CONAKRY-De forts soupçons de corruption pèsent sur le fils du Président guinéen Alpha Condé et un de ses proches, selon le rapport d’une ONG spécialisée sur les questions de transparence Economique.
Mohamed Alpha Condé et Aboubacar Sampil, sont cités dans une affaire d’octroi d’une concession minière située sur les chaînes du Mont Nimba, au sud de la Guinée, à la junior minière britannique Sable Mining. C’est Jeune Afrique qui a révélé l’information, après avoir consulté un rapport de Global Witness.
Le document de l’ONG spécialisée sur les questions de transparence économique, révèle selon JA, les conditions assez surprenantes dans lesquelles la junior minière britannique, Sable Mining, a obtenu une concession sur le gisement de fer du mont Nimba en Guinée.
Selon le Journal, les dirigeants de Sable Mining, Phil Edmonds et Andrew Groves, se sont intéressés à la Guinée à partir d’août 2010. Dirigée par la junte militaire du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), mené par le général Sékouba Konaté, la Guinée était alors en plein campagne d’entre-deux-tours de la présidentielle, avec deux candidats encore en lice : Alpha Condé et Cellou Dalein Diallo.
À son arrivée dans le pays, Sable Mining s’est associé avec l’entrepreneur guinéen Aboubacar Sampil (connu sous le nom de Bouba Sampil, NDLR) bien établi dans le secteur minier, patron de Nimba Holding, mécène du club de football de l’AS Kaloum de Conakry (ASK) et proche du candidat Alpha Condé (élu président en décembre 2010), et de son fils Alpha Mohamed Condé, éduqué aux Etats-Unis et souvent présent lors des discussions avec les groupes miniers anglo-saxons, explique la même source.
Financement de la campagne présidentielle
Selon JA qui cite toujours l’ONG Global Witness, Sable Mining aurait facilité les déplacements du candidat Alpha Condé et de son fils lors de la campagne présidentielle, faisant également du « lobbying » en leur faveur en leur présentant des officiels libériens et Sud-africains.
Accusations rejetées en bloc
Alpha Mohamed Condé a nié auprès de Global Witness toute transaction personnelle entre Sable Mining et lui, et toute tentative d’influencer quiconque en faveur des opérations de Sable Mining. Sur le site internet de Sable Mining, Bouba Sampil qui aurait servi de pont, est inscrit comme directeur non exécutif depuis 2012, une société qui a bien obtenu une licence minière de l’État cette même année… Et qu’il touche à ce titre pas moins de 120 000 dollars par an selon Global Witness.
Selon l’ONG, Sable Mining lui aurait payé en 2014 la bagatelle de 6 millions de dollars en « frais de consulting ». Des émoluments qui ne sont pas niés par la compagnie minière dans sa réponse à Global Witness : Sable Mining y estime que la contribution d’Aboubacar Sampil au succès du projet ne « doit pas être sous-estimée ».
De fait, là où Sable Mining a échoué au Liberia à obtenir le gisement de Wologozi, la junior minière britannique va le réussir en Guinée par l’entremise d’Aboubacar Sampil. Interrogées par Global Witness, les autorités guinéennes actuelles rejettent toute irrégularité dans le processus, selon JA.
Echanges d’emails, pots de vins…
Une concession minière intéressante, aux yeux de la junior britannique, mais uniquement à condition d’obtenir l’autorisation des autorités guinéennes et libériennes de franchir la frontière pour exporter le minerai à partir du Liberia, avec des investissements et un coût de transport beaucoup moins élevés que s’il s’agissait de passer par la Guinée. En effet, le mont Nimba est à environ 900 km de Conakry, sur la côte atlantique guinéenne, alors que la côte libérienne est à seulement 200 km…
D’après les échanges d’emails récupérés par Global Witness, Aboubacar Sampil aurait à plusieurs reprises demandé de l’argent à Sable Mining pour suborner fonctionnaires du ministère des Mines et décideurs afin d’obtenir le gisement de fer du Mont Nimba, à seulement quelques kilomètres de la frontière du Liberia, un pays où Sable Mining est déjà établi.
Interrogées par Global Witness, les autorités guinéennes actuelles rejettent toute irrégularité dans le processus. Au final pourtant, Aboubacar fait des miracles : Sable Mining réussit à obtenir le gisement de ses rêves. Le permis d’exploration du mont Nimba lui est finalement accordé par les autorités en janvier 2012.
Plusieurs indices laissent penser que tout ne s’est pas déroulé dans les règles. D’abord, en janvier 2012, la Guinée est en plein audit des contrats miniers datant d’avant l’arrivée d’Alpha Condé au pouvoir, qui ne s’est achevé qu’en décembre de la même année. Or, selon le ministre guinéen des mines de l’époque, Lamine Fofana, interrogé par Jeune Afrique fin 2012, cet audit entraînait la suspension de l’octroi de nouveaux permis.
La Guinée se défend en faisant valoir que quatre autres permis ont été accordés à cette époque en 2012 – en dépit des déclarations du ministre Lamine Fofana – et fait valoir qu’un autre permis avait été accordé à Sable Mining en 2010, avant l’arrivée du président Alpha Condé au pouvoir.
Autre point surprenant, le fait que Sable Mining obtienne le droit de faire passer son fer par le Liberia, en août 2013, un droit demandé par les géants Rio Tinto et Vale (qui n’est plus en Guinée aujourd’hui), et jamais obtenu. Il leur était demandé de participer à la construction du « tranguinéen » – un chemin de fer minier jusqu’au sud de Conakry – et d’un port, pour un coût total de près de 10 milliards de dollars, non supportable par une junior comme Sable Mining, et jugé crucial par le gouvernement pour développer le pays. Là encore, les autorités guinéennes, contactées par Global Witness démentent tout favoritisme.
Enfin, dernier point troublant selon Global Witness, la légèreté non sanctionnée par les autorités guinéennes en matière environnementale : le permis minier du mont Nimba empiétait au départ sur une réserve naturelle classée au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco.
Le ministre guinéen de l’environnement de l’époque, Samady Touré, a officiellement protesté auprès de son collègue des Mines en août 2012 contre le non-respect de la législation guinéenne et internationale sur les réserves naturelles. Mais ses protestations n’ont pas été entendues, révèle Jeune Afrique. Selon un expert de l’Unesco interrogé par Global Witness, l’étude d’impact environnementale n’a clairement pas respecté les standards internationaux habituels. Les autorités guinéennes démentent de leur côté avoir fermé les yeux sur la démarche environnementale du groupe de Phil Edmonds et Andrew Groves.
Ces révélations interviennent alors qu’une information judiciaire confiée à des juges financiers et portants notamment sur des soupçons de «corruption d’agent public étranger» est ouverte à Paris sur les conditions “obscures” d’obtention par Bolloré du Terminal à conteneur du Port de Conakry.
Affaire à suivre…
Avec africaguinée