Les acteurs du n°1 mondial de l’anacarde, la Côte d’Ivoire, s’arrachent les cheveux. La première floraison a donné un faible rendement, avec 429 818 tonnes (t) achetées sur les 3 premiers mois de la campagne 2015/16, au 6 mai, contre 553 749 t à pareille époque l’année dernière, soit une chute de 22%. “A ce stade, 200 000 t de noix ont été exportées, contre 330 000 t (…) en 2015 à la même période, soit une baisse de 40%”, a déclaré vendredi Malamine Sanogo, directeur du Conseil coton-anacarde (CCA), lors de la réunion bilan à mi-parcours de la campagne 2016.
“Comparativement à la campagne 2015, les volumes d’achats et d’exportations de noix de cajou sont en recul respectivement de 19% et 40%. Ce qui, à ce stade de la campagne s’explique par un retard de maturité de noix de cajou’’, a poursuivi le responsable, imputant cette situation aux ‘’aléas climatiques” ce qui réduit les volumes mais dégrade aussi la qualité. Les exportateurs refusent des noix livrées, préférant puiser dans leurs stocks par ailleurs “importants dans les zones de production“, selon le Conseil.
Le prix au producteur en cause
El Niño est également pointé du doigt par certains exportateurs comme Augustin Planty, directeur général d’Océan. Mais pour le CCA, si les conditions climatiques sont une causes, ce n’est pas la seule explication. Plus tôt dans la semaine dernière, Malamine Sanogo avait dénoncé la chute de 22% du prix payés bord champ au planteur depuis le démarrage de la campagne le 15 février : il est passé de FCFA 600-625 (€ 0,91-0,95) à FCFA 450-550 (€ 0,68-0,84) le kilo.
Certes, ce prix est supérieur au prix plancher minimum de FCFA 350 fixé par le CCA pour la campagne de commercialisation 2016, un prix en nette hausse par rapport à 2015 (FCFA 275 prix minimum ; FCFA 410 prix effectif moyen, mais il est inférieur au prix payé dans les pays voisins. Les noix partiraient donc frauduleusement hors des frontières ivoiriennes, via le Ghana et autres pays voisins pour être exportées. Une situation d’autant plus préjudiciable que le prix de l’amende sur le marché international est à la hausse fasse à la “baisse prévisible de la production en Inde et au Vietnam“, souligne le CCA.
La nouvelle procédure des exportateurs
Le CCA, la semaine dernière, est allé encore plus loin dans son analyse. Malamine Sanogo a dénoncé la manœuvre de l’association des exportateurs qui “essaie d’organiser un cartel pour imposer un prix. Non seulement imposer un prix, mais aussi inciter ses membres à retirer leurs financements de la filière pour faire chuter le prix” et engranger la marge la plus importante possible.
Comment procèdent les exportateurs ? Ils “ont mis en place une nouvelle procédure d’accès des camions à leurs entrepôts due à la baisse de la qualité“, a expliqué le CCA. Elle débute par le prélèvement d’échantillons en haut du camion qu’ils analysent “pour avoir une idée de la qualité. Certains camions qui présentent un KOR (kernel output ratio ou rendement en amandes) inférieur à 44 et des taux d’humidités élevées sont refoulés dès cette étape et ne sont pas présentés au contrôle du taux d’humidité. Cette pratique accentue la spirale baissière en créant un mouvement de panique des acheteurs et des producteurs.”
Au total, la première semaine de mai, 91 camions ont été refoulés car leur marchandise a été déclaré avec des taux d’humidité supérieur à 10%. La semaine précédente, ils ont été au nombre de 109.
Au 6 mai, sur les 429 818 t achetées aux producteurs, 193 127 t ont été exportées générant FCFA 141 322,4 millions (€ 214,8 millions). La valeur moyenne FOB a l’export a été de FCFA 732, certes nettement supérieure aux FCFA 554 payé en moyenne en 2015, mais à rapprocher des FCFA 450-550 versés en moyenne aux producteurs. Des prix au producteurs qui, dans certaines localités, pour des noix de cajou bien séchées et bien triées, peuvent atteindre FCFA 650 le kilo.
Un prix international très ferme
Sur le marché international, le prix de l’amande blanche et entière (WWWW320) de cajou ne cesse de grimper. Elle se vendait la première semaine de mai à FCFA 4795-5114 le kilo FOB Asie contre FCFA 4690–4944 la semaine précédente. “ Le prix de la noix de cajou brute origine Côte d’Ivoire est en hausse en Asie, elle se vend entre $ 1 500 et 1 600 la tonne pour un Kor compris entre 45 à 46 lbs/sac”, soit FCFA 861-918 le kilo.
Et le CCA de souligner dans le courant de la semaine dernière : “La nette baisse des prix bord champ qui passe de FCFA 600 le kilo à FCFA 500, voire 450, n’est pas en corrélation avec le prix de vente sur le marché international qui est de $ 1500 la tonne comme pour le Bénin et le Ghana. Or, les prix bord champ de ces deux pays sont respectivement de FCFA 700 le kilo et FCFA 675.”
Une bourse de l’anacarde
Que faire ? Créer une bourse de l’anacarde pour permettre aux acteurs de cette filière de suivre au jour le jour les cours mondiaux, a annoncé vendredi Malamine Sanogo qui a rappelé qu’en 2013 un ‘‘Conseil des ministres a donné son accord pour créer une bourse du physique en Côte d’Ivoire” pour ‘‘tout ce qui est matière première agricole”.
‘‘On veut commencer avec l’anacarde parce que c’est une filière qui n’a pas de référentiel au niveau international. Et comme nous pesons dans le commerce international parce qu’on fait cas même la moitié de cette production, on peut initier cette bourse”, a-t-il expliqué, ajoutant que ‘‘les études ont déjà commencé”, souligne APA.
En outre, ‘‘Nous allons mettre très bientôt en place une société d’entreposage en Côte d’Ivoire qui aura pour mission de pouvoir recevoir les produits contre récépissé d’entreposage, qui sera monnayable au niveau des banques qui seront dans le système”, a poursuivi Malamine Sanogo. ” Cela va permettre aux producteurs de déposer leur produit et de prendre ces récépissés pour se faire payer. Ca va permettre aussi aux transformateurs qui n’ont pas les moyens de mobiliser des financements pour la transformation, d’avoir accès aux matières premières sous conditions que c’est un financement qui va s’inscrire dans une logique de financement structuré.”
Quid de la transformation locale ?
La Côte d’Ivoire est devenue en 2015, le premier producteur mondial de l’anacarde avec 700 000 tonnes. Sur cette production, 45 000 tonnes ont été transformées localement. A cet égard, le démarrage de la campagne 2016 est plutôt bon avec 26 000 t achetées au 10 mai par les transformateurs locaux contre un peu moins de 24 000 t à pareille époque en 2015.
“Malgré la rude concurrence des exportateurs de noix brutes, les transformateurs ont augmenté leur niveau d’achat d’un peu moins de 10% par rapport à la campagne 2015“, s’est félicité Malamine Sanogo, soulignant que ‘’les mesures incitatives additionnelles en cours de finalisation devraient aider à accroitre leur capacité d’action’’.
avec commoafrica