Trois journalistes espagnols, détenus pendant près de dix mois par Al-Qaïda en Syrie, ont regagné leur pays dimanche après avoir été libérés au terme de discrètes tractations.
José Manuel Lopez, Angel Sastre et Antonio Pampliega, enlevés à Alep, dans le nord de la Syrie, le 13 juillet 2015 sont arrivés dimanche matin à la base aérienne militaire de Torrejon, près de Madrid, à bord d’un jet gouvernemental venu de Turquie.
Les trois reporters indépendants expérimentés avaient été enlevés par des hommes armés alors qu’ils circulaient en minibus dans cette ville en guerre.
Des sources gouvernementales ont confié à l’AFP qu’ils étaient détenus depuis le début par le Front Al-Nosra, affilié à la nébuleuse Al-Qaïda fondée par Oussama Ben Laden.
Toujours selon ces sources, ils semblent avoir été mieux traités que leurs trois collègues espagnols libérés en mars 2014 après leur enlèvement par l’organisation rivale Etat islamique, qui a exécuté de nombreux otages.
Le gouvernement a diffusé les images de la descente d’avion des trois hommes, sous une pluie battante, souriants et apparemment en bonne santé. Antonio Pampliega y est accueilli par sa sœur Alejandra qui se jette dans ses bras. « C’est peu dire que nous pleurons de joie », avait-elle écrit quelques heures plus tôt sur Twitter.
La mère de Pampliega, María del Mar Rodriguez Vega, a déclaré à Reporters sans frontières (RSF) qu’elle allait lui préparer « son plat préféré, des épinards à la béchamel ».
“Quand je lui au parlé au téléphone, c’était merveilleux, a-t-elle dit à l’ONG. Il avait toujours la même voix, celle qu’il avait enfant, et me demandait sans arrêt pardon pour ce qu’il m’avait fait endurer ».
Le roi Felipe VI a appelé chacun des journalistes à leur arrivée, a-t-on appris dans leur entourage.
La libération des trois hommes avait été annoncée samedi soir par Madrid après leur arrivée en Turquie.
Dans un bref communiqué, le gouvernement espagnol déclarait que cette libération avait été rendue « possible grâce au travail de nombreux fonctionnaires et à la collaboration de pays alliés et amis », en particulier la Turquie et le Qatar.
Tractations délicates
Le dossier a été traité sans bruit par les services secrets espagnols qui tentaient de suivre leurs transfèrements et d’obtenir des signes de vie, selon des sources gouvernementales.
Quand la nouvelle de l’enlèvement avait été connue, une semaine après leur disparition, les familles des otages avaient demandé aux médias la plus grande discrétion.
Les ravisseurs avaient fait parvenir aux rédactions des vidéos montrant les otages, dont une fin avril pour « faire monter la pression sur Madrid à un moment particulièrement délicat », selon des sources diplomatiques.
D’après l’agence espagnole Europa Press, qui ne cite pas de source, les otages ont passé une partie de leur captivité avec un journaliste japonais indépendant, Jumpei Yasuda, disparu en Syrie depuis la mi-2015. Ce dernier était apparu dans une vidéo diffusée en mars, où il semblait demander l’aide de Tokyo pour obtenir sa libération. Il n’a pas été possible de confirmer cette information.
La présidente de la Fédération des associations de journalistes en Espagne (FAPE), Elsa Gonzalez, a salué ces « journalistes free-lance aux salaires précaires mais à la vocation de fer ».
La Syrie est un des pays les plus dangereux au monde pour la presse selon RSF, qui a recensé la mort de 139 journalistes et 47 internautes depuis le début du conflit en 2011.
Les trois reporters travaillaient pour divers médias espagnols, notamment les quotidiens ABC et La Razon, la chaîne de télévision Cuatro et la radio Onda Cero. Antonio « Toni » Pampliega, 33 ans, et le photographe Jose Manuel Lopez, 45 ans, récompensé par plusieurs prix, avaient aussi collaboré avec l’AFP en Irak et en Syrie.
Angel Sastre, 35 ans, avait fait ses armes de grand reporter vidéo en Amérique latine mais s’était déjà rendu plusieurs fois en Syrie.
Leurs trois collègues libérés le 29 mars 2014 après sept mois passés aux mains de l’EI, Javier Espinosa du journal El Mundo, Marc Marginedas du quotidien El Periodico et le photographe free-lance Ricardo Garcia Vilanova, avaient côtoyé en détention une vingtaine d’otages occidentaux dont plusieurs ont ensuite été exécutés.
Avec Jeune Afrique.