CIV-lepointsur.com (Abidjan, le 24-5-2016) Dans la nuit du mercredi 13 au jeudi 14 avril 2016, le campus de l’Université Félix Houphouët-Boigny a été le théâtre d’une brutalité policière relevant du moyen âge. Rappelant du coup, la tristement célèbre expédition punitive sur la cité universitaire de Yopougon en 1991. La descente musclée des policiers sur cet endroit culte de l’Education ivoirienne faisait suite au mot d’ordre de grève lancé par la Fesci le lundi 11 avril 2016 et qui a été largement suivi.
Conséquence de la descente des hommes en armes sur le campus universitaires de Cocody, de nombreux blessés et plusieurs filles violées que les autorités ont vite fait de réfuter. Pour preuve, lors d’une rencontre avec les populations de Bouaké le 23 avril 2016, en vue d’annoncer la volonté de la Première-dame Dominique Ouattara de célébrer la fête des mères avec les populations de cette localité, Mme le ministre de Promotion de la famille, de la femme et de la protection de l’enfant ramenait cette accusation à une simple action qui visait à jeter le discrédit sur ses efforts en faveur de la femme en Côte d’Ivoire.
Son intervention faisait suite à l’ensemble du gouvernement dont le Porte-parole, le ministre Koné Bruno Nabagné s’est élevé contre les accusations de viol portées contre les éléments des forces de l’ordre lors de la descente nocturne des policiers sur le campus de l’Université Félix Houphouët-Boigny. Mais, contre toute attente, un mois après cette nuit sanglante, des filles violées ont décidé de briser la glace de la honte pour lever toute équivoque.
Mieux, Nathalie Kouakou, présidente d’Amnesty Côte d’Ivoire ne s’est pas embarrassée de fioritures pour rappeler qu’il y a bien viol. « Oui, il y a bien eu agression sexuelle et viol au cours de la descente des policiers à l’Université », soulignait-elle, il y a peu, dans les colonnes d’un confrère auquel elle avait accordé une interview.
« Je suis indignée parce qu’en tant que femme, en tant que mère, en tant que défenseur des droits de l’homme et défenseur des droits des femmes j’ai rencontré certaines victimes et ces victimes sont en souffrance. Elles sont traumatisées », soutient-elle. Regrettant que « rien n’a été fait et rien n’est fait pour que ces personnes soient prises en charge, pour que la vérité puisse être établie sur ce qui s’est passée ce 13 avril de 22 heures à 3 heures du matin sur la cité ».
En pareille situation, plutôt que de se lancer dans une campagne de contradiction à tout bout de champ, il aurait tout simplement fallu que l’Etat, qui dispose de moyens tant logistiques qu’humains, diligente une enquête pour situer les responsabilités. Toute chose qui se présente comme un devoir de sa part. Il est alors surprenant d’entendre certaines autorités et non des moindres exigées des preuves à des organisations de défense des Droits de l’Homme que l’Etat à lui seul peut fournir.
Idrissa Konaté
Douloureux témoignage d’une jeune fille violée
« …Il y avait la BAE qui était au niveau de la place Akpelé Akpelé. Tu sais quand il y a les affrontements, c’est ceux du milieu qui prennent toujours les pots cassés. Donc ils étaient à ce niveau, et d’autres ont commencé à lancer des lacrymogènes, entre temps, mardi, ils avaient arrêté le secrétaire général de la Fesci. Ils ont pensé qu’en l’enlevant cela allait apaiser les tensions, au contraire cela a empiré les choses. A force de lancer les lacrymogènes, les étudiants ont été irrités. Moi je voyais tout ça depuis la fenêtre. Les étudiants ont voulu se défendre. Et entre 23 heures et minuit, les policiers ont commencé à entrer dans les bâtiments, ils cassaient les portes des chambres. Tu es handicapés ou pas handicapés soit on te frappe, soit on te viole. Sur le palier, nous étions deux. De l’autre côté on m’a dit qu’il y avait trois filles. Sur mon palier, il y a une qui est au CHU de Treichville. Jusqu’à présent son état de santé est critique. Nous n’avons pas les résultats des tests. Moi j’ai eu deux, notre collègue de palier, elle a eu cinq. Ce n’était pas des agents de la CRS. C’était des agents de la BAE. Le premier quand il est venu, il s’est jeté sur moi. J’ai crié mais il n’y avait personne pour venir à mon secours. Le second aussi s’est jeté sur moi, je me suis mise à crier, et au moment ou je criais, il y a un étudiant qui est entré, ils étaient déjà partis. C’est cet étudiant qui, le jeudi matin, m’a demandé de donner un numéro de mes parents. J’ai alors donné le numéro de mon frère. Il a appelé celui-ci qui est arrivé aussitôt et m’a conduite au CHU de Treichville. D’autres ont été envoyées au CHU de Cocody. Il y avait des blessés parmi nous, et certains n’arrivaient même plus à marcher.
Le mercredi, est-ce au moment où votre amie allait chercher à manger alors que vous étiez encore en chambre que les affrontements ont commencé ? Etiez-vous dans la chambre lorsque les policiers sont venus casser la porte ?
Comme je l’ai dit, à un moment, ils entraient dans les paliers et cassaient les portes des chambres.
Combien étaient-ils à entrer dans votre chambre?
Moi à mon niveau, ils étaient deux.
Et quand ils sont entrés qu’est-ce qui s’est passé ?
Bon le premier a foncé mais n’a pas pu faire quelque chose.
Donc il a foncé sur vous ?
C’est le deuxième qui a pu faire quelque chose.
Il vous a déshabillé, comment s’y est-il pris ?
Moi, j’avais porté un haut et j’avais attaché un pagne. Quand ils sont entrés, le deuxième a enlevé mon pagne, et puis il s’est couché sur moi, il s’est déshabillé et puis il a commencé. Moi je criais espérant que quelqu’un vienne à mon secours. Celui qui est venu finalement m’a trouvé en train de pleurer».
Avec Le point sur.