En 2012, N’Djamena faisait appel à Glencore pour commercialiser ses barils de brut. Depuis, le groupe suisse s’est imposé comme le banquier de l’État. Comment en est-on arrivé là ?
Présent physiquement au Tchad depuis décembre 2012, Glencore contrôle aujourd’hui quatre entités à la tête desquelles trône le Belge Franck Beausaert : PetroChad Mangara, Glencore DOH, Glencore Energy et PetroChad Transportation Company.
Certes, la chute des cours de l’or noir l’a contraint à annoncer, en août 2015, des coupes dans ses dépenses d’investissement ainsi que des dépréciations sur ses actifs ; le nombre d’expatriés a été réduit de 121 à 16, et le département géologie a été fermé. Mais Glencore reste un acteur majeur du secteur pétrolier au Tchad, notamment parce qu’il est devenu l’un des principaux créanciers de l’État – au point que N’Djamena est aujourd’hui dans une situation de quasi-dépendance.
Un partenariat fructueux
Tout commence en 2012, quand le Tchad décide de percevoir la redevance du consortium du bassin de Doba (Esso, Chevron, Petronas), soit 12,5 % de la production, non plus en espèces mais en volume de barils. Chargée de vendre ce brut, la Société des hydrocarbures du Tchad (SHT) sollicite en septembre l’intermédiation de Glencore pour le commercialiser sur le marché.
Le groupe suisse devient le trader de l’État, qui, pour satisfaire ses besoins en liquidités, obtient quelques mois plus tard un prêt de « préfinancement ». Le deal ? Glencore paie en avance l’équivalent de trois ans de cargaison au Tchad. En théorie, ce premier prêt aurait dû être totalement remboursé début 2016. Mais l’échéancier a finalement été prolongé jusqu’en 2018, à cause de la baisse des prix du brut, que la hausse de la production nationale (150 000 barils par jour) n’a pu compenser.
Plus tard, en 2014, l’État, via la SHT, rachète 25 % des parts de Chevron dans le consortium de Doba. Glencore lui accorde un second prêt, de « portage » cette fois-ci, à hauteur de 1,5 milliard de dollars (environ 1,2 milliard d’euros à l’époque) versés en deux fois. C’est le produit reçu par le Tchad au titre de ces 25 % qui sert au remboursement, sur quatre ans.
Glencore en difficultés face à ses créanciers
Mais là encore, la baisse des cours du pétrole a contraint à un rééchelonnement de cette dette pour permettre au Tchad de l’honorer : quatre avenants ont été négociés (le dernier en décembre 2015), la durée du prêt a été allongée à sept ans, et le taux d’intérêt serait passé de 2,5 % à 7 % de la somme totale.
Résultat : le Tchad ne bénéficie toujours pas des dividendes de la SHT dans le consortium de Doba, puisqu’ils sont directement cédés à Glencore. En juillet 2014, le ministre du Pétrole, Djerassem Lebemadjiel, déclarait à Jeune Afrique que, « dans cette opération, le Tchad ne s’endette pas, mais il accepte de partager avec Glencore sa future production ». Un an et demi plus tard, la position officielle de N’Djamena n’a pas évolué. Mais, en coulisses, le pouvoir s’active pour trouver une alternative.
L’allongement de la dette tchadienne met parallèlement le géant suisse dans une position d’inconfort vis-à-vis de ses propres créanciers, alors qu’il tente de réduire sa dette.
Ainsi, selon son dernier rapport d’activité, Glencore était redevable, au 31 décembre 2015, de 905 millions de dollars aux quatre banques (Crédit agricole, Deutsche Bank, Natixis et Société générale) qui lui ont permis de financer l’opération… et qui demandent de plus en plus de garanties. Selon une source proche du dossier, Glencore a dû céder à Natixis, en décembre 2015, une partie de ce que l’État tchadien lui doit.
Avec Jeune Afrique.