Dans la plupart des pays africains, l’heure aujourd’hui est à la recherche d’alternatives aux emballages en plastique non biodégradables qui sont devenus un véritable poison pour l’environnement.
Nombreux sont d’ailleurs les pays qui ont déjà pris des mesures d’interdiction de fabrication, d’importation, de commercialisation et d’utilisation de ce type d’emballage tant qu’ils n’ont pas plus de 50 ou 60 microns d’épaisseur.
En réponse à ces mesures, des chercheurs se sont mis à l’œuvre pour trouver des solutions pour une fabrication d’emballages biodégradables à partir des ressources locales. C’est le cas à Madagascar et au Cameroun.
Le 12 février 2016, Hery Rajaonarimampianina, le chef de l’Etat malgache s’est rendu sur le site industriel de GasyPlast, une entreprise 100 % malgache qui produit des emballages en plastique biodégradable à partir de l’amidon de manioc.
A cette occasion, l’on a appris que ces sacs, solubles dans de l’eau à 80°C, se ramollissent dans de l’eau froide et se réduisent en cendres à l’épreuve du feu.
Qualifiés d’”inoffensifs pour la biodiversité et les écosystèmes”, ils disparaissent dans la nature au bout de trois à six mois.
Adapté à un usage multiple (sacs de course, tabliers jetables, sacs pépinières, sacs à blanchisserie, sacs à poubelles…), ils gagnent en popularité dans des milieux comme les hôpitaux, les écoles, les restaurants, les cantines…
“Notre idée a germé dans le cadre du transfert de technologies avec nos partenaires asiatiques”, confie à SciDev.Net Christina Andriantsialonina, responsable sac biodégradable chez GasyPlast.
“La production de sacs bio relève d’initiatives combinant à la fois les stratégies locales et les exigences globales condensées dans les ODD”
Roger Ranaivoson
Département de Recherches technologiques, FOFIFA – Madagascar
A en croire l’entreprise, ce produit est actuellement exporté et vendu en Corée du Sud, en Malaisie, en Inde, en Indonésie, en Chine, à l’île Maurice, au Nigeria, au Mozambique et en Afrique du Sud.
“Le volume à atteindre sera de 360 tonnes cette année et d’un millier de tonnes dans trois ans”, annonce d’ores et déjà Ny Riana Raharimanjato, président directeur-général de GasyPlast.
Pour cela, “notre plan d’action prévoit déjà des plantations à grande échelle en collaboration avec les paysans. La création d’emplois ainsi consolidée profitera à l’agriculture, la base même de notre économie”, soutient Christina Andriantsialonina.
Pendant ce temps, au Cameroun, le chercheur Jean Aimé Mbei du laboratoire de chimie inorganique de l’université de Yaoundé I expérimente depuis trois ans la possibilité d’obtenir lui aussi du plastique à base d’amidon de manioc.
Les résultats de ses recherches ont débouché sur un produit biodégradable auquel il associe actuellement de la Kaolinite, le silicate naturel d’aluminium dont est formée l’argile blanche qui sert à la fabrication de la porcelaine.
D’après ses explications, l’ajout de la kaolinite vise à renforcer par une charge minérale, la structure de l’amidon.
Car, indique-t-il, “le problème de l’amidon de manioc est sa sensibilité à l’eau. Ce produit se déforme facilement au contact de l’eau et ses résistances mécaniques ne sont pas les plus flatteuses”.
Solidité
Roger Ranaivoson, un expert en biotechnologie à Madagascar, renchérit en disant que l’amidon à base de fécule de manioc ou de maïs contient de l’amylose et de l’amylopectine.
“Ces types de sucre se dissolvent facilement au contact des microorganismes, d’où leur caractère dégradable”, précise celui qui est aussi le chef de département de recherches technologiques au Centre national de recherche appliquée au développement rural (FOFIFA) à Madagascar.
Ainsi l’association de l’argile que fait le chercheur camerounais apporte plus de propriétés mécaniques au plastique qui est élaboré ; ce qui augmente sa solidité.
La destination première de ces plastiques à base d’amidon étant l’emballage direct des produits alimentaires, Jean Aimé Mbei affirme qu’il faut encore des tests sur des possibilités ou des risques de contamination ; car, au-delà de la sensibilité à l’eau, il peut exister un problème de diffusion des fluides ou des gaz.
Comme à Madagascar, l’on pense au Cameroun que de telles initiatives sont susceptibles d’apporter un nouveau souffle à la culture du manioc.
“L’utilisation des produits comme l’amidon de manioc dans la fabrication du plastique relève de la valorisation des sous-produits d’origine végétale”, analyse Hyppolyte Ntede du laboratoire de mécanique des matériaux de l’Ecole nationale supérieure polytechnique de l’université de Yaoundé I.
Objectif du développement durable
Roger Ranaivoson va encore plus loin en disant que la production de sacs bio relève d’initiatives combinant à la fois les stratégies locales et les exigences globales condensées dans les Objectifs du développement durable (ODD).
Toutefois, pour ce qui est de l’approvisionnement, ce dernier met en garde contre la difficulté de contracter avec les paysans malgaches en raison de l’insuffisance de leurs productions et de l’éparpillement de leurs exploitations ; ce qui, dans ce dernier cas, poserait un problème de collecte.
Il conseille dès lors aux promoteurs de tels projets de disposer de leurs propres champs de production de manioc pour se garantir un approvisionnement constant.
En effet, pour le moment, le producteur malgache reste tributaire en grande partie des importations provenant d’Asie pour les intrants nécessaires.
Car, avec 6 à 7 tonnes à l’hectare (t/ha), la production de manioc à Madagascar est faible, en comparaison par exemple aux 45 à 50 t/ha du Nigeria.
“En revanche, notre pays possède d’énormes potentiels”, relativise Roger Ranaivoson qui rappelle au passage qu’une variété à haut rendement (25 t/ha) avait été introduite à Madagascar dans les années 1980 et 1990 grâce à l’International Institute for Tropical Agriculture (IITA, Nigeria) sans cependant être vulgarisée.
“La pollution des rues par les déchets solides tels que les matières plastiques est un problème de comportements irresponsables, qui devrait être abordé par le changement des habitudes des gens, plutôt que par la modification des produits qu’ils jettent”
William Lemnyuy,
Ministère de l’Environnement – Cameroun
A Yaoundé, les travaux d’Hyppolyte Ntede portent plus généralement sur la possibilité d’exploiter les matières premières végétales pour lutter contre la pollution causée par les plastiques non biodégradables.
A l’en croire, “l’un des avantages de cette démarche est l’obtention d’un type de plastiques qui, lorsqu’ils sont arrivés en fin de cycle de vie, restituent le carbone qu’ils contiennent sous forme de dioxyde de carbone qui est réutilisé par les plantes au cours de la photosynthèse”.
Selon les estimations de l’Institut national de la statistique (INS) du Cameroun, les matières plastiques représentaient en 2010 en moyenne 10 % des déchets solides produits dans le pays, déchets alors évalués à 11 643 tonnes par jour.
Dans le même temps, une enquête menée en 2011 par le ministère de l’Environnement, de la protection de la nature et du développement durable (MINEPDED) nous apprend que 58% des Camerounais se débarrassent dans les rues de leurs emballages plastiques après utilisation, tandis que 22% les confient aux pré-collecteurs, alors que 20% les brûlent.
L’usage des sacs en plastique bon marché est en effet si ancrée dans les habitudes des Camerounais que son importation par contrebande puis son utilisation se poursuivent en dépit de l’interdiction (2011) suivie de 18 mois de sensibilisation, puis de campagnes de saisie et de destruction de stocks.
Pas une panacée
Aujourd’hui, la stratégie du MINEPDED consiste à encourager la vente des emballages en plastique plus épais et plus couteux ; les moins épais à usage unique étant ceux qui jonchent les rues.
Une réalité qui fait dire à William Lemnyuy, sous-directeur de la gestion des déchets des produits chimiques, toxiques et dangereux au MINEPDED, que les plastiques biodégradables ne devraient pas être considérés comme une panacée.
“Les plastiques biodégradables sont des matériaux intéressants et utiles, mais ils ne doivent être utilisés que lorsqu’ ils ont un avantage concret pour un produit spécifique”, dit-il.
Avant de conclure : “la meilleure façon d’aider à sauver la planète est d’économiser l’énergie et améliorer les moyens de recyclage et de récupération de tous les plastiques. La pollution des rues par les déchets solides tels que les matières plastiques, est fondamentalement un problème de comportements irresponsables, qui devrait être abordé par le changement des habitudes des gens, plutôt que par la modification des produits qu’ils jettent”.
Avec n.afrique