J’ ai voulu m’exprimer à travers votre magazine dans le but d’ouvrir les yeux aux éventuels candidats à l’aventure. Il y a deux années, j’ai voulu aller m’installer en Europe précisement en Italie, encouragé par mon cousin et meilleur ami, Cheick. Je travaillais au service juridique d’une banque de la place. Cheick m’a convaincu que je gagnerai plus en m’installant en Italie.
Presque tous les soirs, nous communiquions à travers les réseaux sociaux. Il me racontait la vie de rêve qui était la sienne dans ce pays. Selon ce qu’il me disait, tout baignait pour lui. Il travaillait comme superviseur dans une chaîne de supermarchés où il était grassement payé. Plusieurs fois, il m’avait proposé de tout abandonner pour le rejoindre. Il me parlait constamment des avantages que j’aurais si je venais vivre là-bas.
Il m’avait assuré qu’il m’hébergerait dès mon arrivée et qu’il pourrait m’aider à m’insérer dans son entreprise le temps pour moi de mieux m’intégrer. Au pays, je vivais avec Anna, ma chérie. Elle me suppliait de ne pas y aller. Elle estimait que j’avais déjà une situation stable au pays. Malgré ses conseils, je me suis laissé tenter par les belles paroles de Cheick qui soutenait qu’en Italie, je gagnerais au moins cinq fois mon salaire en plus d’autres avantages.
Finalement j’ai rejoint mon cousin en Italie. La veille de mon départ, je n’arrivais pas à le joindre. Je n’étais pas inquiet pour autant, car il était au courant de mon arrivée. Néanmoins, je lui ai laissé plusieurs messages sur ses numéros de téléphone et sur les réseaux sociaux. Puis, je suis parti confiant, espérant trouver Cheick à l’aéroport. A mon arrivée, mon cousin n’était pas là. Je l’ai appelé à plusieurs reprises.
A travers un message, il m’a fait savoir qu’il était allé d’urgence en Inde pour une mission et qu’il ne rentrerait pas avant un mois et demi. Son message était bref. En plus, Écoutez les “Coups de la vie” sur il ne me disait pas ce que je devais faire ni où je devais aller. Je ne savais pas quoi faire, car c’était la première fois que je sortais de mon pays. Comme il se faisait tard, je suis resté à l’aéroport jusqu’au matin.
J’espérais croiser un Ivoirien qui accepterait de me guider. Je regardais tous ceux qui allaient et venaient sans oser les aborder. A un moment donné, la police est venue m’interroger. J’ai dû raconter que j’attendais mon frère. J’espérais recevoir un autre message de Cheick. Puis, j’ai vu arriver mon voisin de voyage de la veille. C’était un Ghanéen. Il était surpris de me voir là. Je lui ai raconté que je ne savais pas où aller.
Il m’a dit qu’il était venu récupérer une valise et qu’il m’aiderait à rejoindre la communauté ivoirienne d’Italie. J’étais rassuré. J’ai été bien accueilli par mes compatriotes, mais j’ai compris que je devais très vite me trouver un autre point de chute. J’ai expliqué que j’attendais mon cousin qui était en mission en Inde. Je partageais un studio avec six autres personnes. Je dormais sur mes vêtements.
Une semaine après mon arrivée, j’ai perdu le peu d’argent que j’avais. J’ai dû appeler ma chérie au pays afin qu’elle m’envoie des sous. Je savais qui avait pris mon argent dans le groupe. Mais quand j’en ai parlé, je me suis fait tabasser et jeter à la rue. Ne sachant pas où aller, j’ai rappelé le voisin de voyage ghanéen. Il m’a dit d’un ton sec, qu’il ne pouvait rien faire pour moi. Néanmoins, il m’a donné l’adresse d’un lieu de retrouvailles des Ivoiriens. C’était une sorte de restaurant-dancing, géré par une compatriote.
Cela faisait deux semaines que j’étais en Italie sans domicile fixe et sans nouvelles de Cheick. Il ne répondait plus à mes messages. Je refusais de penser que mon cousin m’avait “doublé “. Il n’oserait pas, me disais-je ? Cheick est comme mon frère. En plus, il n’a pas l’âme d’un mauvais garçon. Sa mission a sans doute été précipitée, essayai-je de me convaincre. La tenancière du restaurant-dancing a remarqué que je n’avais pas pris de douche depuis un moment. Elle m’a invité à en prendre une et à manger.
J’avais l’impression qu’elle venait de m’offrir la lune. Après quoi je lui ai raconté mon histoire. Elle m’a dit que beaucoup d’Ivoiriens venaient passer le temps dans son restaurant et qu’elle essaierait de me trouver un tuteur le temps que mon cousin revienne de l’Inde. Elle m’a permis de dormir un peu, le temps que ses clients arrivent. Vers 2h du matin, je me suis réveillé en sursaut. Vu le boucan, le restaurant était bondé.
On y distillait de la musique de chez nous. Cela a suffit à réveiller en moi la nostalgie du pays. Je ressentais subitement beaucoup de tristesse. Je me suis lavé le visage et j’ai rejoint la dame au restaurant. En y entrant, la première personne que j’ai vue sur la piste de danse, c’était Cheick. Je n’en croyais pas mes yeux. Pour quelqu’un qui était censé se trouver en Inde… Cheick dansait et riait aux éclats
Pour m’assurer que je ne me trompais pas, je l’ai interpellé. Il m’a regardé, puis, gêné, il a essayé de me mener en bateau encore une fois, en me racontant des mensonges. Je venais de comprendre que mon propre cousin m’avait trahi. Je ne sais pas ce qui a motivé une telle attitude, mais je suis sorti du restaurant le cœur sérré. Tout comme bon nombre de nos concitoyens qui vivent dans ce pays-là, sa vie n’était pas aussi reluisante qu’il me le faisait croire.
Il partageait un petit appartement avec des compatriotes et se débrouillait avec de petits boulots pour survivre, ai-je appris le lendemain, dans le même restaurant, de quelqu’un qui le connaît bien. J’ai appelé ma copine et je lui ai tout raconté. Elle m’a conseillé de retourner au pays.
Heureusement que je n’avais pas démissionné. J’avais pris une mise à disponibilité de trois mois. Je suis revenu au pays. Aujourd’hui, j’ai eu une promotion. Tout va bien pour moi. Je n’encourage personne à aller à l’aventure, car nos frères qui y sont ne nous disent pas souvent la vérité sur les réalités qu’ils vivent.
Avec apr-news.