Yolande Bodiong, des airs à la télévision pour une reconversion réussie
Après plusieurs années au service des compagnies aériennes nationales – d’abord Camair, puis Camair-Co – la quadra s’est mise à l’industrie du divertissement pour offrir à la télévision et aux téléspectateurs des programmes de grande qualité.
Maraboo, cela vous dit quelque chose ? Non…oui… peut être. Lisez bien « Marabout ». Oh, comme ce mot porte un lourd symbole pour les populations en dessous du Sahara. Ce sont des faiseurs de miracle, ils ont de capacités au-delà du réel, ils sont capables de transformer ou de changer une situation en une autre. Cette présentation, bien que n’étant pas exhaustive, reflète le dur labeur qu’a choisi Yolande BODIONG pour en faire un métier. De Yaoundé où elle voit le jour il y a une quarantaine d’années, à Douala où elle façonne au quotidien des programmes de télévision, elle a construit avec passion une vie et développé une expérience qu’elle a partagée avec nous.
« Bien dans ses souliers, bien dans sa tête ». Cette maxime a tout son sens quand on évoque le parcours de cette jeune quadra qui, comme la nouvelle jeunesse africaine, ose et ne recule devant rien. Dans un pantalon cintré Camel et un chemisier beigne, le tout avec une élégance et une simplicité déconcertantes, la patronne ne quitte jamais son sourire. La porte de son bureau, sis à Bonapriso Bonadouma home, est toujours ouverte et ses collaborateurs ne s’en plaignent nullement. A la tête d’une équipe jeune et ambitieuse, elle nourrit l’idée de faire de cette maison de production audiovisuelle, l’une des plus influentes du microcosme en Afrique.
« A mon entrée en classe de 6éme en 1986, le deuxième jour de classe, j’ai découvert une liste affichée avec mon nom suivi d’un montant 13 500 F cfa. N’ayant aucune connaissance des us de cet environnement que je découvrais à peine, il s’agissait pourtant d’une bourse qui récompensait les meilleurs au concours d’entrée en 6ème. Cette belle découverte va changer le restant de ma vie. Grâce à elle, j’ai tout de suite appris que : « si je travaille bien, j’aurai de l’argent. ». Se rappelant d’une anecdote de sa tendre enfance, ces paroles donnent un aperçu du futur de la jeune dame. Très proche de son père avec qui elle aura une relation privilégiée, mais qui s’en ira alors qu’elle n’est qu’en classe de 6ème, Yolande Bodiong va apprendre l’importance du travail. D’abord scolaire. Puis, plus tard quand elle amorcera la vie professionnelle. Cette bourse scolaire va s’avérer être un catalyseur durant tout son écolage.
Après le décès de son père, la jeune dame va garder le cap, soutenue par ses deux mamans (son père était polygame avec deux épouses). En classe de 4ème, elle est approchée par Roger Milla, alors président de Tonnerre Handball club de Yaoundé, qui détecte son talent. Yolande, émerveillée par l’ex-international de football, va s’engager avec cette écurie sportive, sans contre partie financière, mais avec l’engagement du club de financer ses études. Cet accord sera tenu et va donc alléger la tâche de sa famille et lui permettre de continuer ses études en toute quiétude. Elle doit allier entraînements, voyages, matchs et école. Pas facile à cet âge. Mais elle s’accroche et finit par obtenir son baccalauréat.
Orientation professionnelle
Le baccalauréat en poche, Yolande veut suivre les traces de son frère aîné. Celui-ci étudie le marketing et la communication à l’Ecole supérieure des sciences économiques et commerciales (ESSEC) de l’université de Douala. Il lui vente les débouchés de la filière. La sœurette rêve plutôt d’intégrer l’Institut Samba supérieur, dans le but de continuer ses deux passions. Mais freinée par le coût élevé des frais de scolarité dans cet établissement privé, elle cogite. La lumière vient lorsqu’à la fin d’une séance d’entraînement avec son équipe, elle est abordée par les recruteurs de CAMSHIP Handball, un club de Douala. Elle saisit l’aubaine et leur propose un deal identique à celui qu’elle vit à ce moment là depuis les 05 dernières années de sa vie. Accord conclu. Yolande Bodiong débarque donc à Douala en 1994. Elle prend une inscription à l’Institut des technologies de l’Information (ITI) où elle sort en 1996, avec un BTS en Marketing et Communication.
Durant toutes ces années de handballeuse et d’étudiante, la jeune femme se forge un caractère de gagneuse et de grandes capacités à travailler sous pression et à délivrer des résultats dans les délais. Elle va notamment afficher son leadership et son ambition quand elle sera aux portes de la Cameroon Airlines (CAMAIR) pour se faire recruter comme hôtesse de l’air et qu’elle sentira la machine grippée. Alors qu’elle a été retenue dans une short liste de 30 sur les 4000 postulantes et qu’il faut encore se séparer de 10 pour ne retenir qu’un effectif de 20 hôtesses, l’équipe embarque pour la France pour présenter des examens. Les résultats tarderont à être publiés. Animée par sa soif d’avancer, elle prend contact avec les instructeurs qui les lui enverront par fax, alors qu’ils avaient déjà été communiqués à l’entreprise longtemps avant. Avec ses camarades, ils vont rencontrer voir la directrice des ressources humaines. Le lendemain, l’entreprise communique les résultats.
En 1997, Yolande Bodiong intègre la CAMAIR comme nurse et fait son premier vol entre Douala et Paris. Chargée de voir de façon pratique tout ce qu’elle a appris pour briefer ses camarades, elle vivra cette expérience difficilement du fait des réticences des anciennes à transmettre le flambeau aux nouvelles recrues. Son témoignage à ses camarade sera : « c’est ici et maintenant que ça va commencer. Ce ne sera pas facile, mais il va falloir s’imposer ». Rompue aux joutes sportives, la jeune femme va durant une dizaine d’années, batailler et surtout aimer ce métier du transport aérien qu’elle ne portait pas spécialement dans son cœur, mais pour lequel elle avait été aiguillée par ses proches, du fait de ses aptitudes et de son physique.
Retour dans les airs
Durant ses années d’hôtesse de l’air, Yolande Bodiong passe le clair de son temps dans les airs. Elle enchaîne des allées et venues entre les capitales et villes africaines et occidentales. Elle va donner naissance à son fils. Cet heureux événement va la stimuler. Plus de responsabilité et surtout une projection dans le futur qu’elle veut lui offrir. Alors qu’elle est à sa 9ème année, elle se rend compte qu’elle risque de passer à côté de l’éducation de son rejeton, parce que tout le temps parti. Elle commence donc à repenser son futur et sa reconversion. Ella va faire la rencontre du producteur et réalisateur de regretté mémoire, Jean De La Rue à Paris. Elle porte un intérêt à ses productions. Celui-ci l’invite à participer à un tournage. Etant dans le public, elle se retrouve dans son élément. Ce sera là le coup de foudre et la révélation pour son futur. En sortant de là, elle va se dire qu’elle tient enfin ce qu’elle aime et qu’elle souhaite faire.
Afin de se doter d’outils pour réussir dans le secteur de l’audiovisuel, la future productrice retrouve les chemins de l’école pour un Master of Business Administration (MBA), option management à l’ESSEC de l’Université de Douala. Au sortir de là, elle tente une première expérience entrepreneuriale avec « Option », une entreprise audiovisuelle qui lancera le programme « Engrenage », diffusé sur l’antenne de la chaine de télévision Canal 2 International. Mais les difficultés logistiques liées à la production font écourter le projet. Son expérience d’ancienne hôtesse, son MBA et la conjoncture de sa jeune entreprise la ramènent dans le transport aérien. Cette fois-ci, c’est la Cameroon Airlines Corporation (Camair-Co). Elle nait des cendres de la défunte Camair. L’ancienne handballeuse est recrutée au poste de responsable de la mise en place du programme de fidélité en février 2011. Nouveau départ.
30 décembre 2010. La responsable de la communication à Camair-Co, Marie Thérèse Dubuisson, meurt des suites d’assassinat. Yolande est mutée comme Corporate Communication Manager. Une semaine après avoir pris ses nouvelles fonctions, elle doit gérer le kick off de la campagne de lancement de la compagnie. Quelle sacrée arrivée !!!! L’aventure sera malheureusement de courte durée, car le climat délétère qui règne dans la nouvelle compagnie n’est pas de son goût. Cette fois si, elle décide de quitter le statut de salariée à celui d’entrepreneur. Elle fonde donc Maraboo en juillet 2012. L’entreprise est spécialisée en production audiovisuelle, conseil en communication relations publiques.
Management participatif
Soucieuse du détail et toujours à la recherche du bien être, la mère de quatre enfants – qui est bien en couple – va prend 8 mois pour construire son équipe et designer les locaux de sa maison de production. Elle va chercher des profils assez différents et complémentaires, la bonne humeur et la gaité étant toujours de mise chez ses collaborateurs. Elle cultive un esprit startup. D’après l’entrepreneure, « pour travailler ici, il faut être fou. D’ailleurs chez nous, on ne vient pas au travail, on vient s’amuser ». Pour booster la créativité des équipes, chacun doit se mettre dans le confort spirituel et intellectuel qui lui sied. C’est ce qui explique la prolixe de l’entreprise. En à peine 4 ans, elle a déjà réussi à lancer des programmes cultes à la télévision camerounaise. Le plus emblématique est le talk show K-tapult. Diffusé sur l’antenne de Canal 2 International, il a déjà accueilli de nombreuses célébrités nationales et internationales. Charlotte Dipanda, Lady Ponce, DJ Arafat En constituent quelques exemples. La cage des Lions, autre programme, connaît également une bonne réception auprès du public. La maison de production a aussi des reportages à succès, notamment « Escapades » et « Un jour ailleurs ».
Les productions de Maraboo font déjà le bonheur des chaines de télévision locales à l’instar de Canal 2 international, CRTV et Equinoxe TV. Bien que le chemin soit encore long, la jeune entrepreneure qui ne manque jamais d’arracher un sourire avec son style mi-lyrique à son interlocuteur, continue de progresser vers son idéal. Avec l’arrivée de la télévision numérique au Cameroun, elle caresse déjà l’idée d’intégrer le métier de diffusion si une vraie économie structurée n’est pas construite autour des programmes TV. Sa détermination et son émotion restent toutes intactes. Dans son harem de Bonapriso, elle ne se considère pas comme le chef, mais comme l’animatrice d’une équipe dynamique qui ambitionne d’écrire l’histoire de ce nouveau métier en Afrique centrale. Loin des airs aujourd’hui, elle reste toutefois « on air » dans les chaînes TV, puis qu’elle-même anime certaines des productions, pour faire comme celui qui l’a poussée dans ce métier. Et là encore, elle excelle. Que vive la l’artiste !!!
Landry Pany NANKAP
Parcours express
1989 :
Recrutement au Tonnerre Handball Club en classe de 4ème
1994 :
Obtention du Baccalauréat à Yaoundé
Inscription à l’Institut des Technologies de l’Information (ITI) de Douala
Recrutement à Camship Handball Club de Douala
1996 : Obtention du BTS en communication des entreprises
1997 : Recrutement à la Camair en tant que hôtesse de l’air
2006 : Démission de la Camair
2009 :
Obtention d’un MBA à l’ESSEC (Université de Douala) et lancement de l’entreprise « Option »
2011 :
Recrutement à Camair-Co en tant que responsable de la mise en place du programme de fidélité au mois de février
Nomination une semaine plus tard au poste de Corporate Communication Manager
Démission quelques mois plus tard
2012 : Création de Maraboo au mois de juillet
avec businessmanagementafrica