Le Liberia et la Guinée ont ouvert des enquêtes après la récente mise en cause par l’ONG britannique Global Witness de membres ou proches du pouvoir dans ces pays voisins pour corruption autour de contrats miniers, ont indiqué lundi des responsables à Monrovia et Conakry.
Dans un rapport de 44 pages publié le 11 mai et intitulé « The Deceivers » (« Les imposteurs »), Global Witness détaille des opérations menées par des responsables de la compagnie minière britannique Sable Mining pour obtenir ou sécuriser des permis au Liberia et en Guinée.
Sable Mining a été fondée par les Britanniques Philippe-Henri Edmonds dit Phil Edmonds, ancienne vedette de cricket, et Andrew Groves, que l’ONG accuse d’avoir « bâti leur empire sur le marché boursier avec la corruption et les escroqueries ». La société, citée dans le rapport, a réfuté toutes les allégations.
En Guinée, « une information judiciaire a été ouverte », a déclaré lundi le ministre de la Justice Cheick Sako lors d’un point de presse, selon un communiqué gouvernemental.
M. Sako a précisé que, alerté au lendemain de la publication du rapport par son collègue des Mines et de la Géologie, Abdoulaye Magassouba, il avait aussitôt saisi le procureur général et qu’un juge d’instruction avait été désigné.
Dans son rapport, Global Witness évoque « des millions de dollars » déboursés par Sable Mining pour financer la campagne du président Alpha Condé lors de sa première élection, en décembre 2010.
Ces montants ont été versés notamment à son fils, Alpha Mohamed Condé, et à l’un de ses proches, Aboubacar Sampil, toujours selon le rapport. Mais l’ONG précise que son enquête n’a permis de prouver « aucune malversation de la part d’Alpha Condé » lui-même.
En réaction aux « graves allégations » de Global Witness, M. Magassouba avait « demandé que soient prises toutes les mesures nécessaires pour examiner tous les permis miniers obtenus en Guinée par Sable Mining Africa Limited », selon une annonce du gouvernement le 13 mai.
Le ministre de la Justice avait alors précisé que la compagnie disposait de « droits d’exploration et de développement sur des ressources naturelles remontant à 2010 ». Afin d’en vérifier les conditions d’attribution, il n’avait pas exclu de solliciter « l’assistance des services d’entraide judiciaire dans d’autres pays, y compris ceux du Royaume-Uni ».
Au Liberia, l’ONG accuse Sable Mining d’avoir payé près de 960.000 dollars (plus de 855.000 euros) à plusieurs responsables du pouvoir ou à des proches entre 2010 et 2012 pour s’assurer leurs faveurs.
Parmi les bénéficiaires sont cités l’actuel président du Parti de l’Unité (UP, au pouvoir) Varney Sherman, par ailleurs ancien avocat de la société, un ancien président de l’Assemblée nationale, Alex Tyler, et un ex-ministre des Finances aujourd’hui sénateur, Morris Saytumah.
Le rapport fait aussi état de milliers de dollars consacrés à des frais – notamment de voyages et de téléphone – pour un beau-fils de la présidente Ellen Johnson Sirleaf, Fombah Sirleaf, chef des services de renseignement du pays.
Dans des déclarations rapportées par la presse, Varney Sherman a réfuté toute malversation dans ce dossier et s’est dit prêt à coopérer à toute enquête. Alex Tyler et Morris Saytumah ne s’étaient pas encore publiquement exprimés.
A la suite des allégations de Global Witness, le Parlement libérien a décidé le 20 mai, à l’unanimité, la création d’une commission spéciale indépendante d’enquête sur ce dossier, a déclaré lundi à l’AFP un porte-parole du Parlement, Isaac Redd.
Elle sera composée de six membres, « qui ne sont ni au gouvernement, ni au Parlement », a dit M. Redd, estimant les accusations de l’ONG « trop graves pour laisser la moindre place au compromis ».
De son côté, la présidence libérienne a annoncé avoir déjà mis en place une commission pour enquêter sur ces allégations, mais M. Redd a insisté sur l’importance de la commission indépendante votée par le Parlement, en raison du risque de conflit d’intérêts.
« La plupart de ceux qui ont été accusés dans le rapport occupent d’importantes fonctions gouvernementales », a-t-il souligné.
Jeune Afrique