Suite aux violentes altercations entre les fans russes et anglais lors de l’Euro 2016 à Marseille, les médias occidentaux n’ont pas tardé à pointer du doigt les dangers potentiels que pourrait impliquer un tournoi international de football hébergé par la Russie. Néanmoins, il est fort à parier que tout sera entrepris afin d’empêcher les Ultras de se livrer à de tels actes lors de la Coupe du Monde 2018™. Voici pourquoi.
1. Surveillance rapprochée
L’une des plus étranges idées dans la couverture médiatique anglaise à propos du hooliganisme russe est la théorie selon laquelle le gouvernement serait derrière tout cela. Le seul semblant de preuve avancé est habituellement que le vice-président de la Douma d’État, Igor Lebedev, avait publié en 2016 un tweet adressé à ses compatriotes hooligans dans lequel il s’exclamait : « Bien joué les gars, continuez comme ça ! »
Croire que le gouvernement russe est soit responsable du comportement des supporters nationaux dans un pays étranger, soit désireux de permettre que cela arrive sur son propre territoire, semble pour le moins tiré par les cheveux. Alors que le gouvernement est effectivement en contact avec les chefs des groupes de fans russes souhaitant assister à la Coupe du Monde de cet été, cela n’est pas en faveur des délinquants sus-cités.
Un bon exemple est celui d’Alexandr Chpryguine, ancien leader de l’Union des supporters de toute la Russie, le groupe à l’origine des échauffourées de 2016. Ayant d’ores et déjà été arrêté à plusieurs reprises à Moscou avant des matchs de Première ligue russe, il a également vu sa voiture être incendiée, et a été assigné à domicile durant la Coupe des confédérations 2017.
On peut également évoquer le cas d’Alexeï Erounov, l’un des trois Russes condamnés en France suite aux violences de Marseille. À en croire la presse anglaise, il aurait été accueilli en héros à son retour en Russie. Pourtant, en réalité, sous la pression du gouvernement, il a été viré de son emploi de directeur du Club de supporters du Lokomotiv Moscou.
Erounov et Chpryguine sont seulement deux des plus de 300 hooligans ayant fait l’objet d’une interdiction de stade à l’approche de la Coupe du Monde. La liste des noms s’agrandit, et une chose est claire : le FSB (Service fédéral de sécurité) sait exactement qui sont les personnes les plus dangereuses, et fera tout pour les maintenir à bonne distance des autres fans cet été.
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2. Des punitions plus sévères
Dans le cas où certains membres de ces réseaux parviendraient à se glisser entre les mailles du filet et à assister aux matchs en causant des ravages dans leur propre pays, les répercussions seront sévères.
Pour commencer, en avril 2017 il a été annoncé à la Douma que le désordre dans les gradins pourrait être sanctionné par des amendes de 20 000 roubles (283€) et par 7 ans d’interdiction de voyage à l’intérieur du pays, ce qui signifie que ces personnes ne pourront pas suivre leur équipe favorite lors de ses déplacements dans d’autres régions, et encore moins à l’étranger.
Par ailleurs, si les hooligans russes risquaient peu de choses en France, en Russie de tels actes peuvent être, pour un citoyen, synonymes de renvoi de ses fonctions professionnelles. En 2017, un Ultra nommé Dmitri, supporter du club du Spartak Moscou, avait d’ailleurs déclaré à la chaîne de télévision France 24 : « Dans notre pays, une interdiction de voyage signifie que vous pouvez faire vos adieux à votre emploi, votre carrière, votre développement personnel ».
Alors que les hooligans du football russes peuvent se montrer brutaux et impitoyables, beaucoup mènent un mode de vie très conservateur, impliquant certaines limites. « Le hooliganisme du football a simplement remplacé le stenka na stenkou », a expliqué au journal britannique The Sun Vadim, l’un de ces fans extrêmes, se référant à cette tradition de pugilat vieille de plusieurs siècles autrefois répandue dans les campagnes du pays. En d’autres mots, cette culture hyper-masculine de la lutte reflète généralement un patriotisme exacerbé et un traditionalisme familial.
Avec cela à l’esprit, la perspective de ne plus être en mesure de subvenir aux besoins de leurs enfants devrait par conséquent forcer bon nombre de hooligans à se tenir à carreau.
Il est possible que vous ayez déjà entendu parler du célèbre Ultra Vassili Stepanov, plus connu sous le nom de « Vassili le Tueur » dans les médias anglais. Un journaliste lui a ainsi demandé en septembre 2017 où il se trouverait durant la Coupe du Monde, ce à quoi il a répondu : « Je ne suis pas stupide. Vous êtes plus susceptible de me trouver en train de jouer aux échecs avec ma fille de cinq ans ».
Même pour les fans les plus belliqueux de Russie, il semble que la Coupe du Monde de la FIFA 2018™ soit donc le seul championnat valant le coup d’être évité.
3. Pas d’appétit pour le hooliganisme en Russie
Pour le Russe moyen, la Coupe du Monde sera finalement plus une question d’hospitalité que de football.
Ici, le football est populaire et les gens se rassemblent volontiers pour soutenir l’équipe nationale. Cependant, l’archétype du fan russe est bien loin de correspondre à la loyauté quasi religieuse et à la furie exprimées par les Ultras. Lorsque les joueurs russes perdent, la nation toute entière hausse les épaules et soupire « On s’en fout, on est meilleurs au hockey sur glace de toute façon ».
Cela peut en partie expliquer pourquoi la réaction des Russes à l’égard des violences de l’Euro 2016 a pu paraître quelque peu blasée. En réalité, ce qui a été interprété par les médias anglais comme une fierté envers les hooligans était donc simplement une désolidarisation nationale de tout cela, où 145 millions de personnes se sont écriés en cœur : « Pourquoi devrions-nous avoir honte de nos hooligans ? Notre équipe a perdu 3-0 contre le Pays de Galles, le sport et ses fans ne méritent même pas notre attention ».
En outre, les attentes envers l’équipe de Russie ne sont cette année pas bien élevées, mais le fait que la Coupe du Monde ait lieu sur le territoire national signifie que, cette fois, les Russes auront à faire attention et à fournir un effort supplémentaire pour s’assurer que le pays ne soit pas dépeint négativement.
La Russie, après tout, est une nation de 145 millions de personnes, au sein desquels les Ultras ne représentent qu’un ou deux milliers à tout casser. Si vous souhaitez un stéréotype précis s’appliquant à tous les Russes, intéressez-vous à leur patriotisme plutôt qu’à leur violence en marge des rencontres sportives : si vous grattez un peu, même le plus moderne et occidentalisé des Russes se met sur la défensive lorsqu’il est question de son pays. La Russie est une contrée connue pour son hospitalité, et son peuple ne souhaite qu’une chose : garder cette réputation intacte.
Tous les Russes ont pleinement conscience que le moindre événement négatif lors de la Coupe du Monde ruinerait leurs chances de briser les préjugés véhiculés dans les médias occidentaux. Alors qui sait, cela forcera peut-être même les hooligans à se ranger.
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