L’Ambassadeur des Etats-Unis en Guinée vient de donner la position de son pays au sujet de la modification de la Constitution que certains observateurs craignent depuis la dernière sortie médiatique du Président Alpha Condé. L’Ambassadeur Dennis Hankins s’est confié en toute exclusivité à notre reporter Alpha Ousmane Bah. Dans cette interview, le diplomate américain a également donné son point de vue sur l’épineuse question de la tenue des élections locales. D’autres sujets liés à l’actualité socio-politique ont également été abordés dans cet entretien. Exclusif !!!
AFRICAGUINEE.COM : Bonjour Monsieur l’ambassadeur !
DENNIS HANKINS : Bonjour Monsieur Bah !
Peut-on connaître les raisons de votre présence à Labé ?
Bon, cette semaine, je passerai 5 jours dans les régions de Mamou et de Labé. Je suis en Guinée il y a juste 5 mois. Nous savons que c’est 20% des populations qui sont à Conakry, le reste c’est à l’intérieur du pays. Donc c’est important que j’effectue des voyages à l’intérieur du pays, loin de Conakry. Je sais que chaque région du pays est différente de l’autre, il y a une diversité en termes de populations, en termes de ressources.
J’ai déjà visité Boké pour comprendre c’est quoi la Bauxite, à Nzérékoré pour le fer, mais je sais que dans cette région (Fouta NDLR) c’est principalement les questions agricoles et aussi touristiques, hier dimanche j’ai fait une grande marche pour voir les sites qui sont assez impressionnants. Mais aussi c’est de voir les actions du Gouvernement, les possibilités d’investissement et les actions dans le sens de créer une économie plus agricole, puis agro-industrielle de Guinée.
Les Etats-Unis ont beaucoup aidé la Guinée dans la lutte contre l’épidémie à virus Ebola. Pensez-vous que la bataille dans la lutte contre cette maladie est terminée ?
Il faut toujours être prudent, nous avons vu récemment il y a eu des nouveaux cas, 10 cas avec 8 décès. Avec la maladie Ebola, il y a toujours la possibilité qu’elle resurgisse, alors nous avons renforcé la coopération pour que le Gouvernement puisse réagir très rapidement dès que des nouveaux cas seront enregistrés. Il est important que toutes toutes les mesures prises pour éviter Ebola pendant l’épidémie soient maintenues., et pas pour Ebola seulement. On a noté par exemple l’année dernière des cas de cholera dans votre pays mais le fait que les gens se protégeaient contre Ebola il y a eu systématiquement un impact contre le cholera. Les questions de santé personnelle sont importantes pour toutes les maladies, donc il faut rester toujours prudent.
Nous sommes toujours là avec la communauté internationale pour renforcer la capacité de riposte parce qu’un retour de la maladie est toujours possible. On ne vise pas seulement le cas de la Guinée, je pense que le Liberia a été déclaré trois fois qu’il terminait avec Ebola, la Sierra Léone deux fois, donc la prudence doit être l’arme de chacun. Donc Ebola, c’est quelque chose qui peut revenir.
Qu’est-ce que les Etats-Unis pourraient apporter à la Guinée comme aide pour la relance de son économie qui a été durement touchée par l’épidémie d’Ebola ?
Je sais que mon prédécesseur Ambassadeur Laskaris a beaucoup fait dans la lutte contre Ebola, il était aussi engagé avec les questions des élections. Finalement il était l’ambassadeur des crises. Moi, je suis arrivé à la fin d’Ebola, après les élections, l’atmosphère actuelle est plus calme. C’est le periode favorable pour les investissements-peut-etre dans l’histoire du pays. Je suis content de voir depuis mon arrivée il y a au moins 5 investissements américains dans le secteur des mines, énergies, les routes, le secteur bancaire avec un total de plus 500 millions de dollars.
Avant mon arrivée on disait qu’il y avait assez d’investissements qui sont bloqués à cause d’Ebola. Personnellement j’ai pu constater l’arrivée de nombreux américains, venus pour investir en Guinée. Je vois que maintenant le Gouvernement a pris la décision pour encourager le développement du secteur privé, pas seulement avec les moyens du Gouvernement ou d’assistance internationale mais encourager des investissements qui peuvent créer des emplois, qui peuvent vraiment créer une croissance économique.
Quel regard portez-vous sur l’actualité politique guinéenne qui reste marquée par cette crise liée à l’organisation de élections locales ?
Pour nous c’est toujours une question de renforcer chaque fois la qualité des élections. Nous savons tous que la Guinée est le premier pays francophone indépendant en Afrique, mais en d’autres sens, c’est-à-dire en matière de démocratie, votre pays la Guinée est la plus jeune démocratie du monde.
Vous avez déjà fait deux élections présidentielles depuis 2010 qui étaient suffisantes mais avec des défauts. Même nous les Etats-Unis avec plusieurs siècles d’expérience, nous avons des problèmes avec nos propres élections. Cette année sera intéressante pour notre processus électoral.
Nous avons signé aves les partenaires politiques y compris le gouvernement l’accord du 20 Août. Alors c’est important de voir chaque fois sois la CENI (Commission électoral national indépendante, Ndlr), soit le code électoral, comme ça nous pourrons avoir des élections de plus en plus positives, que tout le monde pourrait éventuellement accepter.
Donc concernant les élections locales, nous voyons que c’est lié à la décentralisation d’autorité. Ce que j’ai vu dans ce registre, il y a plusieurs leaders communautaires qui sont vraiment les leaders de leurs communautés qui ont fait des investissements. Ça c’est l’aspect de politique locale où les gens doivent être indépendants, qui appartiennent à un parti ou un autre, l’essentiel c’est d’avoir des personnes qui peuvent vraiment gérer l’économie, la croissance dans chaque région. Ça c’est l’idée, nous espérons avoir des élections locales à la fin de l’année.
Il y aussi d’autres détails sur les sous-préfectures, les chefs de quartiers, s’ils seront élus ou non. En tout cas ce n’est pas la tradition dans les autres pays de la sous-région, c’est une situation très compliquée et beaucoup plus couteuse mais c’est ce qui est écrit dans la constitution actuelle.
De toute façon nous espérons au niveau des partis politiques trouver une solution pour que ça marche bien pour le pays dans la mesure où les gens seront respectés au niveau international. Mais aussi le temps d’éviter des conflits, éviter de créer des crises politiques parce qu’il y a des investissements qui peuvent favoriser une croissance économique qui demande un peu de calme.
Ne craignez vous pas de regain de violence avec ces élections locales qui profilent à l’horizon ?
Non ! Ces élections par définition sont locales. Peut-être entre vous et votre voisin qui cherchez le même poste mais ce n’est pas trop lié aux partis politiques, ce n’est pas difficile comme les élections présidentielles et législatives. Il y a plusieurs partis nationaux mais pour les élections locales je pense qu’il n’y aura pas plus de trois ou quatre partis politiques qui sont représentés dans toutes les régions. Alors il y a de possibilité de conflits ponctuels entre les familles, entre les gens mais au niveau national je pense qu’il y a moins de risques.
Aujourd’hui, la question d’une éventuelle modification de la constitution guinéenne fait débat en Guinée. Est-ce que les Etats Unis vont toujours maintenir leur position de défendre aux chefs d’Etat de toucher à leur constitution ?
Oui, déjà les chefs d’Etat africains, en Afrique de l’ouest d’ailleurs la réaction des populations est très négative avec les présidents qui ont voulu changer la constitution de leurs pays.
On a vu en Afrique centrale, en Afrique australe, des changements se sont beaucoup effectués au niveau de la constitution. Mais ce qu’on a noté à Ouagadougou, à Dakar, les gens n’ont pas accepté. En Guinée aussi c’est la même chose, mais le president (Alpha Condé NDLR) n’a jamais parlé de changement de constitution (éclats de rire).
Il est déjà dans son second mandat, il a fait beaucoup pendant le premier mandat. Nous de la communauté internationale, nous parlons de la reforme militaire qui a changé après les massacres du 28 septembre 2009. Après les massacres, l’image des militaires guinéens était très négative, maintenant même les organisations des droits de l’Homme américaines disent du bien des militaires guinéens au moment où nous travaillons avec elles.
Nos voyons aussi la priorité du Gouvernement guinéen avec des investissements, par exemple le barrage de Kaleta est très positif, nous travaillons avec le Gouvernement. Nous les américains, nous n’avons pas de parti. Ça revient toujours aux populations de choisir. Mais en termes de politique et de stratégie du Gouvernement, nous voyons que nous avons la possibilité de travailler ensemble.
Lors de sa dernière conférence de presse, le Président Alpha Condé est resté très « évasif » sur la question liée à la limitation du mandat à deux. Cela ne devrait-il pas une certaine crainte selon vous ?
Bon ! je n’ai pas suivi la conférence de presse, mais la constitution est bien claire. On ne peut pas changer les détails de la constitution sans changer complètement la constitution. Evidemment c’est pour le peuple, c’est ce qu’on dit dans les autres pays.
Nous avons toujours porté un regard négatif vis-à-vis des leaders qui ont changé leurs constitutions. Mais il y a eu des présidents qui ont modifié la constitution avec l’appui des populations, du coup il y a eu des problèmes dans nos relations bilatérales. Par contre il y a eu des pays où les populations n’ont pas accepté la modification.
Alors le président guinéen n’a fait que 4 mois seulement de son second mandat, il a plus de 4 ans et demi devant lui. Donc c’est un peu trop tôt de parler de changement de constitution parce qu’il vient juste de commencer avec son second mandat.
Votre dernier mot ?
Pour moi c’est un privilège d’être dans cette région, parce que j’ai déjà parlé avec des investisseurs américains qui disposent des possibilités d’investir dans le secteur agricole. C’est aussi un plaisir de constater les activités du Gouvernement pour assurer le développement agricole.
Ce que j’ai noté aussi de plus intéressant ce sont les associations de paysans, les investisseurs, les entrepreneurs guinéens qui ont déjà fait des efforts pour améliorer la situation pour être plus compétitifs dans la région, on parle même d’exportation. Donc c’est important pour moi de mieux connaitre la région puisque je peux parler avec des étrangers s’ils veulent faire des investissements.
Je pourrais dire oui j’ai été à Labé il y a juste deux mois j’ai vu quelque chose avec mes propres yeux. Merci à vous aussi pour cette opportunité de faire une interview qui me permet de livrer un message direct aux populations.
MERCI beaucoup Monsieur l’ambassadeur
Merci ! Merci à vous aussi
Interview réalisée par Alpha Ousmane BAH
Avec Africa guinee