En mai 2016, le FMI accordait au pays un crédit de près de 2,9 milliards de dollars pour accompagner le changement de son modèle de développement. Mais deux ans plus tard, les réformes structurelles visant à améliorer les perspectives de croissance et d’emploi marquent le pas.
Jeune Afrique : Pourquoi la reprise ne s’est-elle pas enclenchée ?
Robert Blotevogel : Le chômage et les inégalités régionales perdurent, l’inflation est à son plus haut niveau depuis une génération et le rythme d’endettement s’est accéléré. L’ancien modèle économique a atteint ses limites. Ces dernières années ont montré qu’une croissance tirée par la consommation et un secteur public démesuré n’est pas une option viable sur le long terme.
L’effort de redressement des finances publiques et de maîtrise de l’inflation est le préalable à une croissance solide tirée par l’investissement et les exportations
Le principal défi est de répondre aux espoirs légitimes des Tunisiens d’améliorer leur niveau de vie et de générer une croissance dont les dividendes sont partagés équitablement. L’effort de redressement des finances publiques et de maîtrise de l’inflation, accompagné de réformes qui redynamisent les activités du secteur privé, est le préalable à une croissance solide tirée par l’investissement et les exportations.
Quelles réformes le FMI préconise-t-il ?
Les trois priorités sont de stabiliser les grands équilibres macroéconomiques, d’améliorer l’accès au financement pour les jeunes entreprises et d’assainir le climat des affaires, en particulier par une lutte résolue contre la corruption et un renforcement de la gouvernance.
L’objectif de ces réformes est de réduire l’emprise du secteur public sur l’économie, afin de créer plus d’espace en faveur du secteur privé pour le rétablir dans son rôle de locomotive dans la création de richesse et d’emplois. Le secteur public pourrait alors se recentrer sur sa mission essentielle de régulation impartiale et de fourniture de services publics de base plus qualitatifs en matière de santé, d’éducation et d’infrastructures.
Il est parfois difficile d’engager des réformes qui vont à l’encontre de certains intérêts
Pourquoi tardent-elles à se mettre en place ?
Les autorités tunisiennes ont fait preuve de courage en adoptant une loi de finances qui amorce la consolidation budgétaire. Mais il reste beaucoup à faire. Dans cette phase de transition, il est parfois difficile d’engager des réformes qui vont à l’encontre de certains intérêts, même si elles sont d’intérêt général. Il est devenu urgent de les mener à bien pour répondre aux aspirations d’une population de plus en plus sceptique quant à l’efficacité de l’action publique.
Les priorités ?
Même si elles sont régressives, comme les subventions énergétiques, certaines pressions persistent sur les dépenses courantes. Une réduction graduelle de ces dernières et des dépenses sociales mieux ciblées permettraient de dégager la marge budgétaire nécessaire pour les investissements publics.
Il faut accélérer la mise en place des réformes sur le système de sécurité sociale, la modernisation de la fonction publique et les entreprises publiques
Il faut aussi accélérer la mise en place des réformes qui ont été engagées sur le système de sécurité sociale, la modernisation de la fonction publique et les entreprises publiques. Toutes nécessitent une large concertation si on veut qu’elles soient mises en œuvre dans les délais, tout en veillant à préserver l’équilibre social.
Quelles sont les perspectives ?
Le pays possède un potentiel considérable qui ne demande qu’à être libéré. Si ces réformes sont entreprises, la transition économique tant attendue par les Tunisiens pourra enfin prendre corps.
J.A.