaire moins importante, mais elles abattent un travail physique énorme, notamment dans le monde rural. D’autre part, l’approche genre ne veut pas dire mixité ou parité à tout prix. Parfois, il peut être utile que les femmes se retrouvent entre elles pour réfléchir ensemble sur leurs choses à elles et idem pour les hommes. Il ne faut pas non plus perdre de vue qu’il existe des inégalités entre femmes et entre hommes.
Est-ce que des projets peuvent échouer si cet aspect n’est pas pris en compte ?
Des projets d’infrastructures d’eau qui sont gérés par des hommes seulement ont plus souvent des problèmes de mauvaise gestion des fonds et une durée plus longue de réparation des pannes que ceux gérés par les femmes ou avec les femmes.
Comment réagissent vos étudiants ?
Il y a toujours pas mal de réactions amusées. C’est une ambiance un peu hilare. J’ai l’impression que c’est une manière de montrer qu’ils sont un peu gênés par cette question du genre qui remet en cause la manière dont ils interagissent avec le sexe opposé.
Les étudiants hommes ont l’habitude de dire : «Oui, mais c’est naturel.» Alors que les femmes disent plutôt : «Il est temps que ça change. »
Ils ne sont pas réfractaires au genre. Si on devait leur donner une note, ce serait : «En cours d’acquisition.»
Avec le genre, on touche à des questions sensibles: les relations de pouvoir, les croyances religieuses, les inégalités sociales.
Est-ce que vous pouvez tout aborder en cours ?
Non, on ne peut pas tout aborder. Notamment ce qui touche à la sexualité, à l’orientation sexuelle, à l’avortement et à la prostitution.
Comment bénéficier de vos formations ?
Il y a beaucoup de femmes et d’hommes qui enseignent le genre au Cameroun. Avec l’association Genre en Action, dans laquelle je suis active à Bordeaux, nous co-animons souvent des formations sur le genre pour des acteurs de la société civile africaine. Notre site: www.genreenaction.net.
Que peuvent apporter vos étudiants au développement rural ?
J’ose espérer qu’ils contribueront à un développement rural où femmes et hommes participent, évoluent ensemble et bénéficient des retombées des projets de développement.
Avec La voix du paysan