Alexandre Kerenski. Crédit : Mary Evans / Global Look Press
Alexandre Kerenski était surtout connu en Russie en tant que député de la Douma d’État, la chambre basse du Parlement. Il fit sa déclaration la plus célèbre quelques jours avant la Révolution de février en 1917 : « La tâche historique du peuple russe est maintenant la destruction immédiate du régime médiéval… Il n’y a qu’une seule façon de combattre ceux qui enfreignent la loi, c’est leur destruction physique ».
Ces mots furent prononcés moins de deux semaines avant le soulèvement. L’impératrice Alexandra Feodorovna fut choquée par ses propos et voulait qu’il soit pendu. Cependant – dans un retournement historique inattendu – sa vie et celle de sa famille dépendraient bientôt de Kerenski.
Kerenski est entré à la Douma en 1912 en tant que membre du Parti socialiste révolutionnaire. Une fois devenu député, Kerenski a rejoint une société maçonnique – comme c’était le cas pour beaucoup de parlementaires. Il est devenu secrétaire général du Conseil suprême du Grand Orient du peuple russe, une loge maçonnique influente réunissant de nombreuses figures politiques célèbres, dont la plupart travaillaient à la Douma. À cause de cela – et de ses déclarations très dures visant le tsar et l’établissement impérial – Kerenski fut soupçonné d’être impliqué dans une conspiration maçonnique visant à renverser la monarchie et tuer ses représentants.
Kerenski et le soulèvement contre le Tsar
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Une conspiration mise en place par les Francs-maçons en tant que principale force motrice derrière les événements de février 1917 : ce fut une théorie populaire pour expliquer l’effondrement de l’ordre impérial. Il existe une longue tradition de recherche scientifique sur l’influence possible que les Francs-maçons auraient eue sur la Révolution. Selon l’historien Piotr Multatuli, Kerenski aurait joué un rôle de premier plan dans les événements de 1917 en raison de ses liens maçonniques en Russie et à l’étranger.
Au cours de ce fameux mois de février, Kerenski a joué un grand rôle afin de faire tomber le pouvoir des mains du tsar et le transmettre à la Douma. Il a également salué les troupes qui avaient prêté allégeance au gouvernement. Il était hostile à l’idée de transmettre le trône russe au frère de Nicolas II, Mikhaïl.
Kerenski était également la seule personne qui avait un pied dans chacun des camps qui se partageaient le pouvoir dans la Russie post-tsariste: le Comité temporaire de la Douma d’État (qui se transformerait en gouvernement) et le Soviet des députés ouvriers et des délégués des soldats de Petrograd.
Multatuli soutient que les activités de Kerenski à l’époque furent fortement influencées par les Francs-maçons et estime que quand il est devenu ministre de la justice du gouvernement provisoire (et premier ministre en juillet), les « frères la truelle » ont soutenu sa position.
Kerenski et l’arrestation de Nicolas II
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Comme l’affirme Multatuli, Kerenski était l’un des leaders politiques responsables de la décision d’arrêter le tsar et sa femme suite au succès du soulèvement de Petrograd, avant de les empêcher de quitter la Russie. Cependant, cette décision a été prise sous l’influence des ambassadeurs français et britanniques.
« La décision d’arrêter la famille royale a été prise sous la pression ou par un ordre direct de l’étranger », a déclaré l’historien en citant un autre politicien proéminent – Pavel Miloukov – qui soutenait alors que l’ambassadeur britannique George Buchanan avait une énorme influence sur Kerenski.
On considère que la Grande-Bretagne ne voulait pas accepter le tsar sur son territoire en raison de ses prétendues sympathies envers les Allemands au milieu de la Première Guerre mondiale. C’est la raison pour laquelle le diplomate aurait fortement insisté auprès des nouvelles autorités russes afin qu’elles prennent en charge le sort du tsar. Kerenski lui-même a déclaré que Nicolas II était resté dans le pays parce que la Grande-Bretagne ne voulait pas le recevoir. Ministre de la Justice, Kerenski a supervisé la situation de la famille royale à Tsarskoïe Selo de mars à juillet.
Exil du tsar en Sibérie
Nicholas II just avant son assassinat. Crédit : Global Look Press
Si le rôle de Kerenski dans le renversement de la monarchie n’est pas clair, on ne peut pas en dire autant du sort qui attendait le tsar et sa famille. En juillet, lorsque Kerenski est nommé Premier ministre, la famille royale est emmenée de Tsarskoïe Selo dans la ville sibérienne de Tobolsk. Kerenski disait qu’il était dangereux pour eux de rester si près de Moscou.
Au début du mois de juillet, Petrograd a été prise d’assaut par des marins et des soldats se révoltant sous la bannière bolchevique. Le gouvernement réussit à mater le soulèvement, mais Kerenski était apparemment convaincu que si le tsar ne s’était pas trouvé en Sibérie, il aurait été tué en 1917 – au lieu de l’année suivante.
Kerenski affirme dans ses mémoires que bien que la décision de transférer la famille royale ait été prise par le gouvernement, la ville de Tobolsk a été choisie par ses soins. Selon lui, l’éloignement de cette ville « permettait ne pas redouter de quelconques excès ». Au début du mois d’août, la famille royale a été transférée à Tobolsk et installée dans la maison de l’ex-gouverneur. Ils y sont restés jusqu’en 1918, puis ont été emmenés à Ekaterinbourg, où les Romanov ont été sauvagement assassinés dans un sous-sol le 17 juillet.
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