Publiés au mois d’avril dernier dans la revue scientifique Elsevier, les résultats d’une étude recommandent davantage d’introduction dans les plantations de cacaoyers d’arbres pouvant créer de l’ombre afin de réduire la vulnérabilité de cette plante aux changements climatiques.
L’étude a en effet constaté que, “contrairement aux prévisions, les températures maximales de la saison sèche vont devenir au moins aussi contraignantes qu’est déjà la question de la disponibilité de l’eau pendant cette même saison”.
Dès lors, “l’utilisation systématique des arbres d’ombrage dans les plantations de cacao est nécessaire pour inverser les tendances actuelles”, déduit l’étude.
“Mettre en œuvre des politiques agricoles et forestières qui encouragent la création de nouvelles plantations de cacao sur des terres déboisées, en incitant les agriculteurs à y planter des arbres”
Göth Schroth
Chercheur
L’étude en question a été conduite par une équipe de chercheurs de l’International center for tropicalagriculture (CIAT) et de l’International institute of tropical agriculture, dirigée par Göth Schroth.
Pour arriver à ces résultats, écrivent ces chercheurs, “nous avons analysé la vulnérabilité du cacao au changement climatique dans la ceinture ouest-africaine de cacao, sur la base des projections climatiques pour les années 2050 découlant de 19 modèles produits par le Groupe d’experts intergouvernemental sur le changement climatique.”
“Nous avons [ensuite] utilisé la combinaison d’un modèle statistique de conditions climatiques favorables (Maxent) et l’analyse de variables climatiques individuels, potentiellement limitants” ajoutent-ils.
Au final, outre l’introduction plus poussée d’arbres à ombrage dans les cacaoyères, les chercheurs estiment que les mesures d’adaptation doivent être appliquées à plusieurs niveaux.
Au niveau des cultures il s’agit par exemple de “sélectionner des variétés de cacao et d’arbres tolérantes à des températures maximales élevées, en plus de la tolérance à la sécheresse et aux maladies“, écrit l’équipe de Göth Schroth.
Et au niveau de la politique nationale et régionale, il est question de “mettre en œuvre des politiques agricoles et forestières qui encouragent l’intensification des plantations de cacao existantes là où les conditions climatiques le permettent et la création de nouvelles plantations de cacao sur des terres déboisées, en incitant les agriculteurs à y planter des arbres”
Au passage, l’étude a révélé une forte disparité de la vulnérabilité aux changements climatiques dans les différentes zones qui constituent la ceinture cacaoyère africaine qui va de la Sierra Leone jusqu’au sud du Cameroun.
Paupérisation
Ainsi, les régions les plus vulnérables sont les zones de transition forêt-savane du Nigeria et de l’est de la Côte d’Ivoire ; tandis que les régions les moins exposées sont les parties sud du Ghana, de la Côte d’Ivoire du Cameroun et du Libéria.
Les résultats de cette étude tombent au moment où les effets des changements climatiques se font déjà sentir dans les plantations de cacao dans certains pays d’Afrique.
“Elle se manifeste par la perte de pieds de cacaoyers, donc de superficies ; et partant par la baisse drastique de la production nationale, avec pour conséquence la paupérisation des producteurs”, souligne par exemple Modeste Kouakou, chargé des organisations professionnelles agricoles à l’Agence nationale d’appui au développement rural (ANADER) en Côte d’Ivoire.
Samuel Yen, coordonnateur régional du Projet d’investissement et de développement des marchés agricoles (PIDMA) pour le Littoral et le Sud-Ouest au Cameroun se veut un peu plus précis :
“Nous constatons un dessèchement de la cime du cacaoyer, une faible croissance, une faible floraison, un dessèchement du tronc, une baisse de la production à la période où le pic de production est attendu, et enfin, une récolte souvent avancée ou souvent retardée”, dit-il.
Claude Bitangou de l’Organisation camerounaise pour la protection de l’arbre (OCPA) ajoute que “le retard des pluies et la durée de la saison font pourrir les cabosses. Elles provoquent aussi les maladies et déforment les cabosses qui survivent”.
Une situation qui accroît la charge de travail des cacaoculteurs. Car, dit ce dernier, “après la brûlure par le soleil, on doit tailler les petites tiges mortes pour qu’elles puissent régénérer. Cela se fait dès les premières pluies”.
Agroforesterie
Aussi ces acteurs trouvent-ils les recommandations des chercheurs “parfaitement” adaptées. “L’idée de planter des arbres à ombrage est une excellente chose”, dit Modeste Kouakou. “Il s’agit de l’agroforesterie. C’est une proposition idoine pour sauver les plantations afin d’éviter le désastre”, poursuit-il.
Samuel Yen fait observer que cette démarche est même déjà l’une des recommandations techniques pour l’entretien d’une cacaoyère au Cameroun. Aux côtés d’un “abattage sélectif pour la préparation à l’installation de la jeune cacaoyère, de l’utilisation des variétés adaptées au milieu et de l’association aux cacaoyers de certains arbres fruitiers pour favoriser les zones d’ombrage dans les cacaoyères”.
Pour sa part, Claude Bitangou croit savoir quelques espèces d’arbre à planter dans les cacaoyères. “Il faut introduire dans les plantations de grands arbres tels que le djansan, le sapeli qui empêchent les rayons du soleil d’atteindre les cacaoyers. Il ne faut pas abattre les grands arbres dans les champs de cacao”.
On estime que 70% de la production mondiale de cacao provient de la ceinture cacaoyère d’Afrique. Une région où quelque deux millions de personnes vivent directement de la culture du cacao qui est affectée par les effets du changement climatique.
Avec scidev