Selon les scientifiques, la menace croissante de la résistance aux antibiotiques en Afrique subsaharienne rend urgentes les interventions aux niveaux politique et médical.
Selon Céline Langendorf, épidémiologiste à Epicentre, la branche de recherche de Médecins Sans Frontières (MSF), “de plus en plus de patients meurent à cause d’antibiotiques inefficaces. Toute la population, y compris les professionnels de la santé, doit prendre conscience de ce problème et rationaliser l’utilisation des antibiotiques pour prévenir la propagation de ces bactéries [résistantes aux antibiotiques].”
“Le problème ne se pose pas seulement au niveau des pays à revenu élevé. [Il est nécessaire] d’avoir accès aux antibiotiques de deuxième et troisième lignes dans les hôpitaux, de développer un réseau efficace de surveillance de la résistance aux antibiotiques au niveau national et de mettre en place une formation et un suivi des antibiotiques dans les hôpitaux et les centres hospitaliers universitaires”, dit-elle.
“De plus en plus de patients meurent à cause d’antibiotiques inefficaces. Toute la population, y compris les professionnels de santé, doit prendre conscience de ce problème.”
Céline Langendorf, MSF
Il y a également le problème de la rareté des données sur la surveillance de la résistance aux antibiotiques en Afrique subsaharienne qui doit être réglé d’urgence par la recherche et le développement, a déclaré Céline Langendorf à SciDev.Net dans une interview, le mois dernier (24 février).
Les décideurs africains, dit-elle, doivent mettre en œuvre des campagnes de communication et des programmes de formation pour le personnel de santé et les vétérinaires, afin de prendre des mesures pour endiguer le problème mondial de la résistance aux antibiotiques.
Céline Langendorf, qui était également l’une des personnes-ressources de la 1ère Journée Scientifique organisée au Niger par Epicentre, la branche recherche de MSF, le 24 janvier, a déclaré qu’il y avait une tendance alarmante à la résistance aux antibiotiques au Niger, ces dix dernières années, ce qui a conduit à des infections bactériennes plus complexes nécessitant des traitements de seconde intention coûteux.
Leurs études menées entre 2007 et 2017 ont révélé que le niveau de résistance aux antimicrobiens au Niger pendant cette période avait augmenté, pour des raisons multifactorielles, y compris une forte pression sélective due à une mauvaise utilisation des antibiotiques.
“Nos découvertes comblent des lacunes et ouvrent la voie pour la sensibilisation sur les infections hautement résistantes dans la région.”
“L’objectif des deux études était d’estimer la prévalence des infections sanguines et de la résistance aux antibiotiques chez les enfants de moins de cinq ans souffrant de malnutrition aiguë sévère compliquée et hospitalisés dans un centre de traitement nutritionnel intensif” (CTNI), explique Céline Langendorf à SciDev.Net.
Les deux études, explique-t-elle, étaient prospectives et descriptives. Les chercheurs ont prélevé des échantillons d’hémoculture pour tous les enfants au moment de l’admission au CTNI et ont effectué des tests de sensibilité aux antibiotiques.
Les chercheurs ont trouvé un niveau élevé de résistance aux antibiotiques amoxicilline et co-trimoxazole. En dix ans, ils ont constaté une augmentation de la résistance de l’amoxicilline-clavulanate de trois à 27% et de la ceftriaxone de 3 à 9% cent parmi les bactéries du genre Enterobacter qui ont été isolées à partir d’échantillons de sang.
Selon Coline Mahende, chercheuse principale à l’Institut national tanzanien de recherche médicale, la mauvaise utilisation des antibiotiques par les consommateurs et la tendance des agents de santé à traiter les infections en fonction des symptômes plutôt que d’utiliser des outils de diagnostic de confirmation, contribuent à la résistance aux antibiotiques.
Les antibiotiques de deuxième intention sont généralement coûteux pour les patients hospitalisés et, en raison de la pauvreté, tous les patients ne sont pas en mesure de se le permettre et, par conséquent, la mortalité augmentera.
“La résistance aux antibiotiques est un [problème de santé] majeur et une menace croissante pour l’Afrique subsaharienne”, a déclaré Coline Mahende à SciDev.Net, ajoutant que le manque de politiques de contrôle de l’utilisation des antibiotiques chez les humains et les animaux est également un facteur contribuant à l’augmentation de la résistance.
Des efforts devraient être mis en place pour des mesures de contrôle et de prévention telles que la vaccination, l’éducation en matière de santé publique sur l’hygiène personnelle, la disponibilité de l’eau potable et l’assainissement, selon Coline Mahende.
Avec scidevafrique